7 décembre, 2016

Les politiques européens devraient mieux connaître la Chine

L’évolution très rapide de la situation politique en Europe empêche de regarder objectivement ce qui se passe en Asie. Vu de Hong Kong, ce qui est curieux dans la perception de la Chine par les européens est que l’on oscille entre « c’est épouvantable les chinois rachètent tout et vont nous envahir » et « la Chine va s’effondrer sous une pyramide de dettes ». Comme d’habitude la réalité est un peu plus nuancée…

 

En Chine, la croissance est toujours là  grâce au rebalancement progressif de l’économie  vers des produits à valeur ajoutée et des services. La légère baisse du Renminbi par rapport au dollar US (-7% depuis le début de l’année) contribue aussi à la compétitivité des produits chinois aux Etats Unis. La technologie va jouer maintenant un rôle de plus en plus important, comme le montre l’introduction cette semaine à la bourse de Hong Kong de Meitu, un éditeur d’applications pour réaliser des « selfies » sur son téléphone mobile. La levée de fonds envisagée est de 644 M$. Si l’opération est un succès on pourrait assister à une longue liste d’introductions en bourse de sociétés chinoises du secteur de la technologie.

 

Les sociétés exportatrices chinoises sont celles qui vont le mieux se comporter. Les sociétés actives dans la construction et l’environnement seraient tirées par les programmes gouvernementaux. Même la situation des banques devrait s’améliorer grâce à la fin de la baisse des taux et à la diminution du nombre de créances douteuses. Parmi les noms que l’on retrouve le plus souvent sur les listes d’achat des investisseurs figurent  des banques comme Daiichi au Japon et Standard & Chartered à Hong Kong semble une bonne idée.  Parmi les compagnies d’assurance on peut citer AIA Group côté à Hong Kong.

 

La baisse du Renminbi faisait partie du consensus du début de l’année. On constate que c’est surtout le dollar US qui a monté, car rien de significatif ne s’est produit surtout contre l’Euro. Est ce que la Chine réussira à faire du Renminbi le Deutschemark de l’Asie. Ce n’est pas encore gagné. Pour que le Renminbi devienne  une vraie monnaie de réserve, il faudrait que la Chine accepte d’avoir des déficits commerciaux importants comme le font les Etats Unis et que surtout la banque centrale arrive à régulariser le cours du Renminbi entre  Hong Kong où la baisse est plus forte  qu’en Chine continentale.

 

Tout n’est donc pas rose pour autant. La politique de réformes promises par le président Xi Jiping consiste pour le moment non pas à déréguler l’économie, mais à consolider la position des entreprises contrôlées par le gouvernement pour en faire des champions nationaux et internationaux. C’est clairement une déception par rapport à ce qui était attendu au début de l’année et se traduira probablement par une nouvelle diminution du rythme de croissance l’année prochaine.

Cela se traduit, par exemple,dans le domaine des semi conducteurs où le déficit commercial de la Chine atteint 157Md$ par an, par le gouvernement chinois qui finance une multitude de sociétés comme Spreadtrum, Rockchip, HiSilicon pour concurrencer Intel, Qualcomm’s, Applied Materials, Lam Research.

 

Les rachats de sociétés européennes par des entreprises chinoises sont en hausse de 40% selon les dernières statistiques de Deloitte. Depuis le début de l’année, 170 acquisitions ont eu lieu pour un montant de 90 md$. Cela traduit le fait que les groupes chinois ont besoin de s’internationaliser, le rachat récent  de Skyscanner l’agence de voyage anglaise on line par Ctrip en est un bon exemple. Parmi les pays qui intéressent le plus la Chine figurent l’Allemagne avec 34 transactions, la Grande Bretagne (32) et la France (21)

Il est très intéressant de voir que la société chinoise Fujian Grand Chip Investment qui projetait de racheter la société allemande Aixtron se voit confrontée à une interdiction par Barack Obama de racheter la partie américaine d’Aixtron.

 

Heureusement il existe des exemples inverses comme LVMH qui va produire à Ningxia du vin pétillant, adapté au goût chinois, vendu sous la marque Domaine Chandon. Bernard Arnault a bien compris tout le potentiel qui existait en Chine pour le développement de la vigne.

 

Les hommes politiques européens vont peut bientôt comprendre que la Chine n’est plus du tout l’usine du monde qui fabrique des articles à faible prix. Ce rôle pourrait être repris notamment par la Russie dont la monnaie a baissé de 40% par rapport à son dernier plus haut…

A suivre

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

11 Commentaires

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  • Julien

    13 décembre 2016

    Merci d’avoir partagé ces infos, Caramba.

    Je me coucherai moins bête ce soir!

    Répondre
  • sassy2

    8 décembre 2016

    merci

    sinon « La technologie va jouer maintenant un rôle de plus en plus important, comme le montre l’introduction cette semaine à la bourse de Hong Kong de Meitu, un éditeur d’applications pour réaliser des « selfies »  »

    je ne m’attendais pas à ça ;-)))

    Répondre
    • là bas

      14 mars 2017

      bonjour,
      utilisatrice quotidienne d’applications chinoises extremement bien concues, telles que Weechat, Ctrip, Mobike…, je vous confirme que la Chine n’est clairement plus la simple « usine à bas coût » du monde occidental. La Chine d’aujourd’hui innove, developpe, et améliore. et celà avec une énergie, un dynamisme et une flexibilité que nous avons oublié depuis longtemps en Occident. il est temps de se réveiller et d’oublier nos idées préconcues. à défaut, il nous restera plus qu’à vendre des saucisses en bas du Mont blanc …

  • Caramba

    7 décembre 2016

    Est ce que la Chine réussira à faire du Renminbi le Deutschemark de l’Asie. Ce n’est pas encore gagné. Pour que le Renminbi devienne une vraie monnaie de réserve, il faudrait que la Chine accepte d’avoir des déficits commerciaux importants comme le font les Etats Unis et que surtout la banque centrale arrive à régulariser le cours du Renminbi entre Hong Kong où la baisse est plus forte qu’en Chine continentale.

    Les déficits commerciaux sont-ils nécessaires étant donné que la Chine est prête à accorder autant de swaps que nécessaires?
    Et l’am fed gov a démarré Bretton Woods en étant excédentaire.
    Et le «privilège exorbitant» a forcément un coût.

    J’ai l’impression que il faut initialement sortir un gros stock de RMB au début afin de servir de support aux transactions asiatiques, mais une fois ce stock établi, il suffit de fournir des swaps d’appoint lorsque la demande augmente (donc lorsque le commerce augmente [sous hypothèse de vélocité constante]).

    Donc la PBoC va se retrouver avec plein de devises farfelues (du thaï bat, etc.) en contrepartie de ses swaps, mais n’est-ce pas le prix de la liberté et le prix de la croissance asiatique?

    Et une fois que la zone asiatique aura acquis une réelle indépendance, elle pourra essayer de trouver une autre solution pour ses échanges (il serait néanmoins étonnant que la Chine abandonne le «privilège exorbitant»).

    D’autant plus que cela crée une dynamique. La Russie commence à réaliser des traités bilatéraux qui ne passerait pas par le USD.

    Mais c’est une problématique très intéressante.

    Est ce que la Chine réussira à faire du Renminbi le Deutschemark de l’Asie.

    C’est vraiment à espérer.
    Ce serait une incroyable source de liberté.

    l’introduction cette semaine à la bourse de Hong Kong de Meitu

    Je me suis toujours posé la question: est-ce compliqué d’introduire une société la bourse de HK? Faut-il corrompre plein de gens? Faut-il avoir un guanxi incroyable? Y a-t-il une énorme régulation qui rend les IPOs compliquées? Ou les contraintes de disclosures sont pénibles?

    Y aurait-il un avantage à se coter à HK plutôt qu’à Londres? Ou à NYC?

    Répondre
    • sassy2

      8 décembre 2016

      oui:
      Et l’am fed gov a démarré Bretton Woods en étant excédentaire.

      le DM ou FS plus facile quand on est 50m pas 1milliard

      Seulement le souhaitent-ils?
      non à mon avis, ils voudront trasher leur devise pour liquider la dette interne. Comme tout le monde d’ou pb. lol.

    • sassy2

      8 décembre 2016

      un deal rosneft / glencore financement quatar surprenant je trouve

    • Julien

      10 décembre 2016

      Concernant les IPO à HK, c’est pareil qu’ailleurs. Pour faire court, le plus difficile est de trouver une grande banque d’affaires et un auditeur des big4 prêt à risquer leurs réputations pour votre IPO. Après cela, c’est toujours la même histoire, il ne faut pas qu’on puisse mettre à mal leur due diligence…

    • Caramba

      10 décembre 2016

      Merci de m’avoir répondu!

      OK.
      Donc rien de particulier.

      C’est déjà arrivé que leur due-dil soit mise à mal?
      Je peux vous dire que, en France, les cac signent n’importe quoi et qu’il ne se passe jamais rien a posteriori.
      Historiquement, je ne pense qu’au cas de Enron et de leur montage déconsolidant (qui aboutit à la disparition de Arthur Andersen en trois semaines…!).

      Par ailleurs, existe-t-il plusieurs marchés à HK, du genre le second marché ou alternext? Où les conditions de disclosures seraient moins contraignantes et qui permettraient à des structures plus légères d’être cotées?

    • Julien

      11 décembre 2016

      Je n’ai pas d’exemple concret de due diligence mise a mal dans la presse, mais il arrive que des processus d’ipo soient suspendus ou carrément arrêtés ( http://www.hkexnews.hk/APP/SEHKAPPMainIndex.htm ). Mais à ma connaissance, les raisons ne sont pas publiées. Les requins ne se mangent pas entre eux et tous, y compris l’hkse, ont intérêt au bon fonctionnement du marché. A voir depuis le rapprochement avec les bourses de Shanghai et Shenzen comment cela a évolué (je ne travaille plus à HK)… J’ai également bossé pour et avec des big4 en Europe et je suis également sidéré du manque de responsabilité qu’ils encourent, surtout vu les frais qu’ils facturent…
      Pour le marché secondaire de HK, je ne suis pas spécialiste mais je sais qu’ils existent differentes classes d’actions (H,A,etc), mais de là à savoir si les exigences de disclosure sont différentes… Je pense que si vous voulez faire un IPO sans trop de risques, vous la faites en Chine et basta :-).

      Ne pas oublier que l’ipo reste quand même le moment les actionnaires initiaux pensent qu’il est temps de vendre… Je ne les ai plus sous la main, mais plusieurs analyses ont déjà été faites sur les performances post ipo et, de mémoire, la conclusion était qu’il n’y avait plus de création de valeur significative avant 1 à 3 ans…

    • Caramba

      11 décembre 2016

      Merci à nouveau!

      Ah oui, en effet, curieux ces entreprises qui commencent le processus et qui l’arrêtent en cours.

      Mais, donc, on ne sait pas pour quelles raisons? Car cela rejoindrait ma question initiale: la raison pourrait être «politique». Mais, a priori, si on commence à mandater une banque d’affaires (les équivalent de Lazard et Rothschild sur place), c’est qu’on sait dans quoi on va (surtout vu leurs frais…!); au pire, la banque vous expliquerait en amont qu’il y aurait des fees qu’il faudrait payer en cash ou en montres.

      > Je pense que si vous voulez faire un IPO sans trop de risques, vous la faites en Chine

      Hélas, pour ce que j’en sais, il faut que la société soit majoritairement détenue par des chinois.
      C’est ce qui se serait passé pour Chateauvieux (Bourbon) et son chantier de construction Sinopac de Shanghaï. Pour réaliser son IPO, il aurait dû transférer la part pour que son associé chinois eût eu 50% + 1 parts, lequel ignorerait et mépriserait Chateauvieux depuis.

      En outre, la Chine n’étant pas un état de droit (rule of law de notre ami Locke), j’éviterais d’avoir des «propriétés privées» en Chine continentale (contrairement à HK).

      > Ne pas oublier que l’ipo reste quand même le moment les actionnaires initiaux pensent qu’il est temps de vendre…

      Je plussoie.
      Je m’«inculture», de simplement diminuer cette ignorance qui est mienne. ☺

      Bonne fin de journée!

    • Caramba

      12 décembre 2016

      En fait, il semblerait que le type d’une share ne s’applique que pour les entreprises chinoises:
      – A shares/A股: cotées à Shanghaï/上海 et Shenzhen/深圳, en RMB/人民币
      ne peuvent être détenues que par des citoyens chinois
      – B shares/B股: cotées à Shanghaï/上海 en USD et à Shenzhen/深圳 en HKD,
      peuvent être détenues que par quiconque, des étrangers en particulier
      – H shares/H股 («H» pour «Hong Kong»): cotées à Hong Kong/香港 en HKD,
      peuvent être détenues que par quiconque, des étrangers en particulier

      the listing of the first China-incorporated enterprise (H share) in July 1993
      https://en.wikipedia.org/wiki/Hong_Kong_Stock_Exchange

      https://en.wikipedia.org/wiki/A-share_%28mainland_China%29

      https://en.wikipedia.org/wiki/B-share_%28mainland_China%29

      https://en.wikipedia.org/wiki/H_share

      http://www.wikinvest.com/wiki/A-Share_vs_H-Shares_in_China

       

       

      Quant à Alternext/Second Marché/Alternative Investment Market à HK, il en existe un:
      Growth Enterprise Market (GEM):
      culture of self compliance
      the responsibility for the correctness, quality and sufficiency of the disclosed information made by an issuer rests ultimately with the issuer and its directors.
      compliance with the GEM Listing Rules
      a GEM issuer is required to make half yearly comparison of its business progress with the business plan for the first 2 financial years, publish quarterly accounts in addition to half yearly and annual accounts
      Since 1999, more than 267 companies have raised more than HKD 40 Billion in this market.

      https://en.wikipedia.org/wiki/Growth_Enterprise_Market

      the Exchange introduced the Growth Enterprise Market (GEM) in November 1999
      https://en.wikipedia.org/wiki/Hong_Kong_Stock_Exchange

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