18 janvier, 2025

Retour de Trump : ça va secouer

Retour au pouvoir de Donald Trump, qui a déjà annoncé les grandes lignes de son programme. Cela promet de secouer, d’autant qu’il dispose de très peu de temps pour réussir.

 

Le temps politique américain est encore plus court que le temps politique français. Dans quatre ans, les États-Unis auront un nouveau président. Donald Trump ne pouvant pas se représenter, cela signifie que la campagne 2028 va bientôt débuter, d’une part côté républicain pour trouver un successeur au trumpisme, d’autre part côté démocrate pour relever un parti qui n’est pas encore remis des années Obama. Dans moins de deux ans auront lieu les midterms, qu’il est rare que les présidents en exercice emportent. Trump n’a donc que quelques mois pour marquer l’histoire de l’Amérique et imposer ses réformes.

 

Nettoyer les écuries d’Augias

 

Si Elon Musk impose à l’administration américaine la même potion qu’à Twitter, cela promet des bouleversements majeurs. Mais une administration ne se réforme pas aussi vite qu’une entreprise privée. Il y a pourtant beaucoup à faire pour couper les budgets, raboter les bureaux, alléger le poids des fonctionnaires devenus trop important. Musk a eu deux mois pour se préparer à cette mission et il ne devra pas tarder pour se mettre en mouvement. Les États-Unis sont toujours frappés par une dette de grande ampleur, par des infrastructures publiques défaillantes.

À cela s’ajoutent des problèmes sociaux majeurs, dont la crise du fentanyl n’est que l’un des symptômes. La Californie brûle, notamment à cause de mauvaises mesures d’aménagement du territoire, comme le refus de débroussailler les chemins et les forêts et les crédits coupés pour les pompiers. Il est ensuite facile d’accuser le réchauffement climatique. La région avait déjà été touchée par de graves incendies en 2020. Quatre ans plus tard, presque rien n’a changé. La Californie ne fait plus rêver, Los Angeles et San Francisco perdent des habitants, beaucoup migrent vers le Texas et la Floride, tout en continuant à voter démocrate. Ce qui exacerbe bien évidemment les tensions avec les populations locales qui refusent cette invasion politique de l’intérieur. Aux écuries de l’administration, Trump a promis aussi de nettoyer celles des universités et des idéologies mortifères. Il y a du travail tant cela est ancré dans les mentalités.

 

La Chine plutôt que l’Ukraine

 

Depuis Obama, c’est vers la Chine que les États-Unis regardent, pas vers la Russie, qui n’est plus, pour eux, le sujet principal. Les États-Unis veulent empêcher le numéro 2 de devenir numéro 1, c’est-à-dire de prendre sa place. Or, cela fait bien longtemps que la Russie n’est plus en mesure de contester la puissance américaine. Mais Pékin oui. Les quatre années qui s’ouvrent vont donc être quatre années de guerre commerciale et de guerre des mots pour renforcer le bras de fer entre les deux pays du Pacifique. C’est dans cet océan que se joue la grande bataille du monde, raison pour laquelle Trump veut régler la crise ukrainienne au plus vite. Il estime que c’est aux Européens de régler leurs affaires et que l’argent américain a d’autres choses à servir. D’où sa rhétorique sur le canal de Panama et le Groenland, qui sont des points stratégiques et qui sont des lieux où la Chine est présente. Par ses déclarations, que trop de monde juge à la légère, Trump réactive au contraire une doctrine Monroe, c’est-à-dire qu’il considère que le continent américain passe en premier, pour servir l’intérêt des États-Unis. En cela, il dispose d’une véritable vision géographique et d’une compréhension fine des rapports de force, des nœuds de communication et des lieux de pouvoir. Ses conseillers jouent un rôle majeur, notamment Elbridge Colby, qui est l’un des penseurs du basculement du monde de l’Europe vers le Pacifique.

 

Les États-Unis plutôt que l’Europe

 

Les Européens s’inquiètent et quand l’Europe s’inquiète, elle régule.

Apple a développé une IA qui n’est accessible qu’aux États-Unis, puisque la Commission européenne a refusé qu’elle soit accessible en Europe. De quoi perdre de précieux points de productivité et laisser passer le train de la réindustrialisation. Tesla développe des voitures autonomes, qui fonctionnent. Là aussi, l’Europe les refuse. Autant rester aux calèches et à la marine à voile.

L’industrie de défense est une chimère, la plupart des pays du continent préfèrent acheter leur matériel de guerre aux Américains, notamment pour rester dans les conformités OTAN. L’Europe s’inquiète de l’arrivée de Donald Trump, elle s’inquiète de la puissance chinoise, mais ne cherche pas à développer une puissance européenne, plutôt à s’enfermer derrière de hauts murs. Comme le Japon, qui avait refusé l’arrivée des Européens et s’était retranché du monde, ouvrant pour le pays une ère de pauvreté et de déclin. Le risque pour les Européens n’est pas tant d’être un vassal des États-Unis, les vassaux participent à l’histoire, mais de devenir une zone périphérique et sans intérêt. Cela ne passera pas par davantage d’Union européenne, mais par un réveil de chacun des États et surtout des différents peuples. Un pays surendetté comme la France est un pays asservi et donc avec des marges de manœuvre très faibles sur la scène internationale.

Si le retour de Donald Trump permet de réveiller la France et l’Europe, cela n’aura pas été une mauvaise chose.

 

 

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

5 Commentaires

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  • Guy

    31 janvier 2025

    « beaucoup migrent vers le Texas et la Floride, tout en continuant à voter démocrate », constatation consternante que certains de ceux qui fuient les conséquences des politiques désastreuses pour lesquelles ils ont voté (ou ont subies) veuillent imposer ces mêmes politiques là où ils vont, démarche contradictoire et suicidaire. On observe malheureusement le même type d’attitude chez certains migrants internationaux.

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  • Settlerq

    29 janvier 2025

    Totalement juste et les médias Européens veulent faire passer Trump pour un idiot…alors que la palme de la gouvernance pitoyable est bien chez nous.
    Même de Suisse ou je me trouve, j’ai l’impression que nous perdons nos valeurs et que la bêtise européenne est une maladie qui nous contamine !
    Au final….j’espère pouvoir rapidement gagner suffisamment d’argent pour quitter cette zone dont la seule compétence est d’ajouter en permanence de la régulation à chaque fois plus bête que la précédente

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  • Théophile

    27 janvier 2025

    Excellente analyse, merci

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  • Normand

    22 janvier 2025

    Est ce qu’a votre avis une baisse des taux jusqu’au mid term est relativement envisageable?

    C’est ce que dit Trump mais difficile de savoir s’il prêche le faux pour avoir le vrai avec lui ^^

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  • fred

    20 janvier 2025

    Ne nous berçons pas d’illusions : D. Trump ne sera pas notre sauveur car l’oncle Sam a toujours recherché ses propres intérêts, avant tout.

    Dans un guerre économique sino-américaine dure, l’Europe est devenue une variable négligeable puisque désormais ses deux leaders franco-Allemand ont une économie déficiente et ne proposent aucune innovations dignes de rivaliser avec ces deux superpuissances pour commercer. Pis, l’Europe s’est fermé la porte de l’immense marché énergétique russe.

    Dans un contexte ou l’Europe est de plus en plus décrié, la seule chose qui pourra la sauver d’une implosion économique sera l’acceptation
    d’échanges aux conditions qui lui seront dictés par les USA car, exsangue, elle n’a pratiquement plus la possibilité d’imposer des droits de douanes : Pétrole contre le luxe français et armement ( et peut-être le médical ?) ; l’Allemagne se contentera de vendre sa technologie notamment automobile fortement concurrencé par l’Asie.

    encore faut-il que les gouvernements de ces pays puissent s’accorder sur des politiques communes et des programmes et formations innovantes rapidement…

    Merci pour cette analyse.

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