Recep Erdogan est un tacticien, qui est peut-être, cette fois-ci, allé trop loin. Alors que les Occidentaux regardent vers l’Ukraine et la Syrie, il a fait arrêter le maire d’Istanbul, son principal rival à la présidentielle de 2028. S’en suivent de nombreuses manifestations, qui secouent la grande ville turque.
Istanbul a toujours été un bastion de l’opposition à Erdogan. Plus tournée vers l’Europe, plus occidentalisée que le reste de la Turquie, même déclassée du statut de capitale au profit d’Ankara. Et son maire, Ekrem Imamoglu, est l’un des principaux opposants d’Erdogan, choisi par l’opposition pour l’affronter lors de la présidentielle de 2028. Après 22 ans de mandat, Erdogan, est toujours décidé à rester maître de la Turquie et a imprimer sa marque sur le pays.
Le coup de trop ?
Est-il allé trop loin ? L’arrestation, le 23 mars, du maire d’Istanbul a mis la ville en ébullition. Sous le prétexte de corruption, le maire a été arrêté et incarcéré. Depuis lors, plus de 1 400 personnes ont été arrêtées au cours des manifestations de plus en plus violentes. La tension ne retombe pas face à ce que beaucoup interprètent comme un coup de force pour museler l’opposition et s’assurer le maintien au pouvoir.
Depuis 2016 et le coup d’État raté des militaires, la pression politique se fait de plus en plus forte en Turquie. Paranoïa au sein du gouvernement, arrestations de journalistes et d’officiers, médias contrôlés. Lors du terrible séisme de février 2023, la communication du gouvernement avait été particulièrement erratique, ainsi que les services sociaux et les aides publiques, renforçant le sentiment d’abandon et le désespoir des populations.
Erdogan veut prolonger son pouvoir, au risque de se détacher complètement de l’opinion et de lasser aussi au sein de son camp. Au risque, également, de fragiliser la Turquie sur la scène mondiale.
La nouvelle Turquie
Beaucoup de provocations et d’errements ont été passés à Erdogan, notamment par les Européens. Sa gestion agressive des problèmes migratoires, s’en servant comme d’un levier de chantage, sa manipulation de la diaspora turque, notamment en Allemagne, ses liens avec les loups gris, sa pression en Méditerranée orientale, contre la France et contre la Grèce. Erdogan a pu multiplier les actes d’agression tout en bénéficiant d’une étrange impunité, beaucoup pensant qu’il valait mieux un Erdogan pénible à la tête de la Turquie qu’une personne incapable de tenir le pays.
Le président turc ne manque pas non plus de projet. Sa rénovation de l’aéroport international d’Istanbul en fait l’un des plus importants au Moyen-Orient, véritable passage obligé pour de nombreux vols vers l’Afrique et l’Asie centrale. Son projet de grand canal, pour doubler le Bosphore, vise à faire d’Istanbul, plus que jamais, un lieu incontournable des échanges mondiaux. Erdogan n’a pas abandonné l’ancienne Constantinople : il y a développé de nombreux projets d’envergure et investit beaucoup d’argent public. Avec le sentiment de trahison à l’égard d’une population qui ne le soutient pas. Constantinople fut toujours une ville à part dans l’Empire ottoman et la population stambouliote cultive ce particularisme. Mais avec, cette fois-ci, une opposition politique de plus en plus marquée.
Une économie fragilisée
En dépit des efforts d’Erdogan, l’économie turque demeure fragile, notamment sa monnaie. En 2022, la livre turque avait subi une très forte dépréciation face au dollar, fragilisant le budget étatique et l’économie du pays. En conséquence de quoi, l’inflation en Turquie était à plus de 75% début 2024 et encore à près de 50% à l’automne dernier. Il a fallu attendre la fin 2024 pour que la livre turque se stabilise. Une telle inflation lamine les classes populaires et moyennes et donc la confiance portée sur le gouvernement Erdogan. Les Turcs, comme les populations de tous les pays, veulent d’abord du pain et du travail. Le nationalisme, les grands projets diplomatiques et géopolitiques plaisent aux classes supérieures, cultivées et aisées. Pour mettre cela en haut de ses priorités, il faut, d’abord, avoir un travail et du pain. Si Erdogan ne peut pas apporter ce minimum vital, il perdra la main sur sa population.
La stabilité économique et le contrôle de l’inflation sont essentiels pour faire venir les investisseurs, notamment étrangers. La Turquie est un grand pays du textile : nombreux sont les vêtements portés en Europe qui sont fabriqués en Turquie. Les ateliers sont de bons niveaux, la main-d’œuvre est compétente et bon marché. Mais l’inflation d’une part, l’instabilité politique d’autre part, déplaît aux investisseurs. Erdogan joue donc un jeu dangereux. Une attaque monétaire contre la livre, un retrait ou un gel des investissements et c’est tout le pays qui sera fragilisé. La crise active à Istanbul pourrait ainsi se propager dans le reste du pays. D’autant que les conséquences du séisme de 2023 ne sont pas encore complètement effacées.
La crise ouverte par l’arrestation du maire d’Istanbul est profonde et semble avoir surpris le gouvernement lui-même, qui ne s’attendait pas à une telle contestation. En dépit des très nombreuses arrestations, la mobilisation ne faiblit pas. L’opposition s’est coalisée avec les manifestants, faisant bloc derrière son candidat arrêté. La justice étant aux ordres du pouvoir, aucun procès juste n’est à attendre pour une arrestation qui est politique. Erdogan, qui fut longtemps le maître des échecs, a-t-il joué le coup de trop ?
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Patrice Pimoulle
29 mars 2025Interessant. Finalement, Om en revient a ses idees sinples, ce que veut le peuple, c’est ;a paix et le pain.la grandeur ne l’intersse[ pas, On ne fonde pas une polique de grandeur aur l’arresatioin ou l’assassinst des opposanta ou l’insttution d;ine haute-Cour de Justice.
Constantinople, c;est l;e,pire byzantin, Leempire otttoman m c;est Istanbul.
L’empire ottoman. c;est aussi le Bagdadbahn.
Paul
28 mars 2025Les européens – authentiques carpettes – n’ont pas le courage ni les moyens de faire pression sur Erdogan. Erdogan envahit la Syrie , y massacre les Kurdes de la Rojava , met au pouvoir un coupeur de tetes sorti d’ Al Qaeda et l’ UE vient de lever les sanctions economiques qui penalisaient l’ancien regime d’ Al Assad … l’ Europe est à plat ventre devant Erdogan car il est le bras étatique et armé de la confrérie des Freres Musulmans qui est l’enfant chéri du Qatar. Alors si l’UE admet ce genre d’ aventurisme exterieur elle n’ a aucune légitimité a critiquer la politique intérieure du Calife Erdogan . Le Qatar paye et arrose pour avancer ses pions dont les représentant en France se nomme de Villepin ; lequel agite la » nécessaire » entrée de la Turquie en Europe pour que l’armée turque nous protège des Russes .. cousue de fil blanc la djellaba de Villepin . Utile de déceler que tous les chemins de la fermentation islamiste mènent au Qatar.
Patrice Pimoulle
29 mars 2025Voila qui est clairl De Gaulle et Chirac avaient al Francaftique Sarko Kadhafi, de Villepin le Quatar. c’est l’ordre. On est rassure.
Jepirad
28 mars 2025Comment voulez-vous que des peuples s’en sortent avec les crapules qui les dirigent. Turcs, Russes, Iraniens, notamment. Bientôt Américains…
KAHRAMAN Mehmet
28 mars 2025C’est désormais officiel, Erdogan a proclamé sa dictature en arrestant son principal rival Ekrem Imamoglu, face à qui, il n’a aucune chance lors d’une élection présidentielle. Maitenant qu’il a choisi une telle voie, il ne va probablement pas laissé les élections se dérouler dans les années à venir. Il vient donc de perdre toute sa légitimité. Mais y-a-t-il un contre-pouvoir pour le faire stopper ? Non. Il va sureemnt rester au pouvoir jusqu’à sa mort.
Olivier COUSIN
28 mars 2025Erdogan a toujours pratiqué un jeu d’équilibriste dangereux pour lui, en jouant la carte de l’OTAN d’un côté, et la carte russe de l’autre. Il est évident que ces deux grandes puissances vont avoir tendance à soutenir un remplaçant à Erdogan plus fiable à leurs intérêts.
Ekrem Imamoglu est soutenu par le camp occidental (USA, OTAN).
Il est certain qu’Erdogan va devoir se rapprocher très vite de la Russie : cette dernière va pouvoir monnayer avec Erdogan des concessions importantes en échange d’un programme d’investissements économiques et d’échanges commerciaux favorables. Quelles concessions ? Création d’un hub gazier ? Accès restreint des navires en Mer Noire ? Fermeture de la base militaire de l’OTAN en Turquie ?