27 avril, 2023

Pas de puissance sans éducation.

L’effondrement du niveau scolaire commence à inquiéter puisque beaucoup se rendent compte que sans une école de bon niveau il ne peut pas y avoir de puissance mondiale. Un effondrement mesuré dans le primaire et le secondaire, mais aussi dans le supérieur. Un effondrement dont les élèves ne sont pas des responsables, mais des victimes. Victimes des méthodes éducatives stupides, du vide des programmes, de la baisse des exigences. Depuis plusieurs années déjà l’Éducation nationale n’arrive plus à recruter, ce qui devient problématique pour remplir certaines classes.

L’argent n’est ni le problème ni la solution

Comme souvent en France, on ne parle que des « moyens ». Il suffirait d’augmenter les salaires des professeurs pour rendre le métier attractif et faire repartir l’école. Une explication bien commode qui permet de masquer les causes réelles de cet effondrement. Emmanuel Macron a donc annoncé près de 10% d’augmentation, soit entre 100€ et 250€ net par mois. C’est toujours bon à prendre et aucun professeur ne refusera cette augmentation, mais cela ne résoudra pas le problème. On trouve encore des personnes pour dire que l’État s’est désengagé de l’école, voire que l’école manque d’argent. Il faut donc sans cesse rappeler les faits : en 40 ans, le budget de l’éducation nationale a été multiplié par deux. Un élève du primaire coûte aujourd’hui deux fois plus cher qu’en 1980. Idem pour le collège et le lycée. Les dépenses intérieures d’éducation sont aujourd’hui de plus de 160 milliards d’euros, soit le premier poste de dépense de l’État. On se demande d’ailleurs où va être trouvé l’argent des augmentations pour un État surendetté avec des taux d’imposition à leurs plus hauts niveaux. On voit fleurir ici et là, notamment sur Twitter, cette rengaine selon laquelle le salaire d’un professeur était de 2,5 SMIC en 1990 et 1,7 SMIC aujourd’hui. Si cela est vrai, c’est à cause de l’augmentation continue du SMIC non d’une baisse des salaires contrairement à ce que pense certains. Ce qui en dit long sur le niveau de connaissance en économie.

Échec de l’école centralisée

Ce n’est pas par manque de moyens que l’école a échoué, mais parce qu’elle est étatisée. Aucune liberté n’est laissée aux professeurs pour mener leurs cours à leur guise, en s’adaptant à la réalité de leurs classes. Les inspecteurs se révèlent pointilleux et procéduriers pour contrôler, punir, recadrer. Désormais, dans plusieurs collèges, on ne met plus de notes mais des couleurs : vert, orange et rouge. De quoi infantiliser les adolescents de 14 ans. Même si le professeur est contre il n’a pas le choix, il doit appliquer ce nouveau système.

Que l’on permette ici quelques propos qui n’iront pas dans le sens de ce que disent les professeurs. Beaucoup se plaignent, à juste titre, de l’ambiance dégradée de leurs classes et de la violence. C’est vrai et cela pourrit de nombreux établissements. Mais qui est en partie responsable de ce pourrissement si ce n’est ceux qui se sont levés à chaque fois que l’on parlait de sanctions, d’efforts, de travail ? Beaucoup de professeurs ont aussi leur part de responsabilité, eux qui ont montré une bien étrange tolérance à l’égard de l’islamisme ou qui ont refusé toute sélection et tout mérite. Beaucoup ont été les porteurs sains d’une idéologie qui a pourri l’école.

Le salaire est un prix

Puisque les professeurs veulent être mieux payés, prenons-les au mot.

Le salaire est un prix : c’est le prix d’achat d’une force de travail. En économie, soit un prix est librement fixé (notamment par la loi de l’offre et de la demande), soit il est administré. Quand les prix sont administrés, les conséquences sont toujours les mêmes et bien connues : baisse de la qualité, disparition du produit. C’est exactement ce qui se passe dans l’éducation nationale. Les prix sont fixés puisque les salaires sont décidés par le Ministère et qu’ils ne sont pas individualisés : ils dépendent des concours réussis, des grades, de l’ancienneté. Mais jamais du mérite du professeur et de ses qualités. Un bon professeur est rémunéré de la même façon qu’un mauvais professeur, ce qui est injuste.

Pour augmenter les salaires, proposons donc des prix libres. C’est-à-dire que les professeurs soient rémunérés sur la base unique de leur mérite ; salaire décidé par le chef d’établissement. Les salaires pourront donc varier selon les régions. Notons d’ailleurs qu’aucun syndicat ne s’offusque qu’un professeur d’Île-de-France ait la même rémunération qu’un professeur d’Auvergne, alors que les coûts du logement n’ont rien à voir. La moindre des choses serait de tenir compte du coût du logement et donc de faire des salaires différents selon les zones géographiques. Il faudrait aussi une variation selon les disciplines, notamment si l’on veut pouvoir recruter des professeurs de mathématiques et de chimie, et donc accepter qu’un professeur de sciences soit mieux rémunéré qu’un professeur de sport. Cette liberté des salaires est la seule façon d’établir une justice qui soit non seulement salariale, mais aussi professionnelle. Elle permettrait également de récompenser les bons professeurs, donc d’encourager chacun à s’améliorer, à mettre à jour ses connaissances, à parfaire sa pédagogie, ce qui serait grandement profitable aux élèves.

Une telle proposition est impossible à mettre en place. L’évoquer suscite immédiatement cris et effrois dans le corps professoral, attaché plus que tout au mythe égalitaire. S’il y a pourtant un lieu où l’égalité n’existe pas, c’est bien dans la réussite scolaire. Eux qui passent leurs journées à noter et hiérarchiser, refusent de l’être. Difficile alors de faire bouger les choses. Pourquoi devrait-on refuser de récompenser les bons professeurs et écarter ceux qui ne le sont pas ? Tout le monde y gagnerait et les professeurs en premier.

De la même façon, il serait normal que les affectations soient beaucoup plus libres et que le recrutement puisse se faire comme dans n’importe quelle entreprise, au lieu d’être aujourd’hui verrouillées par les syndicats qui s’en servent comme d’un levier de pouvoir. Là aussi, les professeurs seraient grandement gagnants. Là aussi, la plupart s’y opposent frontalement. On comprend alors la défiance de plus en plus grande entre eux et le reste de la société, qui ne connait pas ce métier et ses difficultés, mais qui voit un mammouth irréformable où la moindre tentative d’amélioration engendre des blocages.

L’école privée se satisfait grandement de ce système, elle qui a tous les avantages du monopole sans les inconvénients. Leur silence face aux déclarations provocatrices du ministre de l’Éducation est à cet égard éloquent. Aucun chef d’établissement, aucun responsable diocésain n’a réagi à la menace de suppression d’une liberté scolaire fondamentale, celle d’être libre de ses recrutements d’élèves. Le maintien de leur rente scolaire semble être leur seule préoccupation, l’enseignement diocésain étant à bien des égards une petite éducation nationale, souvent en pire.

Pendant ce temps, ce sont les élèves qui trinquent et souffrent et la puissance française qui est écornée et raccourcie. On peut laisser pourrir le navire, mais peut-être faudra-t-il un jour accepter d’ouvrir les fenêtres et de faire entrer un grand courant d’air frais dans cette maison vermoulue.

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

30 Commentaires

Répondre à Jean-Luc

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  • Blondin

    3 mai 2023

    A cette analyse, je rajouterai également le rôle délétère des syndicats de parents d’élèves, notamment la FSU.

    Par ailleurs, donner un vrai rôle aux directeurs/proviseurs me semble de bon sens. Mais cela ne pourrait se faire sans une solide formation managériale, formation qu’ils n’ont pas à l’heure actuelle.

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  • BROWN, Llewellyn

    2 mai 2023

    Monsieur,

    Aujourd’hui, tout le monde pense savoir mieux que le professeur comment enseigner. Même le balayeur de rue s’estime en mesure de lui faire la leçon. Ainsi, comme tant de journalistes, vous vous autorisez à ressasser les caricatures et les médisances les plus éculées, sans que vous vous sentiez tenu de vous appuyer sur un cadre théorique, ni sur une quelconque expérience dans ce domaine. Vous donnez libre cours à votre imagination abstraite, imaginant ce que pensent, et affirmant ce que devraient faire, les praticiens dans un champ dont vous ignorez manifestement tout.
    Tout d’abord, vous situez l’école dans la perspective d’une aspiration à rendre à la France son statut de puissance mondiale. Vous semblez vivre dans une époque révolue : ayant perdu la quasi intégralité de sa souveraineté (à l’UE et à la finance), la France est incapable de se construire une puissance. L’État n’est plus guère qu’une machine de prédation pour ses citoyens (une taxation confiscatoire), mis à la disposition d’intérêts particuliers agissant sur le plan international. C’est à ce niveau qu’il convient de situer tout ce qui concerne la politique actuelle de l’école.
    Vouloir assimiler l’école à une entreprise commerciale relève de la tromperie intellectuelle. L’école ne crée pas de richesse, et l’enseignement n’a aucun rapport avec la production de pièces sur une chaîne de production.
    À partir de cette vision abusive, vous estimez qu’il faudrait évaluer les professeurs selon leurs compétences, distinguant les « bons » des « mauvais ». Il vaudrait mieux que vous fussiez un peu averti de ce que c’est que l’enseignement avant de reproduire de telles inepties. Qui va juger de la qualité du professeur ? Les chefs d’établissement ? Le plus souvent, le seul souci de ces bureaucrates est de soigner leur carrière et, de même, leur clientèle.
    Le ministère de tutelle (une bureaucratie), serait-il en mesure de le faire ? Il s’acharne depuis quarante ans à démanteler l’enseignement, remplaçant la formation intellectuelle par l’abêtissement et l’endoctrinement idéologique. Les inspecteurs prônent l’expérimentation pédagogique, suivant des méthodes soviétiques auxquelles même Staline, voyant leur échec patent, mit fin pour restaurer l’instruction sur le modèle tsariste. L’école aujourd’hui n’a plus pour mission que la transmission de l’ignorance, étant l’instrument des mêmes intérêts qui parasitent l’État. Elle y réussit à merveille : les directeurs des Grandes écoles se félicitent que les étudiants leur arrivent déjà formatés : sans connaître la langue de Molière, ils sont des écologiques zélés, prêts à répandre cette idéologie dans les entreprises. Leur niveau intellectuel et culturel est à l’image de nos « dirigeants » politiques.
    Puis, comment enseigner quand on doit accueillir un public issu de populations où le mépris et la force remplace tout intérêt pour le savoir ? Un « bon professeur » est-ce celui qui saurait « mater » ces élèves (« tenir sa classe », selon la formule consacrée) ? Ou serait-ce celui qui exigerait des « sanctions », des « efforts » et du « travail » comme vous le recommandez, endurant tout seul l’opposition violente et conjuguée des parents et de son administration (chef d’établissement et inspection), quitte à se faire renvoyer ? Puis, qui a décidé délibérément d’inonder nos quartiers de ces populations et de les encourager dans leur arrogance, si ce ne sont pas les mêmes qui dictent la politique actuelle de l’école ?
    Vous fustigez les professeurs comme étant heureux de noter et de hiérarchiser, tout en refusant hypocritement de l’être eux-mêmes. C’est une calomnie pure : étant cadre, et non simple exécutant, un professeur ne cesse de réfléchir à son travail, qu’il doit conduire du début à la fin. Précisons qu’aucun professeur ne s’autoriserait à porter un jugement sur la manière d’enseigner d’un collègue, tout simplement parce qu’il n’en est pas capable de structure. Il n’existe pas de technique unique reproductible par tous les professeurs, parce que l’enseignement est un art. C’est sans doute cela qui suscite la hargne et l’inimitié de ceux qui y discernent un domaine échappant à leur emprise.
    Ne vous inquiétez pas : on risque d’outrepasser rapidement vos préconisations qui relèvent d’une vieille rengaine, et de remplacer l’enseignement humain par des moyens informatiques : les professeurs seront de simples fournisseurs de contenu (ce système est déjà mis en œuvre). L’école sera désormais comme l’entreprise, les élèves devenus enfin du Lumpenproletariat.

    En vous souhaitant d’élaborer une réflexion originale et intellectuellement honnête, je vous adresse mes cordiales salutations,

    Llewellyn Brown
    Professeur etc.

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    • Robert

      10 mai 2023

      Qu’est-ce qu’un bon professeur… de nos jours, car c’est cela qui compte ?
      Eh bien, avant tout c’ est un enseignant qui sait capter l’ attention – et la retenir – de ses élèves sur la matière, n’ étant pas obligé de « faire la police » pendant les trois-quarts du cours.
      De façon pragmatique, c’ est le premier point, avant même de pouvoir évaluer l’ assimilation du contenu par les élèves, ce qui est encore autre chose…

    • Robert

      10 mai 2023

      Un bon professeur est celui qui sait capter et retenir l’ attention de ses élèves sur la matière. De nos jours, c’est un challenge.
      Quant à l’ évaluation, c’est un autre problème…

  • Cocota

    1 mai 2023

    J’ai connu un ingénieur aero tres performant qui se conduisait comme un porc, un parfait goujat, vulgaire et suffisant dans l’entreprise, pourrions nous dire qu’il était bien éduqué, ou seulement doué et bien instruit dans sa spécialité ?
    Les mots ont un sens, ou bien l’époque a bien changé.
    L’éducation publique, instruit au rabais ( voir classement pisa ), quant à l’éducation …

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  • Patrice Pimoulle

    1 mai 2023

    Tout est une question d’etat d’esprit; au temps ou la France etait constituee en une republique « sagement organisee », l’instituteur dans son villge, le prof des lycees et colleges etaient de notables. Aujourd’hui, en Ve Republique, ce sont des »nantis », qui n’ont droit a aucun egard, sauf a avoir la carte du parti. Ca tombe bien, car la Ve Republique a besoin du « parti » pour battre « l’extreme-droite ». C’est une affaire qui tourne, comme disait l’adjudant; maia la Ve a t-elle jamais ete autre chose qu’une caserne?

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  • Patrice Pimoulle

    1 mai 2023

    Cette apologie servile de la « culture du contrat », de l’economie de marche, du demantelement des monopoles, de la culture du resultat, de droit de posseder une arme, et donc de s’en servir, pour defendre son bien, en somme, cette apologie de la loi du Far-West et cette nostalgie de l’epoque franque, de la vengeance privee, sont nauseabondes. Non, non ni l’education ni l’enseignement ne sont des marchandises. Evidemment les finances publiques pesaient moins sur les resultats desentreprises au temps du roi Dagobert; mais les soins a l’hopital et l’etat des routes etaient aussi moins bons. Mais il se trouve que personne en Europe n’adhere aux »valeurs » de l’auteur.

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    • cornier

      2 mai 2023

      Essayons d’être objectif:. Nous avons le record d’Europe en prélèvement publics mais nous sommes dans les derniers en éducation et à peine dans la moyenne en santé. Sans parler du solde négatif abyssal de la balance commerciale. Et il ne faudrait rien changer? Les allemands où l’éducation et la santé sont régionales s’en sortent mieux.

  • Nanker

    29 avril 2023

    Entendu ce matin sur Radio Courtoisie de la bouche de Bérénice Levet : une candidate au CAPES de français n’avait pas pu situer nommer le roi contemporain de Molière.

    Tout est dit? La lèpre intellectuelle promue et encouragée par Pap Ndiaye ne peut prospérer que parce que l’organisme vivant que l’on appelle Education Nationale est déjà gravement affaibli.

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    • Patrice Pimoulle

      1 mai 2023

      Qui sait aujourd’hui la differenec entre un infinitif et un participe?

  • Jepirad

    29 avril 2023

    En matière de chiffres il y aurait beaucoup à dire. En monnaie, 100 en 1980 équivaut à 300 en 2022. Donc si la dotation est 2 fois supérieure sans corriger de l’érosion, cela veut dire qu’elle est 30 % en dessous de 1980. Quant à la comparaison avec le smic, cela prouve la paupérisation des classes moyennes. Cdt.

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  • Steve

    28 avril 2023

    Conséquence de l’idolâtrie du bas de l’échelle: le prolo, puis l’immigré etc., du mépris pour l’ascension sociale par le travail manuel. ( Se souvenir qu’il y avait une distinction condescendante dans la Royale entre les bleus – officiers sortis du rang et les blancs officiers sortis des c…..les nobles) > cols bleus et cols blancs.
    Et de nos jours pourquoi dépenser de l’argent pour former des esprits qui rechigneront à n’être que des consommateurs , ce qui est l’objectif de la féodalité marchande qui prend le pouvoir en ce moment?
    Nos insuffisances et celles de l’Etat, viennent de très loin.
    Par ailleurs, les hauts fonctionnaires des états voisins ne sortent pas d’une école professionnelle sectorielle comme l’ENA, mais des grandes Universités: Harvard, Princeton, MIT, Oxford Cambridge, Polytechnicum Zurich etc…..
    Pourtant, on continue à nous enfumer avec cette affirmation que les fonctionnaires
    issus de cette formation professionnelle particulière seraient l’élite de la France!
    Au classement de Shanghaï, l’élite française sortirait de l’Université Paris-Saclay …..
    Qui en a a conscience ?

    Cordialement.

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  • Tibulle

    27 avril 2023

    Oui le niveau c’est effondré à l’Ecole et c’est sans doute le plus grave scandale des dernières décennies dans notre république. J’en sais quelque-chose, j’ai passé le concours des professeurs des écoles en 2006 à 45 ans, par vocation, après avoir pas mal roulé ma bosse dans des domaines très différents (et qui rapportaient plus). A l’époque c’était déjà un concours relativement facile sur l’académie de Créteil (la moins demandée), avec un admis sur quatre environ. On sait ce qu’il en est aujourd’hui.
    Par contre certains passages de cet article sont très discutables. La question du salaire est fondamentale. Vous êtes très mal renseigné ou vous ne vous êtes pas bien relu. L’amalgame que vous faites entre le budget pharaonique du ministère et le niveau de salaire des enseignants est gravement fautif. L’argent est extrêmement mal utilisé en effet, mais nos salaires sont dérisoires. Tout le monde le sait, le point d’indice n’a pas été réévalué depuis une douzaine d’années. Quand j’ai passé le concours en 2006 le salaire d’entrée me paraissait tout à fait correct (1400€), aujourd’hui je vais prendre une retraite anticipée à 62 ans, je suis à 2000 € net d’impôts. Il est vrai que j’ai été dès le début en rupture de ban vis-à-vis de l’Inspection (car je voulais que les enfants apprennent à lire et à compter ce qui n’est plus du tout à la mode..) – Bref, mon gardien d’immeuble gagne beaucoup plus que moi et il a à peine trente ans… Evidemment l’argent – qui ne passe pas dans les salaires – est une des causes principales de la baisse de niveau: j’ai adoré faire classe mais si j’avais su que mon pouvoir d’achat allait baisser à ce point j’aurais pris une autre voie beaucoup plus lucrative, car j’en avais les moyens intellectuels.
    Et ce spécialement dans le primaire car on n’a pas comme les profs de collège et lycées la possibilité de faire des heures sups, on a beaucoup plus d’heures de présence devant élèves. Nous n’avons pas comme eux l’arsenal de la ‘vie scolaire’ (les surveillants), pas de permanences donc, nous surveillons nous-même les récréations (et si on le fait bien c’est très fatigant), etc. Je ne blâme absolument mes collègues du supérieur, mais il faut dire la vérité. Au collège il est déjà bien trop tard pour récupérer un enfant qui n’a pas acquis les fondamentaux et ne s’est pas développé, intellectuellement et physiquement comme il aurait dû le faire dans les six ou sept premières années de sa vie. Cette dégradation du niveau intellectuel des profs je l’ai vue se faire ces quinze dernières années dans le primaire.

    Le système, oui bien sûr, et là ce n’est pas nouveau: pédagogisme pseudo -didactique, inspecteurs stupides, pseudo-formateurs et syndicalistes de plus en plus mous, ou frustrés de pouvoir, faisant de la lèche pour soigner leur ‘petite note’ et leurs petits avantages, j’en ai vu beaucoup. Un système qui faute d’intelligence et de compétence ne règne que pas une sorte de terreur perverse plus ou moins sourde. Les renégats, les ‘clandestins’ comme moi sont harcelés pendant toute leur carrière. Mais, tout comme le peuple a dans une grande mesure les édiles qu’il mérite, les profs qui ont complètement perdu leur esprit fraternel contre la hiérarchie et dans le travail, ont leur part de responsabilité.
    Je crois que je suis un des derniers sur l’académie de Créteil à avoir refusé l’inspection. Ça m’a coûté très cher, dans tous les sens du terme. Ceci dit ça ne se passe pas comme ça dans toutes les régions, il suffit de regarder les taux d’admission académiques des concours pour savoir là où il fait bon enseigner, et là où c’est l’enfer… (car dans le primaire le concours est académique techniquement).
    Vous nous rabâchez le salaire au mérite, mais vous ne savez pas de quoi vous parlez, le ministère n’est même pas capable d’évaluer honnêtement ni ses cadres, ni les élèves. Chefs d’établissement ? Dans le primaire les directeurs n’ont aucune compétence particulière, et dans le secondaire encore moins.
    Vous vous contredisez à plusieurs reprises. De quelles réformes refusées parlez-vous, qui auraient sauvé l’Ecole si elles avaient abouti ? La réforme des maths peut-être ? Des réformes il y en a eu des dizaines qui sont très bien passées, malheureusement d’ailleurs.
    Vous étiez en hibernation ces vingt dernières années ?

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  • Dominique

    27 avril 2023

    Peut-être être faudra t il, un jour, …
    😀😀😀

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  • River Jack

    27 avril 2023

    J’aurais tellement de « choses » à dire compte tenu de mes responsabilités antérieures.
    Alors soyons brefs :
    – le démembrement national de l’Education Nationale est une évidence : regardons l’enseignement privé : quand il y a plusieurs établissements sur une même commune, ils sont en « concurrence » laquelle stimule l’émulation et l’initiative. Si les régions sont responsables des bâtiments des lycées, confions leurs la gestion de l’enseignement. De même pour les départements avec les collèges et les communes avec le primaire.
    – les inspecteurs généraux nommés à vie : quel est le fondement d’un tel principe en dehors de la notion de « planque » ?
    – laissons les enseignants libres de leur méthode et de leur programme : seule compte la cohérence entre les niveaux de classes. Mais pour cela les chefs d’établissements doivent être libres de leur gestion en rendant compte à un conseil d’administration ou conseil départemental/régional = leur liberté les mettra en compétition et suscitera l’émulation
    – et les programmes scolaires : ce qui compte est bien le résultat sur des contrôles de possession des programmes par des examens/tests/concours. Quand on connaît la fin, on se donne les moyens pour l’atteindre.
    – les « géguerre » privé/public : à quoi bon puisque les parents des enfants payent les mêmes impôts. Alors mettons les établissements sur la même règle budgétaire.
    – un vrai problème : le privé (1/3 des établissements) fonctionne uniquement avec des administrateurs bénévoles sans critère conditionnel de compétence ou d’expérience. Et le public se voit décerner un budget global à « dépenser ». Le problème est uniquement le coût individuel de chaque enfant par catégorie d’enseignement (primaire, secondaire, …)
    – l’enseignement technique/technologique : tout est à revoir pour valoriser cet enseignement indispensable à tout pays, « on ne doit plus rejeter les mauvais élèves dans le technique ». Absence de relai supérieur pour la gestion d’entreprise : tout artisan est avant tout un chef d »entreprise.
    – et les syndicats : leur mainmise sur la gestion nationale de l’Education est une erreur fondamentale, surtout pour placer les copains, protéger les avantages de quelques uns. Seule la négociation des conventions collectives doit les concerner et de façon bénévole (on en est très loins !).

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  • Jordi

    27 avril 2023

    L edifice est vermoulu, l exemple suedois montre aue la reforme na rien d impossible.

    A condition de traiter les syndicats enseignants et la rue de Grenelle comme des ennemis. Il faut ecouter ce qu ils disent, et faire le contraire.

    Si l on tien absolument a un systeme centralise (au moins partiellement) il faut a minima separer l evaluation de l education. Un certificat d etudes en fin de primaire (avec correction anonyme de copies au niveau national). Pareil pour le brevet des colleges, puis le bac

    Il faudrait aussi admettre aue, comme en Suisse, en Allemagne ou en Chine, amener plus de la moitie, voire du tiers d une classe d age aux etudes suprieures est une erreur. Selection et merite peuvent permettre de recreer une ecole republicaine de qualite

    Ensuite, ce sera aux ensignants de rendre des comptes sur le niveau de leurs eleves

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  • Guy Morant

    27 avril 2023

    Les profs ont leur responsabilité, mais n’oublions pas que ce système a aussi ses clients : les parents clients, qui élèvent leur descendance sans contrainte, en espérant qu’elle se révèle surdouée. Avec leurs pastilles colorées, les profs achètent la paix sociale, mais les parents, qui devraient s’en offusquer, applaudissent, et sont complices de ce refus de sanctionner (en positif ou en négatif) le travail des élèves ou son absence. Cette attitude est tellement en ligne avec le refus du réel des Français, qui demandent toujours plus de protection (culturelle, gastronomique, économique) et s’illusionnent encore sur la valeur de leur système scolaire, de leur médecine, de leur cinéma, de leur littérature, etc. En réalité, la protection engendre, non la valeur, mais la médiocrité subventionnée par l’État. Les Français auraient besoin d’un électrochoc : effondrement de l’État et retour de la réalité, de la compétition, de la liberté d’entreprendre, y compris sur le plan scolaire.

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    • Robert

      11 mai 2023

      Oui. La France est devenue un « village Potemkine » : tout est dans l’ apparence…
      Les français en sont collectivement responsables : on a les politiques que l’on mérite.

  • Jean-Luc

    27 avril 2023

    Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse. Cependant, concernant les rémunérations des professeurs, comment devrait-on arbitrer, si tel était le cas, le salaire de ceux qui enseignent dans des zep, dans des écoles à forte population immigrée ou descendante d’immigrés ?…
    Pour commencer, un vrai dirigeant à la tête du pays est indispensable et sa première mission serait de s’entourer de ministres compétents et actuellement, on est loin du compte.
    Il y a de quoi être neurasthénique quand on voit les deux branleurs qui squattent à l’Élysée, entourés de leur bande de mignons dans un total épanouissement, dans une récréation permanente … que l’on finance.

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  • Kevin

    27 avril 2023

    très bel article, merci

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  • François

    27 avril 2023

    Vous êtes encore jeune et surtout intelligent. C’est ce que la France à besoin, alors pourquoi pas vous engager politiquement pour défendre vos idées ???

    Répondre
  • Donfra

    27 avril 2023

    Je suis fils de prof, j’ai ait toute ma scolarité dans le public.
    J’aime l’école.
    Mes enfants sont tous dans le hors contrat ou instruits en famille !

    Répondre
    • Onurb

      27 avril 2023

      J’ai aussi fait toute ma scolarité dans le public.
      Mes enfants l’ont faite dans le privé sous contrat, sauf en prépa où ils sont dans le public.

  • Pencroff

    27 avril 2023

    En 1988, j’étais payé 8000 F, et je payais un loyer pour un appartement de 60 m2 de 1500 F sur la côte d’azur. Quant à la remarque sur le rapport entre smic et salaire de professeur, elle est très naïve (si elle est sincère). Le jour où le smic aura rattrapé le salaire d’un professeur, cela sera ressenti comme une prolétarisation. Dernier exemple : un collègue certifié est parti en 2000 en retraite avec 2000 euros. A trimestres égaux (tous deux avec une décote) mais en étant agrégé hors classe, je suis parti en retraite avec 2000 €. C’est cela la prolétarisation.

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  • Francois

    27 avril 2023

    Tout est dit, le ministre Claude Allègre qui aux USA avait déjà fait ce constat. Depuis rien n’a été entrepris puisqu’ils lui ont « coupé » la tête. Le problème plus grave à mon avais, faute de puissance, c’est aussi la liberté qui disparaît car tout le monde sait que dans toutes les démocraties avancées, c’est par la qualité de leur éducation qu’elles ont pu le devenir. Le contraire qui est actuellement constaté souligne donc la destruction de notre démocratie, le risque de l’asservissement des populations ignorantes par un état autoritaire (nous en voyons déjà les prémices) et, surtout la transformation de la nation en société de plus en plus violente car c’est aussi une conséquence de l’ignorance. D’où le risque élevé de crise civile violente et de phénomènes révolutionnaires.

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  • Robert

    27 avril 2023

    Le délitement de l’ enseignement primaire, et par voie de conséquence des enseignements secondaire et supérieur, est un des aspects du délitement du pays.
    La France a un problème avec l’ éducation ( et avec l’ instruction ) , un problème avec la notion de travail ( mais il est vrai que les français ont le droit à la paresse, Rousseaux dixit) , un problème avec l’ assimilation des étrangers ( que l’on confond volontairement avec l’ intégration ) bref ce pays part à vau-l’-eau.
    Certes, c’ est toute l’ Europe, voire le monde dit « occidental » qui affronte plus ou moins les mêmes problèmes.
    Mais la France est probablement le pays où le déni est le plus fort, conforté par des raisonnements d’un autre temps.
    L’ élection de 89 députés du RN montre le début d’une prise de conscience.
    Que l’on approuve ou non ce choix politique est un autre problème…

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  • olivier

    27 avril 2023

    L’aveuglement du ministere de l’education, son nombrilisme en sont la cause principale.
    Quand ses enfants doivent suivre leurs parents à l’etranger et etudier dans un système autre que le systeme francais, allez expliquer au collège ou lycée anglais, asustralien ou chinois que 3 rouges + 1 orange et 5 pastilles vertes correspondent à une moyenne de 12/20 par exemple… ce système complètement hors sol gène aussi les echanges avec l’international.
    Autre exemple, si l’on crée une école privée supérieure en France, il est interdit de reprendre les termes master ou doctorat, meme si la qualité des cours et le détail est de qualité supérieure au public… de meme, une ecole « en ligne » ne pourra jamais avoir ses diplomes, quels qu’ils soient, visés par l’état. Seul le CNED en a le privilège. Mais cette ecole privée pourra avoit ses diplomes reconnus par le système educatif anglais par exemple…. et par ricochet etre accepté dans le système francais par équivalence…….. on marche sur la tete…

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  • Piot

    27 avril 2023

    Ancien professeur , maintenant à la retraite j ai fait le même constat negatif .Par contre le salaire au merite , pourquoi pas mais pas laisse au jugement unique du principal , car l engagement politique à gauche des personnes à ces fonctions , font que si vous n avez pas votre carte au parti vous ne beneficierez jamais du systeme …J ai constate une nette degradation du niveau et des efforts quand les eleves ne risquaient plus ni renvoi , ni redoublement ..

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  • Karl DESCOMBES

    27 avril 2023

    Comparaison avec l’Allemagne:

    20% des élèves sont sélectionnés à 8-9 ans pour aller au bac et aux études longues. (En France 80%…)
    Les 80% sont aiguillés vers des filières professionnelles plus ou moins longues, mais qui ne sont en aucun cas des mouroirs, mais de vraies formations.

    Il y a possibilité de passer d’une filière à l’autre, vers le haut comme vers le bas, si bien que les redoublements sont une exception et que les secondes chances sont possibles.

    Cela fait que les moyens sont optimisés pour chaque type de formation.

    Le programme éducatif est national, mais la gestion régionale, voire locale.
    Les directeurs d’école ont un assez grand pouvoir de décision, en particulier sur les recrutements.

    Je ne partage pas le fait que l’éducation nationale soit automatiquement une faillite. Un retour aux communautarismes serait beaucoup plus un risque de guerre civile.

    Il y a un socle d’enseignement de bon sens. Ex: comment gérer les dépenses d’un ménage.

    Les profs font 2 fois plus d’heures de présence qu’en France.
    On n’a pas ces profs qui bâclent les corrections chez eux, pour partir en week-end prolongé…
    En heures travaillées, il y a un écart d’environ 25 – 30%.
    Les profs sont polyvalents. Ils font souvent 2 ou 3 matières.
    Ils peuvent venir de la société civile, pas seulement de formations spécifiques d’enseignement.

    Ils sont payés entre 2 et 3 fois plus qu’en France.

    Les profs sont évalués (dans une certaine mesure) par les élèves.

    Pour les matières générales, les élèves ont leur salle de cours attitrée et non l’inverse.
    Cela ne semble pas grand chose, mais en fait c’est beaucoup.
    Les élèves s’approprient le lieu. Ils ne viennent pas « chez le prof ». C’est le contraire.
    Il y a des clubs hors heures scolaires, dans l’enceinte de l’école. Ex: sport, robotique…
    Les enfants sont heureux de rester dans les locaux et voient le lieu autrement.
    Ils savent aussi qu’ils peuvent perdre cet environnement sympa s’ils ne travaillent pas bien.
    Cela amène aussi à une solidarité pour ne pas perdre un copain en difficulté.

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  • breizh

    27 avril 2023

    les établissements hors contrat ont de l’avenir… (sauf si les gouvernements les interdisent).

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