2 octobre, 2019

Les nombreux paradoxes du Macronisme

Emmanuel Macron est arrivé à la moitié de son mandat.  On commence à avoir suffisamment de recul pour commenter son action à la tête de l’Etat. Nous avons rassemblé une sélection de livres et d’articles qui ne s’inscrivent pas forcément dans le court terme ou le politiquement correct, mais qui permettent de nourrir le débat en regardant la réalité telle qu’elle est aujourd’hui ou de faire apparaître de nouveaux angles d’évolution…

Le macronisme a remplacé le clivage gauche droite par une bouillie idéologique

Le paradoxe du macronisme, c’est qu’il nous annonçait la fin du clivage gauche-droite, que les Français s’étaient convertis au libéralisme économique, aux valeurs de tolérance, et au désir de vivre ensemble autrement… La victoire d’Emmanuel Macron en 2017 aurait même été le signe d’une recomposition historique du paysage politique français, et le macronisme une réponse aux attentes profondes du Français nouveau, ce citoyen du XXIe siècle. Pour Luc Rouban dans « Le paradoxe du Macronisme »(Les Presses de Science Po 2018), il pourrait s’agir d’un simple concours de circonstances. Le jeune président a su s’emparer, avec un remarquable sens politique, d’un banal décalage entre l’offre et la demande électorales.  Il met à mal le mythe de la « disruption » et pointe les paradoxes d’un pouvoir qui se veut horizontal et mobilisant les bonnes volontés, alors qu’en réalité il renforce la verticalité, crée de nouvelles oligarchies et accentue la fracture sociale. D’après Harold Bernatdans « Le néant et le politique. Critique de l’avènement Macron », Emmanuel Macron a remplacé le clivage gauche droite par une bouillie idéologiquesyncrétique et managériale…

Marcel Gauchetdans « La France centrale et la France périphérique »doute de la capacité du président de la République à réconcilier les français.Le clivage est trop fort entre la France sans avenir face à la France pour laquelle l’avenir n’est pas un problème.

Emmanuel Macron a beaucoup de mal à saisir l’attachement des gens à leur nation protectrice malmenée par la mondialisation. Il a déclenché une pluie d’obus contre le nationalisme de ceux qui n’adhéreraient pas à son idée de « souveraineté européenne ». En agissant de cette façon, Il n’a fait qu’exacerber les incompréhensions entre la France d’en haut et la France d’en bas, au moment où le système technocratique était contesté. Il ne cesse de suggérer une continuité entre l’extrême droite et la montée actuelle de l’antisémitisme, alors qu’il est bien placé pour voir que ce rejet s’épanouit majoritairement dans les cités musulmanes et à l’extrême gauche. Pour Ivan Rioufoldans « La nouvelle révolution française, acte I » , Emmanuel Macron ne cesse de ménager l’islamisme qui est le vrai danger pour la France et l’Europe…

Le macronisme est un sectarisme qui représente le Parti du Bien

Le Macronisme est un sectarisme.Ce qui frappe chez Emmanuel Macron c’est son incapacité à assumer l’exercice démocratique comme aucun président avant lui, au point de sembler hermétique au dialogue contradictoire. Selon Mathieu Bock-Côtédans « Valeurs Actuelles », les contrôleurs de la circulation idéologique patrouillent l’espace public.  Nous vivons dans un système de défense du régime diversitaire qui permet d’ostraciser ses contradicteurs et de les transformer instantanément en paria. La gauche a été si longtemps dominante qu’il lui suffit aujourd’hui d’être critiquée pour se sentir assiégée, tandis que la droite a été si longtemps dominée qu’il lui suffit d’être entendue pour se croire dominante. En fascisant son adversaire, en passant rapidement de la peste brune à la lèpre populiste,  Emmanuel Macron disqualifie à l’avance la possibilité d’un débat.

En France, l’événement fondateur de la poussée populiste a été la victoire du nonau référendum sur le projet de traité constitutionnel européen. Alain de Benoistrappelle dans « Le moment populiste. Droite -gauche c’est fini »que depuis 2005, le même scénario se répète : la droite dit de voter oui, la gauche dit de voter oui, tous les grands media disent de voter oui et le peuple dit non.

Le Macronisme qui représente Le Parti du Biena un faible pour les peuples opprimés pourvu qu’ils vivent loin de son odorat. Pour Ivan Rioufoldans « Le Figaro »la caste au museau délicat n’a d’yeux que pour les winners de la start up nation…Le parti présidentiel qui applaudit à ses propres vues universalistes est imperméable à la pauvre vie des autotochnes… Macron qui court après l’air du temps a rejoint l’écologisme politique qui bidouille les faits . Il ne sait pas aborder les sujets qui minent la cohésion de la nation: le despotisme des minorités, la culpabilisation de la république, la libanisation du pays, l’endormissement des consciences …

Le macronisme ne peut changer la France par décret

Le véritable défi d’Emmanuel Macron reste de proposer un projet politique lisible, de transformation de la société française à cinq ou dix ans, et surtout d’inventer les moyens pour que les citoyens s’investissent dans cette transformation, qu’ils ont eux-mêmes voulue en le portant à la présidence. Emmanuel Macron a été porté au pouvoir par l’exigeant espoir d’un renouveau de la vie politique. Aujourd’hui, la chute de sa popularité est vertigineuse. En jetant sur les faits un regard lucide et informé,Roland Cayroldans « Le président sur la corde raide »montre la part d’excès de ce retournement de l’opinion, en même temps que la responsabilité du président lui-même. En quelques mois, Macron aura redistribué les cartes d’un jeu politique dont les Français ne voulaient plus et mis en oeuvre, au pas de charge, des réformes dans des secteurs importants de la société. Mais, comme le rappelle Roland Cayrol, « on ne change pas la société par décret». Ce qui est en jeu avec le macronisme, c’est la capacité des sociétés libérales européennes, aujourd’hui sous la menace populiste, à construire un avenir désirable.

Le décryptage de la vision de l’économie et de la société françaisedu jeune ex-ministre montre que, derrière un discours qui s’affiche comme «moderne», se cache une vision de l’économie dépassée, héritière du libéralisme du XIXe siècle.  Thomas Porcheret Frédéric Farah dans « Introduction inquiète à la Macron-Economie »font l’inventaire de ses commentaires :  « L’État doit donner plus de souplesse au marché du travail», «Le libéralisme est une valeur de gauche», «Le statut de fonctionnaire est de moins en moins défendable», «Il y a la politique des artisans et la politique des fainéants»…

Le populisme traduit la précarisation de la France périphérique

Le sociologue américain Christopher Lasch avait tout vu des fractures sociales et culturelles.  Dès 1994, dans  «La révolte des élites et la trahison de la démocratie »,alors que la mondialisation heureuse semblait triompher, il proposait de dépasser le clivage droite gauche pour revenir aux sources de la démocratie américaine. Il n’hésitait pas à la placer sous le signe du populisme…

La fracture n’est plus tant entre la gauche et la droitequ’entre les classes dominantes indifféremment de droite et de gauche et les classes populaires. Christophe Guilluydans « Fractures françaises »a très bien montré dès 2010 la précarisation de la France périphérique est aux antipodes du « Boboland ». Géographe « de gauche » il est qualifié par son camp de pousse de la droite la plus réactionnaire !

La montée, depuis 15 ans, de mouvements dits « populistes »ne se présente nullement comme le simple prolongement des actions et des doctrines de « l’extrême droite » traditionnelle. Le croire serait s’exposer à se trouver à chaque instant pris à contre pied. On le voit en France, par exemple, lorsque Marine Le Pen défend la laïcité ou affiche une politique pro-israélienne. Cette nouveauté, Dominique Reyniédans « L’avenir du populisme »nous invite à nous en saisir par un concept nouveau, celui de « populisme patrimonial ». Dans une Europe vieillissante, inquiète de son appauvrissement démographique, ce populisme joue sur le désir de sécurité et la peur de l’immigration. Il se présente comme une défense du patrimoine immatériel, c’est-à-dire un « style de vie », aussi bien que matériel, c’est-à-dire qu’il joue sur la peur que suscite la baisse du niveau de vie.

Le peuple démocratique tient bon

Le peuple a vite fait d’apparaître comme une forme politique désuète voire obsolète. A l’âge de la mondialisation, de l’ouverture des frontières et du triomphe d’un individualisme consumériste, importé par les naufrages du nationalisme, du communisme et, plus généralement, la fin des grands récits et affrontements idéologiques qui ont structuré les XIXe et XXe siècles. Aujourd’hui, le peuple social (celui de l’émancipation économique par la lutte collective) comme le peuple national (celui de la reconnaissance identitaire exclusive) ont cessé d’être des références centrales pour devenir l’apanage exclusif des marges de la politique, à gauche ou à droite. Seule la troisième figure du peuple contemporain, le peuple démocratique, celui de la communauté des citoyens souverains, semble avoir tenu bon jusqu’à aujourd’hui, mais non sans être à la fois dévoré de toutes parts par la passion de l’individualisme, comme l’avait annoncé Tocqueville, et souvent brandi de manière purement nominale, comme une forme institutionnelle obligée mais vide de tout contenu politique. Laurent Bouvet  dans « Le sens du peuple. La gauche, la démocratie, le populisme »ne cesse d’alerter la gauche sur ses impensés en évoquant la crise de l’intégration.

Seuls la rue et « un peuple » marginalisé autant que méprisé, déstructuré culturellement et idéologiquement pouvaient venir percuter ce pouvoir élitaire de l’Etat-Entreprise. Pierre Musso dans « Le temps de l’Etat-Entreprise. Berlusconi, Trump, Macron » montre bien que Berlusconi a su capter l’imaginaire des italiens avec la néotélévision, Trump a promis une success story aux américains et Macron a rejeté le vieux monde politique

A la place du PC Marine Le Pen agrège le vote d’individus malheureuxdont la satisfaction dans la vie est faible. Quelle place reste-t-il à la gauche et à la droite ? Faible. Un schisme économique et social fracture la société française. L’individualisation de la société explique la montée du populisme. Pour Yann Algandans « Les origines du populisme. Enquête sur un schisme politique et social »les trente glorieuses avaient forgé un idéal de croissance inclusive  or la société post industrielle a fait éclater cette structuration des espaces communs.

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

7 Commentaires

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  • Robert

    6 octobre 2019

    L’ élection de Macron est le résultat de la plus belle machination politique depuis le retour du général de Gaulle en 1958, en pleine guerre d’ Algérie. Macron a été « vendu » aux français comme un produit marketing, et comme l’a avoué rétrospectivement et benoîtement Gérard Collomb :  » on n’était pas sûr que ça allait marcher « .
    Ca a marché…

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  • Guasilas

    3 octobre 2019

    Comme le dit bien cet article, le vrai problème, c’est le peuple. Si il ne veut pas se tenir a sa place, et que les matraques et les flqsh ball sont difficiles a utiliser en permanence, ne serait ce qu’a cause des heures supplémentaires qu’il faut payer a la police, il faut se doter d’outils plus sophistiqués.
    La chine a montré l’exemple, bienvenue en France a la reconnaissance faciale, et sans doute bientôt a l’evaluation sociale que cela rends possible:
    https://www.zerohedge.com/political/major-risk-france-rolls-out-new-facial-recognition-technology

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  • Sarcastik

    2 octobre 2019

    Très intéressant passage que celui du peuple aujourd’hui dépassé, comme s’il ne devait plus recouper des frontières mais se joindre à l’humanité toute entière, retrouvant là en creux l’origine du mot « populiste » tel que décrit par Chantal Delsol, en substance, l’idiot incapable d’accéder à l’universalité.

    Cela met à nu ce tour de passe-passe appuyé par le mythe de l’Etat de droit selon lequel, en substance, est démocratique tout ce qui sert cette vision universelle de l’humanité, en définitive, le seul peuple qui compterait aux yeux de ses zélotes.

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  • Patrick Laverriere

    2 octobre 2019

    Macron n’est pas un homme politique, c’est une commodité , un acteur de théatre placé à la présidence de la France par la technostructure d’extrême centre et le pseudo capitalisme- marxiste corrompu de la dite structure, sensé incarné un avatar de Renzi-Obama et surtout de donner l illusion d’un contre feux à deux événements majeurs ; le Brexit et l’élection de Donald Trump via une pseudo vision stratégique européenne . L’échec est totale de la part de la technostructure française non seulement  » Hard Brexit  » et réélection de Trump ont de forte probabilité de se réaliser mais Macron et ses multiples pérégrinations communicationnelles et émotionnelles ont envoyé la France dans un trou noir géostratégique ainsi que l’avènement d’un sentiment de désespérance nationale de grande ampleur, très dangereux pour l’avenir du pays. A l’heure actuelle et selon mon humble avis il n’est pas perspicace de se focaliser sur le personnage car au fond il se soumettra à ce que les puissances en actions et les circonstances lui dicteront de faire et il pourra même se faire intronisé nouveau Roi de France comme préconisé par Hans-Hermann Hoppe dans son livre / Démocratie le dieu qui a échoué: que cela ne changera pas grand chose aux affaires de la France . Ne vaudrait t’il pas mieux réfléchir et préparer concrètement une nouvelle structure décisionnelle plus intelligente, créatrice de valeur et surtout plus en phase avec les enjeux que l’avenir prépare avant qu il ne soit réelement trop tard ou que les forces qui sont à l’œuvre annihiles définitivement les Français .

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    • Robert

      6 octobre 2019

      Bon, essayons d’exprimer un peu plus simplement et clairement votre pensée : Macron n’est pas libre de ses actions et a été placé là par une minorité agissante (la technostructure d’ extrême centre ?)
      C’est cela ?

  • Charles Heyd

    2 octobre 2019

    Je cite: « D’après Harold Bernatdans « Le néant et le politique. Critique de l’avènement Macron », Emmanuel Macron a remplacé le clivage gauche droite par une bouillie idéologiquesyncrétique et managériale… »
    Déjà sous Hollande, et même avant, on appelait, et comme Trinidad, on l’appelle toujours, l’enfummage!

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  • Scardanelli

    2 octobre 2019

    Il est un fait dont il faut prendre acte : la dérive du système éducatif. C’est une chose de brader le niveau des examens par démagogie et de promouvoir des étudiants ignares. Lorsque la braderie s’étend sur plusieurs générations, les professeurs ne sont plus démagogues, ils sont devenus, eux aussi, ignares. La dérive est irréversible. Les étudiants coréens, chinois, indiens, brésiliens surclassent leurs équivalents européens – parmi lesquels nos compatriotes brillent de toute leur arrogance doctrinaire. Dans un monde ultra-concurrentiel, il n’y rien d’étonnant à ce que notre continent s’enlise sûrement et que les fractures sociales se creusent de moins en moins lentement.

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