19 octobre, 2010

Quand la politique devient religion…

En ce début de XXIe siècle, nous arrivons enfin au terme de cette erreur intellectuelle qui a traversé tout le XXe siècle et permis à l’État de se réintroduire dans les secteurs où il n’avait rien à faire, au nom de la nouvelle religion.

La chute inévitable de cette religion qui adore une fausse idole, l’État, se déroule sous nos yeux depuis plusieurs décennies, mais en plusieurs épisodes.

 

• Nous avons d’abord assisté à l’effondrement de l’empire soviétique, version «intégriste» de la religion socialiste, dont on ne dira jamais assez que ce fut une très bonne chose et dont le symbole fut la chute du mur de Berlin.

• Nous sommes actuellement les témoins de l’effondrement progressif de la version molle du socialisme, et de son avatar français, le social-clientélisme, et c’est aussi une autre très bonne nouvelle. Il a d’abord touché la Suède en 1992, aujourd’hui l’Europe du Sud… demain la France. Il va nous falloir remplacer le social-clientélisme, source de toutes les corruptions, par un nouveau système, le social-libéralisme, qui ne pourra être fondé que sur la liberté.

 

Nous allons devoir nous référer à nouveau aux principes énoncés par les Lumières, en les adaptant aux temps actuels… En réalité, le marxisme, que ce soit dans sa version dure ou molle, reste inébranlable sur ses principes fondamentaux, le principal étant que certains secteurs doivent être soustraits aux marchés et au libre choix des consommateurs pour être confiés à l’État ou à ses représentants. Il existe ainsi, au centre même de nos économies, des pans entiers qui sont organisés selon des principes que Lénine ne renierait pas. Pour confirmer ce diagnostic, examinons la partie communiste qui se dissimule au cœur de nos systèmes. Il s’agit des secteurs où les prix de marché n’existent pas et où les ressources sont distribuées selon des critères politiques, ce qui conduit à la fois à l’endettement puis au rationnement et enfin à la banqueroute.

Dans notre beau pays, il s’agit au minimum de la santé, de l’éducation, des transports et de l’administration centrale ou locale… Tous ces secteurs à organisation communiste n’existent bien sûr que parce que l’État leur a octroyé un monopole et envoie ses gendarmes à qui refuse de les utiliser. Ils fonctionnent donc sans prix libres ni concurrence et grâce à la violence légale que l’État a mise à la disposition du clergé de cette nouvelle religion, dont le pouvoir politique s’est incroyablement accru, alors qu’il n’est élu par personne et ne produit rien de façon concurrentielle, ce qui est pour le moins troublant.

Dans le fond, sans gendarmes, pas de service public à la française ni de juteuses rentes de situation.

Les autres secteurs sont composés d’acteurs en concurrence les uns avec les autres, qui doivent essayer de convaincre le consommateur d’acheter leurs produits sans bénéficier du secours du monopole et de l’appui des gendarmes.

Pour mesurer les poids respectifs du secteur communiste et du secteur libre dans l’économie française, prenons la «valeur ajoutée» créée par ces deux sous-économies en retenant les chiffres de l’Insee. Comme le disait l’un de mes professeurs à Toulouse, dans ma jeunesse, à un moment ou à un autre, une société doit choisir entre le pied (dans le derrière) de Joseph Staline et la main (invisible) d’Adam Smith. Le poids relatif de ces deux secteurs est exprimé par le ratio entre le pied (de Joseph Staline) et la main (d’Adam Smith), ou mieux encore un rapport entre les poids respectifs de la contrainte et de la liberté…

Le résultat est édifiant : la contrainte ne cesse de progresser au détriment de la liberté.

 

Le président élu en 1981, dont tout le monde m’explique avec des airs gourmands que sa ruse diabolique et son côté «florentin» ont mené à la destruction du Parti communiste en France, a en réalité présidé de 1981 à 1985 à la plus grande expansion de l’économie communiste par rapport à l’économie capitaliste que la France ait connue. C’est de cette habileté-là que nous risquons de crever trente ans après… Les crimes en Histoire se payent très souvent avec un grand retard. De plus, remarquons que les partis communistes en Europe ont partout disparu au cours de cette même décennie, sans pour cela que le poids de l’État soit monté en flèche, au contraire.

La France est, du fait de cet homme, le seul pays européen à avoir raté la révolution libérale du début des années 1980, et c’est l’une des raisons de notre vulnérabilité actuelle.

Le poids de l’État s’est donc accru depuis trente ans, voilà qui est indiscutable. Mais au fond, qu’est-ce que cela peut bien faire? Si c’est ce que les Français veulent et expriment dans leurs votes, n’est-ce pas là le résultat normal d’une saine démocratie ? Si les Français préfèrent la consommation publique à la consommation privée, pourquoi devrais-je mettre en cause cette préférence?

L’ennui, c’est que tous ces secteurs étatiques ne sont jamais en surplus; imaginez la Sécurité sociale, qui en est à son énième plan de redressement, excédentaire ? Chacun voit le côté farfelu de cette idée. Pour un bien précieux comme la santé, si le prix tend vers zéro (gratuité totale des soins), la demande devient infinie et le secteur doit être rationné autoritairement plutôt que par le marché, c’est-à- dire par des choix individuels. Encore une fois, le pied plutôt que la main.

Les secteurs étatiques sont donc tous et toujours en déficit et doivent emprunter pour boucler leurs budgets. Et la somme de ces déficits passés s’appelle… la «dette», qui est le sujet de ce livre. Et quand on émet de la dette, on fait payer les générations futures qui, elles, n’ont pas voté.

 

Cela revient à une taxation sans représentation, ce qui est profondément antidémocratique. Je n’ai pas le droit de voter des lois qui contraindront la liberté politique de mes petits-enfants. Comme le dit une vieille plaisanterie, toute politique qui prend de l’argent à Pierre pour le donner à Paul aura le soutien sans faille de Paul. Quant à Pierre, il protestera d’autant moins qu’il n’est pas encore né…

 

 

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

1 Commentaire

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  • Nam

    8 février 2011

    Monsieur, votre article est éloquent, mais le problème est pire que ce que vous décrivez, en ne pointant que quelques secteurs saillants, alors que c’est en fait toute l’économie française qui est vérolée par ce mal plus ou moins indirectement. Les rares secteurs non-concernés s’ils existent (donc défavorisées) doivent se battre à mort (enfin leurs employés) pour récupérer quelques cacahuètes.

    Cela renforçant paradoxalement (subtilement?) l’anti-capitalisme des français. En effet, ceux qui profitent de ce système chercheront à le sauvegarder, et ceux qui triment dans les secteurs « non-communistes » mettront cela sur le dos du patronat (compréhensible puisque in fine ce sont ces employés qui font le travail que personne d’autre ne veut faire) et ensuite par extension sur le dos du capitalisme (extrapolation dommageable).

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