22 septembre, 2010

Valeurs Actuelle célèbre la faillite de l’Etat dans son numéro du 23 septembre 2010

 

A l’heure où les économistes bien-pensants se déclarent atterrés face à la persistance des schémas néolibéraux (le Monde daté du 16 septembre), Charles Gave, économiste, gérant de portefeuille et membre du conseil d’administration de l’Institut Turgot, un think tank libéral, s’apprête à publier L’État est mort, vive l’État !, une leçon d’économie libérale qui va à l’encontre de la pensée politiquement correcte. Pourquoi la faillite étatique qui s’annonce est-elle une bonne nouvelle, s’interroge-t-il de manière provocatrice ? Parce qu’elle va contraindre la France à des réformes qui lui per mettront de retrouver sa force créatrice. Inquiétant, mais stimulant.  D. V.

LA DETTE
Ce n’est un secret pour personne, la part de l’État dans l’économie française ne cesse de croître depuis le début des années 1970. Logiquement, cette “préférence” pour une consommation collective aurait dû être financée par un accroissement des re cettes fiscales, c’est-à-dire par un alourdissement des impôts. Il n’en a rien été.

Le dernier budget voté en équilibre dans notre pays remonte à 1973 ; depuis, pour financer ces accroissements de dépenses, l’État n’a cessé de recourir à l’emprunt. Cette calamiteuse habitude a fort logiquement conduit à une explosion de la dette, qui atteint un niveau tel que les marchés financiers risquent très prochainement de refuser de continuer à nous prêter de l’argent. C’est ce que l’on commence à voir en Grèce, en Irlande, en Espagne, au Portugal… Il va donc falloir, et à brève échéance, ajuster les dépenses aux recettes.

LE PROFIT
Le profit n’est ni bien ni mal. Il est ou il n’est pas, et les sociétés dans lequel il existe ont plutôt tendance à mieux se porter que celles dans lequel on le pourchasse. Comme le disait Deng Xiaoping, le successeur de Mao à qui la Chine doit d’être sortie de ses malheurs, « qu’importe la couleur du chat pour peu qu’il attrape les souris ». La France va mal car, à l’inverse de M. Deng, nous pensons que la couleur du chat a plus d’importance que son habileté à attraper les souris.

Notre pays est dans un déni de la réalité de nature religieuse, ce qui est tout à fait compréhensible puisque les hommes et les femmes qui le gouvernent ont intégré dans leur façon de penser une pratique profondément religieuse, le marxisme.

Pour eux, nous sommes dans une guerre de religion, et comme dans toute bonne guerre de religion, il y a d’un côté les bons, c’est-à-dire eux, les élus du Seigneur, et de l’autre, les méchants.

LE GÉNIE DU CAPITALISME
Un acte de création induit des destructions en cascade, la plupart du temps fort douloureuses. Paral lè le ment, des industries qui n’existaient tout simplement pas voient soudain le jour. Nous avons un double effet de croissance exponentielle d’un côté et d’effondrement accéléré de l’autre, ce double mouvement constituant le coeur du processus de la création destructrice. Le génie du capitalisme (et du libéralisme) consiste à laisser libre cours à ce double processus de création-destruction en empêchant ceux qui sont en voie de destruction, les industries du passé, de bloquer le développement des industries du futur par le protectionnisme, la taxation, les subventions, les réglementations étatiques et autres distorsions de marché.

En termes simples, le capitalisme réussit là où les autres systèmes échouent tout simplement parce que les mauvais ou les malchanceux sont contraints à la faillite et qu’il existe un processus légal pour disperser leurs biens (le droit de la faillite n’existe pas en Asie, ce qui pose un gros problème localement). Ce mécanisme n’est que le pendant d’un autre droit encore plus fondamental : le droit de propriété, qui permet à celui qui a eu une idée géniale et qui l’a développée avec succès de s’enrichir au-delà même de ce qui peut paraître raisonnable (Bill Gates, Steve Jobs).

Pendant les périodes où les secteurs qui se développent l’emportent sur ceux qui se contractent, nous avons une bonne croissance économique. Dans le cas contraire, nous avons une crise. C’est pendant les crises que la plupart des grandes inventions qui seront à l’origine de la croissance suivante voient le jour. Les inventeurs, plutôt que d’aller travailler chez IBM, qui n’embauche plus pendant la crise, décident de se lancer à leur compte.

LA BCE ET LES RENTIERS
Depuis l’arrivée de M. Trichet d’abord à la Banque de France, puis à la BCE, les rentiers se sont considérablement enrichis, au détriment des entrepreneurs et de tous les Français. Ceux qui n’ont pas pris de risques vivent depuis 1978 beaucoup mieux que ceux qui ont pris des risques, ce qui est proprement absurde. Comment les entrepreneurs peu vent-ils embaucher qui que ce soit si le taux de croissance des profits est inférieur au taux de l’argent ? La solution pour nos héros est soit de ne pas investir et de se transformer en rentiers, soit d’aller investir en dehors de France, ce qu’ils ont fait en masse. M. Trichet pense qu’en maintenant des taux élevés, il crée une monnaie forte. On ne peut imaginer idée plus fausse. Le niveau des taux n’a aucun rapport avec une monnaie forte. Seule compte la relation qui unit les taux d’intérêt et la croissance de l’économie. Rien n’est pire qu’un fonctionnaire inamovible qui ne comprend rien à l’économie, qui a une vision politique à mettre en oeuvre – dans le cas de M.Trichet, construire une technocratie européenne dont les peuples ne veulent pas –, qui n’est jamais passé par des élections et qu’aucun pouvoir politique ne contrôle ; ce que la crise actuelle de l’euro montre à l’évidence.

FRANÇOIS MITTERRAND
Le président élu en 1981, dont tout le monde m’explique avec des airs gourmands que sa ruse diabolique et son côté “florentin” ont mené à la destruction du Parti communiste en France, a en réalité présidé de 1981 à 1985 à la plus grande expansion de l’économie communiste par rapport à l’économie capitaliste que la France ait connue. C’est de cette habileté-là que nous risquons de crever trente ans après… Les crimes en histoire se paient très souvent avec un grand retard. De plus, remarquons que les partis communistes en Europe ont partout disparu au cours de cette même décennie, sans pour cela que le poids de l’État soit monté en flèche, au contraire. La France est, du fait de cet homme, le seul pays européen à avoir raté la révolution libérale du début des années 1980, et c’est l’une des raisons de notre vulnérabilité actuelle.

L’EURO PERVERS
Un taux de 3 % est trop élevé pour l’Allemagne compte tenu de sa croissance potentielle. Il favorise trop le rentier par rapport à l’entrepreneur allemand. De ce fait, la croissance ralentit, l’investissement, en particulier immobilier, disparaît, les salaires et la consommation stagnent, le taux d’épargne monte et avec lui l’excédent de la balance commerciale. Seules les entreprises tournées vers le commerce international tirent leur épingle du jeu, ce secteur étant le seul à croître de plus de 3% par an. Et tout le monde de s’émerveiller devant la vertu teutonne : aucune vertu là-dedans, juste une réaction parfaitement normale à un taux d’intérêt inadapté.

Un taux de 3% est trop bas pour l’Espagne. Le rentier est défavorisé par rapport à l’entrepreneur. Nous avons ici une situation aux antipodes de celle en Allemagne. La croissance s’accélère, l’investissement, en particulier dans l’immobilier, est en plein boom, le taux d’épargne baisse, l’endettement s’envole, le déficit commercial se creuse tandis que les entreprises délaissent l’international pour se concentrer sur le marché domestique. Et tout le monde de hocher la tête sur l’irresponsabilité des Latins, ce qui est aussi caricatural et stupide que de louer la vertu supposée des Allemands…

En conséquence, nous avons trop de maisons en Espagne, trop d’usines en Allemagne ; trop de dettes en Espagne, trop d’épargne allemande investie dans des actifs espagnols puisque personne n’a émis de dettes en Allemagne. Résultat, tout le monde est ruiné, ce qu’avait parfaitement anticipé Milton Friedman avant cette crise.

LA PANIQUE
Le ratio dette sur PNB s’élève aujourd’hui en moyenne à 90 %. À politique inchangée, nous en serons à 150 % en 2020 et à 200 % en 2030, ce qui est tout simplement impossible… Comme il est impensable que les marchés laissent la dette française dériver à ce point, il est tout à fait certain que d’ici à 2020 nous aurons soit des réformes crédibles, soit une crise financière profonde qui forcera l’État à entreprendre ces réformes, mais dans la douleur, sous le contrôle du FMI ou de l’Allemagne.

Une fois de plus, on voit que la limite extrême de l’indifférence politique à ces problèmes se situe quelque part entre 2015 et 2020. Après cette date, au plus tard, les hommes politiques ne pourront plus s’occuper de rien d’autre. Rien ne prouve cependant que les marchés nous laisseront tout ce temps. La panique peut arriver bien avant.

L’ÉTAT
Le premier travail consiste à rendre l’État à nouveau laïc, c’est-à-dire à faire sortir des postes de pouvoir la classe cléricale, payée par ce même État et qui l’a accaparé. Pour cela, le plus simple est de faire confiance à la démocratie et au vote en remplaçant partout où c’est possible la démocratie représentative par la démocratie directe. Si ce système a réussi en Suisse, ce devrait être aussi le cas en France. Et la Constitution de la Ve République le permet.

Le deuxième travail consiste à redéfinir, comme l’avaient fait les Lumières en leur temps, ce qui est du ressort de l’État et ce qui ne l’est pas. Il me semble que police, justice, administration générale, défense et diplomatie avaient été retenues par les grands anciens comme faisant partie des privilèges régaliens. Il faudra peut-être compléter la liste, mais surtout, il faudra éliminer de ce périmètre, et le plus vite possible, toute une série d’activités qui ne font pas partie des attributions d’un État moderne. Il me semble assez facile d’arriver à un accord pour dire que la conduite des trains ou la production de gaz et d’électricité n’ont rien à faire dans le giron d’un État moderne. Une fois sortis tous ceux qui n’ont aucune raison légitime d’être fonctionnaires, les autres sujets pourront être abordés, la santé ou l’éducation par exemple, mais commençons par les choses évidentes.

Le troisième travail consiste à promouvoir la justice fiscale. Une fois pour toutes, il faut arriver à la notion que les impôts servent à payer les services de l’État, et non pas à satisfaire la jalousie que certains de nos concitoyens éprouvent pour ceux qui ont réussi. Un système fiscal efficace doit donc avoir deux caractéristiques : couvrir les dépenses de l’État et entraver le moins possible les processus par lesquels la valeur est créée, donc la croissance et l’emploi.

Dans cet esprit, si mon frère gagne dix fois plus que moi, il me semble juste qu’il paie dix fois plus d’impôts que moi, mais pas cent fois. L’impôt progressif est moralement indéfendable dans la mesure où il ne prend pas en compte les risques pris par celui qui touche de hauts revenus. Il faut donc passer d’un impôt progressif à un impôt proportionnel. Après tout, la vraie justice sociale, c’est le plein emploi. Si on enlève de l’argent à ceux qui réussissent pour le donner à ceux qui ne réussissent pas, en en gardant les deux tiers au passage pour faire tourner l’usine à gaz qui gère ces transferts, le taux de croissance ne peut que baisser, et comme le disent les Chinois « quand les gros maigrissent, les maigres meurent de faim ». Pour citer une dernière fois Milton Friedman : « Si on taxe ceux qui travaillent et si on subventionne ceux qui ne travaillent pas, il ne faut pas s’étonner si le chômage augmente. »

L’État est mort, vive l’État ! Pourquoi la faillite qui s’annonce est une bonne nouvelle, de Charles Gave, Bourin Éditeur, 162 pages, en librairie le 26 septembre.

http://www.valeursactuelles.com/actualités/économie/chronique-d039une-faillite-annoncée20100923.html

Auteur: idlibertes

Profession de foi de IdL: *Je suis libéral, c'est à dire partisan de la liberté individuelle comme valeur fondamentale. *Je ne crois pas que libéralisme soit une une théorie économique mais plutôt une théorie de comment appliquer le Droit au capitalisme pour que ce dernier fonctionne à la satisfaction générale. *Le libéralisme est une théorie philosophique appliquée au Droit, et pas à l'Economie qui vient très loin derrière dans les préoccupations de Constant, Tocqueville , Bastiat, Raymond Aron, Jean-François Revel et bien d'autres; *Le but suprême pour les libéraux que nous incarnons étant que le Droit empêche les gros de faire du mal aux petits,les petits de massacrer les gros mais surtout, l'Etat d'enquiquiner tout le monde.

2 Commentaires

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  • Anonyme

    23 septembre 2011

    Monsieur, pourquoi sommes nous si peu entendus quant aux évidences que vous énnoncez avec talent? L’état est dans un « grand huit » duquel il ne peut descendre fort de sa griserie. Quand la machine se stabilisera il se rendra à l’évidence ,ce grand huit l’a rendu malade mais surtout a rendu malade chaque occupant du manège, certains supporteront mieux que d’autres..mais auront ils compris qu’ils ne faut plus monter dans ce manège? j’en doute..vraiment j’en doute.
    Cordialement

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  • Fontaine

    18 novembre 2010

    Cher Monsieur,

    j’ai débuté avec un vif plaisir la lecture de votre ouvrage. En effet, je le trouve sainement corrosif vis à vis de nos pratiques et aveuglements locaux et ceci réjouit l’entrepreneur que je suis. Puissiez-vous avoir raison !

    Bien cordialement.

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