24 juin, 2020

L’euthanasie de l’épargnant est programmée

Dans les périodes difficiles l’Etat français a l’habitude d’emprunter beaucoup d’argent. C’est ce qu’il a fait dans des proportions très importantes puisque l’encours de la dette va bientôt atteindre 2648 Md€ soit 120% du PIB. Historiquement, la conséquence très directe de ce type de séquence est en général « l’euthanasie du rentier ». Pour essayer de se prémunir contre cette éventualité, essayons de voir comment un épargnant peut se protéger.

 

L’état aura du mal à rembourser en « monnaie de singe »

 

La monnaie est dévoyée. Elle remplit normalement la fonction de réserve de valeur qui permet de prendre en compte le temps qui se reflète dans le niveau des taux d’intérêts. Avec des taux proches de zéro voire négatifs, cette fonction n’est plus remplie. Cela a permis

à de nombreux états en Occident de prendre des mesures budgétaires de 8000Md$ pour limiter les dégâts de la pandémie. La dette est devenue le reflet de ce monde étrange où l’on crée de l’argent qui n’est la contrepartie d’aucune valeur réelle.

En fait, ce n’est pas la dette qui finance la crise mais la monnaie. Un État contrairement à un particulier n’a pas à rembourser sa dette, il doit juste être capable d’en payer les intérêts…

Le coût de cette politique sera l’instabilité financière et encore plus d’inégalités. Dans le passé, l’inflation permettait de résoudre le problème. L’État remboursait ses dettes aux porteurs de sa dette en « monnaie de singe » comme disait la sagesse populaire. Cette fois ci, cela sera plus compliqué car les banques centrales n’arrivent pas pour le moment à faire remonter l’inflation.

 

Éviter les obligations de la zone Euro

 

La théorie moderne du portefeuille de Harry Markowitz ne fonctionne plus. Cette théorie financière enseignée pendant des décennies dans les universités a été développée en 1952 par Harry Markowitz. Elle se traduisait le plus souvent par une allocation de portefeuille 60% en actions et 40% en obligations. Aujourd’hui, la partie obligataire ne peut plus compenser une perte de la partie actions. Acheter des obligations allemandes à 104% pour avoir le plaisir d’être remboursé à 100 ne présente donc pas beaucoup d’intérêt.

Il ne faut pas détenir d’obligations de la zone Euro sauf peut- être des obligations danoises car la couronne présentait la spécificité d’être liée au Deutschemark.  En revanche, acheter des obligations chinoises à 10 ans semble plus intéressant et risque de remplacer progressivement dans de nombreux portefeuilles le 10 ans américain…

 

Beaucoup se prêtent aux facilités du discours antilibéral et souhaitent un retour à encore plus d’État. On est dans la pensée bavarde.

Ceux qui ne l’ont pas fait sont surtout situés en Asie.

 

 

 

 

Ne pas surpondérer le dollar

 

Trois zones monétaires vont se répartir la planète : l’Amérique, l’Asie et l’Europe

 

L’Amérique n’assurera plus la gestion mondiale de la « Pax Americana ». Cela se traduira par une réallocation de ses zones d’influence dans le monde entier. Ce à quoi on assiste en ce moment entre les États Unis et la Chine, c’est avant tout une guerre monétaire

Les américains semblent avoir décidé que le dollar devait baisser, ce qui n’incite pas l’investisseur à surpondérer son portefeuille dans la monnaie américaine

 

Privilégier les devises asiatiques

 

L’Asie va devenir la zone d’investissement par excellence. Finalement le grand bénéficiaire du Covid ce sera l’Asie. Les banques centrales des pays de la zone n’ont pas injecté des liquidités aussi massivement qu’en occident. Si les consommateurs et les états sont arrivés à leur limite d’endettement en Europe, ce n’est pas le cas en Asie. Pékin qui comptait sur sa capacité à fournir au reste du monde les instruments de la lutte contre le coronavirus pour se fabriquer une image de bon géant n’y est pas parvenue.

Cela devrait se traduire avec le temps par une réévaluation des monnaies asiatiques

 

Hong Kong en intervenant très tôt a évité la crise du coronavirus malgré sa densité et la proximité de la Chine continentale. Après la remise au pas par Xi Jinping de nombreux jeunes craignant la perte de leurs libertés ont envie d’émigrer. Si les Hongkongais qui s’exilent sont trop nombreux, au moment où la Chine souhaite clairement que les excédents de ses partenaires commerciaux soient gérés à partir de Hong Kong, il sera plus compliqué de maintenir la place de centre financier de l’ex-colonie britannique.

L’exposition d’un portefeuille à l’Asie devrait se faire avec des actions de sociétés de consommation et non de sociétés de production

 

Le Japon est le pays le plus résilient. Si l’on exclut les banques de l’indice le marché a performé aussi bienque les indices américains. L’explication se trouve dans le fait que les sociétés japonaises génèrent beaucoup de cash-flow.

L’indice qui reflète le mieux l’évolution de ces valeurs est le Tokyo Stock Exchange Mothers Index

 

La dépendance de l’Europe par rapport à l’Allemagne s’accroit

 

La Cour Constitutionnelle de Karlsruhe s’est exprimée en Allemagne. Elle a rendu le 5 mai dernier un arrêt estimant que la BCE avait outrepassé son mandat en adoptant un programme d’achat de titres publics sur les marchés. Elle reproche à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) d’avoir validé l’injection massive de liquidités de Mario Draghi  sur les marchés car  elle est susceptible de saboter l’épargne des retraités allemands. Quand la France ou l’Italie rêvent d’une mutualisation des dettes cette décision tombe mal.

On ne joue pas avec la constitution et la souveraineté nationale. Pas de décision possible sans qu’elle soit conforme à la loi fondamentale que le peuple s’est donnée. Ceux qui ne sont pas d’accord défendent une politique sans peuple, sans frontières et sans patrie.

L’Allemagne est loin d’être un pays totalement vertueux comme le montre la déconfiture de son système bancaire, le feuilleton du « dieselgate », l’ouverture aux migrants en 2015 et le scandale de Wirecard cette semaine

 

Les épargnants seront les victimes de l’endettement « illimité » de la France

 

En France le surendettement perpétuel enchaîne les générations futures car « le modèle français » est beaucoup plus cher et pas forcément plus performant que ceux de nos voisins européens. La verticalité du pouvoir de Macron aggrave le mal français, car il agit en monomaniaque de l’Etat universel. Avec lui, la France a renoué un peu plus avec l’économie administrée. Bercy est à la manoeuvre. Confier la gestion d’un pays à une poignée de gens confinés à Bercy, Matignon et l’Elysée n’est pas une bonne idée. La dernière idée à la mode semble être de repeindre le pays en vert alors que l’on n’a même pas éliminé la crasse bureaucratique. Il n’y aura pas de transition énergétique et écologique sur un champ de ruines. Cela n’empêche pas Thomas Piketty d’assumer que la création monétaire serve à « financer la relance verte et sociale et non à doper les cours de bourse »

 

Orpheline de géants du numérique l’Europe compte une dizaine de sociétés de la santé de la technologie et du luxe surnommés « Granolas » (GlaxoSmithKline, Roche, ASML, Nestlé, Novartis, Novo Nordisk, L’Oréal, LVMH, AstraZeneca, SAP, Sanofi) L’évolution de ces actions a été comparable à celle des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) depuis le début de l’année…

 

 

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

5 Commentaires

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  • erwan

    18 juillet 2020

    Pourquoi éviter les obligations en zone euro? Si les taux baissent, les obligations montent. Baisseront-ils malgré leur niveau très bas? Il est fort à parier que oui, et qu’on s’enfoncera dans les taux très négatifs (peut être -5%). Donc les obligations peuvent être intéressantes. NON?

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  • Nanker

    27 juin 2020

    « Orpheline de géants du numérique l’Europe compte une dizaine de sociétés de la santé de la technologie et du luxe surnommés « Granolas ». L’évolution de ces actions a été comparable à celle des Gafam depuis le début de l’année… »

    Certes mais personnellement je ne mettrais pas un kopeck en Bourse en ce moment..
    Les marchs boursiers sont des charognes pourrissantes dont « on » (les banques centrales) tentent de cacher l’odeur de putréfaction en usant et abusant de parfums et de couches de fond de teint (cad la planche à billets).

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  • Kerdrel (de) Arnaud

    24 juin 2020

    Cher Monsieur, merci pour cet article. Comme d »habitude les personnes qui pondent des papiers au sein d’IDL sont au top ! Et surtout sans langue de bois…Ce qui est particulièrement rafraîchissant ! Permettez-moi une question : à tort ou à raison il me paraît évident que nous allons nous trouver prochainement dans une grave situation qui peut conduire à une révolution. O
    Comme dit Charles Gave nous vivons des temps révolutionnaires ! Or celle-ci (la révolution) peut durer pas mal de temps. Je suis donc extrêmement pessimiste sur les possibilités d’évolutions pas seulement de l’Europe et bien sûr de la France mais du monde. Dans ces conditions je ne vois pas où placer les quelques fifrelin possédés. Il me semble que la seule possibilité est soit le placement en immobilier ou en or. Avez-vous une meilleure solution ? Merci de votre réponse.

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    • Shell

      25 juin 2020

      J’ai l’impression que personnes ne sait vraiment quoi faire, et qu’il faudrait être devin pour être sûr. Car le problème actuelle est l’instabilité sociale qui engendre un instabilité politique. Instabilité politique conduit à des changements des règles du « jeux ». Ainsi si un Jupiter dit qu’il taxe 100% les biens immobiliers ce bien ne vaut plus rien et on peut faire la même chose pour tout les actifs, de même avec les biens inter-pays, si une relation commerciale tourne mal, le pays peut confisquer les biens des citoyens de l’autre pays. Et j’ai l’impression que c’est ce point (changement des règles) qui devient de plus en plus important et malheureusement est en majeur partie imprévisible quand, quoi et comment (en tout cas à mes connaissances actuel de la chose).

    • breizh

      28 juin 2020

      si vous pouvez, visez des pays où le droit de propriété privée reste un droit… (quitte à vous y installer).

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Les livres de Charles Gave enfin réédités!