20 mai, 2013

Les Actions de l’EuroLand sont-elles « bon marché » vis à vis des actions US?

Il est temps de revenir à nos moutons. Dans les derniers billets, je me suis laissé aller à des considérations économiques, politiques ou philosophiques et j’espère qu’elles auront su intéresser le lecteur, mais il est temps de revenir à la question essentielle qui sous-tend tous mes efforts, en tout cas d’après mes très nombreux détracteurs: comment gagner de l’argent sans « travailler  » (la recherche du Graal pour tout financier digne de ce nom)?

Ou plus simplement peut- être: Comment la fourmi que je suis doit-elle investir son épargne pour ne pas finir dans la misère ?

Depuis fort longtemps, je soutiens qu’il faut privilégier l’achat et la détention d’actions aux USA (à dire vrai, j’ai eu une petite crise de découragement après la réélection de monsieur Obama, mais qui n’a pas duré ) et vendre les affaires situées en EuroLand.

J’ai ajouté à  peu prés sans discontinuer que pour ceux qui devaient être investis en Europe, détenir des actions de sociétés cotées sur un marché du vieux continent mais ayant la majeure partie de leur chiffre d’affaires en dehors était une option tout à fait satisfaisante pour  tourner les difficultés réglementaires. Enfin, je n’ai cessé de dire qu’il fallait éviter à tout prix toutes les valeurs financières en EuroLand tant l’Euro était un Frankenstein financier.

Les événements semblent m’avoir donné raison comme le montre le graphique ci dessous. Les actions US, en une seule monnaie (l’Euro) ont fait beaucoup mieux que les actions de l’EuroLand depuis au moins cinq ans. Dont acte. Cependant, en tant que financier, la question suivante doit immédiatement être posée : Les actions Européennes, compte tenu de cette sous performance,  sont-elles devenues suffisamment peu chères pour que je procède à l’arbitrage « vendre les Etats-Unis, acheter l’Europe » comme je l’avais fait en 2000?

Eurovdollars

 

La réponse à  cette question est probablement non, et voici pourquoi.

La quasi totalité de la sous performance de l’Europe depuis 2008 provient en fait de l’effondrement des valeurs financières locales comme en fait foi le graphique suivant . Hors financières, la performance des marchés Européens a été satisfaisante.

 

48

La seule différence entre ce graphique et le graphique précédent est que j’ai rajouté la ligne noire qui est l’indice des actions de l’Euroland dont j’ai enlevé toutes les valeurs financières (banques, compagnies d’assurance, immobilier etc..)

Comme le lecteur peut le voir, la totalité de la sous performance Européenne depuis 2007 s’explique par l’effondrement des valeurs financières en Europe, qui a été proprement extraordinaire (Graphique numéro 3).

47

 

Depuis  leur plus haut en 2007, les financières Européennes, qui à l’époque représentaient prés d’un tiers de l’indice on perdu les deux tiers de leur valeur, contre moins d’un tiers pour leurs homologues aux USA.

Par contre, et comme on le voit très bien, les valeurs non financières en Europe n’ont pas fait aussi bien que les valeurs US depuis 2009, mais elles ont eu une performance tout à  fait honorable sur le plus long terme.  Du coup, elles sont loin d’être grotesquement sous évaluées par rapport à  leurs homologues US, comme aurait pu le laisser penser le premier graphique.

Toutes ces évolutions m’amènent aux réflexions suivantes.

  1. Le résultat d’une gestion dépend beaucoup plus de ce qui ne se trouve pas dans un portefeuille, plutôt que de ce qui s’y trouve. Celui qui depuis 2007, en suivant mon conseil, n’aurait eu aucune valeur financière dans son portefeuille aurait eu une performance plus qu’honorable.
  2. Lorsque les gouvernements  se lancent dans une politique désastreuse, il peut se passer des années avant que les conséquences désagréables ne se manifestent. Par exemple, l’Euro a amené fort logiquement à une bulle dans les valeurs financières en Europe, dont l’indice passe de 100 a 300 entre 2002 et 2007 , avant de s’effondrer ensuite sous le poids des contradictions inhérentes à l’Euro. Le gérant qui aurait refusé d’acheter les valeurs financières du vieux continent aurait sous performé pendant une grande partie de la hausse (différence entre la ligne noire e la ligne rouge, graphique numéro 2) et aurait eu  sans nul doute des difficultés avec ses clients… et pourtant il aurait eu raison.
  3. L’indexation est la pire des méthodes pour gérer son argent, puisque les valeurs qui vont baisser le plus sont presque toujours à leur plus haut relatif et absolu au moment où la baisse va commencer, le contraire étant vrai pour celles qui vont monter le plus, qui seront au plus bas.

Pour moi, il n’y a donc pas de raison de changer de stratégie.Les problèmes Européens sont loin d’être réglés et il ne faut toujours pas toucher aux valeurs financières même si elles apparaissent bon marché.

Il faut continuer à se concentrer dans les belles valeurs Européennes (Essilor, SAP , Schneider, Air Liquide, l’Oréal, LVMH etc..) et dans les valeurs de la connaissance aux USA.Comme je le dis depuis plusieurs mois, il faut aussi s’intéresser aux valeurs Britanniques et Japonaises.

On ne change pas une équipe qui gagne…sauf si cela est absolument nécessaire, bien sur.

 

 

Charles Gave

 

 

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

15 Commentaires

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  • Dumaz

    25 mai 2013

    Depuis plus d’un an,à vous lire,j’ai beaucoup appris. N’étant malheureusement qu’un petit actionnaire j’ai comme beaucoup un PEA
    Si j’ai bien compris sur ce support je dois rester sur des valeurs françaises mais internationales.Mais qu’en est-il par exemple de EADS qui semble avoir de l’avenir.
    Merci pour toutes vos analyses qui nous permettent de « tenter » de comprendre une parcelle de l’économie mondiale.

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  • PASCAL

    25 mai 2013

    Bonjour M. Gave et merci pour vos conseils toujours aussi précieux au fil des années.
    Je souhaiterais cependant rebondir sur vos graphiques 2 et 3.
    Le graphique 3 montre que si les valeurs financières européennes ont effectivement perdu plus de deux tiers de leur valeur entre 2007 et aujourd’hui (de 300 à 90), les valeurs financières US en ont perdu la moitié (de 150 à 75), ce qui est tout de même significatif.
    Dès lors dans le graphique 2, peut-être aurait-il été judicieux en plus de la ligne noire représentant le MSCI Europe ex-valeurs financières européennes, de tracer la ligne représentant le MSCI US ex-valeurs financières US: la comparaison des deux lignes montrerait peut-être que le MSCI US ex-valeurs financières est effectivement surévalué par rapport à son équivalent européen, à l’instar de la période 2000-2002 ou vous recommandiez de vendre les US et acheter l’Europe.

    Cordialement,
    Pascal.

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  • chrisophe

    23 mai 2013

    merci encore pour vos conseils mr Gave, excellent article

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  • Luc van Mulders

    23 mai 2013

    Bonjour,

    Vous aviez raison depuis le début, mais … moi aussi.

    Gagner c’est un état d’esprit, mais apprendre, c’est changer !

    Bonne continuation.
    Luc

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    • VGAREZ

      29 mai 2013

      Il y aura toujours quelqu’un pour dire « je la savais » et/ou « j’ai eu raison » et en tirer gloire.
      Le fait est que dans le cas contraire, nul n’en fait publicité.

      Concernant Monsieur GAVE, il l’avait écrit et en avait fait profiter d’autres.
      Ce qui est tout de même fort différent.

  • LaurentF

    21 mai 2013

    la plupart des banques europeenne qui composent les indices de banques ont encore une progression de 10% a faire avant de completer le rebond initie au moi de juin 2012- il est fort probable que nous verrons alors un test des plus bas. Il ne faut pas oublier qu’elles doivent etre recapitalises et pour l’instant ressemblent des banques Japonaise

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  • jepirad

    21 mai 2013

    Bonjour, je suppose que votre démonstration qui vous conduit à définir une stratégie vaut pour le pilotage de fonds d’actions de volume relativement important. Parce que pour le porteur relativement modeste, la stratégie qui a été donnée par un financier des pays de l’OPEP (dont j’ai oublié le nom) : « quand de grands noms cotés en bourse s’écroulent, achetez sans vous poser de question et attendez, votre patience sera récompensée », est presque toujours pertinente.
    Ainsi il était possible d’acheter Crédit Agricole à moins de 3 euros (7,30 ce jour), mais aussi ses consœurs avec à peu près la même performance, Peugeot à 4,5 euros (7,40 ce jour), pour ne citer que ces deux.
    J’ajoute que ce profil de porteur, acheter des actions hors UE n’est une évidence, et même impossible dans le cadre d’un PEA.
    Cordialement.

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  • JP

    21 mai 2013

    Que penser de O. Delamarche qui annonce la République de Weimar au Japon et l’impossibilité de Bernanke a arrêter le QE de la FED sous peine de crash monumental ?

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    • Jean.Vandenbrande

      19 juillet 2013

      En ce qui concerne le Japon, je sais depuis plus de 30 ans que les chiffres économiques et financiers relatifs à ce pays sont incompréhensibles. Il vaut donc mieux s’abstenir de les commenter.
      De plus, leurs chiffres démographiques (compréhensibles ceux-là) indiquent qu’ils entrent dans un vieillissement accéléré. Il faut aussi comprendre que leur mentalité est xénophobe et rend difficile l’appui de jeunes immigrés d’autre pays.

      Conclusion : Quand le Japon dévalue sa monnaie, les effets bénéfiques de cette mesure peuvent améliorer les exportations pendant quelques années.
      D’autre part si les pays environnants qui constituent le « marché japonais » sont en difficulté, les exportations peuvent en souffrir énormément.
      Au total, sans se préoccuper outre mesure des chiffres japonais incompréhensibles, mais qui ne paraissent pas bons du tout, on constate que de toute manière leur situation, sur le moyen et long terme, est très mauvaise.

  • BA

    21 mai 2013

    D’abord, il y a la cause.

    La cause, c’est ça : les banques européennes ont dans leurs livres 1500 milliards d’euros d’actifs pourris. En clair : en Europe, il va y avoir une cascade de faillites bancaires.

    La BCE s’inquiète du poids des créances douteuses en zone euro.

    La Banque centrale européenne (BCE) s’inquiète de plus en plus de voir le poids des créances douteuses dans les portefeuilles de prêts des banques européennes entraver le redémarrage du crédit dans un contexte de priorité donnée au renforcement des fonds propres, selon plusieurs responsables de l’institution.

    Selon KPMG, les créances douteuses des banques européennes atteindraient près de 1.500 milliards d’euros, dont 600 milliards pour les seuls établissements britanniques, espagnols et irlandais.

    Ensuite, il y a la conséquence de ces faillites bancaires en Europe.

    La conséquence, c’est ça :

    Un projet européen prévoit de moins protéger les gros déposants.

    Un projet de législation européenne approuvé lundi par une commission du Parlement européen prévoit que l’épargne des petits déposants sera protégée à concurrence de 100.000 euros, tandis que les titulaires de comptes disposant de soldes supérieurs risqueront de devoir passer des pertes en cas de faillite bancaire.

    Ce projet fait écho à la solution retenue dans le dossier chypriote dans le cadre duquel les déposants les plus fortunés avaient été contraints d’accepter de passer des pertes pour éviter un naufrage du système bancaire local.

    Pour entrer en vigueur, ce projet doit encore être approuvé par les 27 ministres des Finances de l’Union européenne et par les Parlementaires européens.

    http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20130520.REU4530/un-projet-europeen-prevoit-de-moins-proteger-les-gros-deposants.html

    Des Chypriotes.

    Nous allons devenir des Chypriotes.

    Ce qui s’est passé à Chypre va être étendu à toute l’Europe.

    Répondre
  • Etienne M

    21 mai 2013

    Je me demande si vous ne trouverez pas une surperformance en Europe si vous enlevez en plus des financieres les « utilities » comme EDF/GDF/les allemandes E.ON etc., toutes massacrées suite aux interventions des gouvernements (tarifs sous les prix de revient, non remboursement du renouvelable, ventes forcée a bas prix de courant « nucléaire », sortie du nucléaire allemand) ? Elles ont souvent vu leur cours divisé par 3 ou 4 depuis 2008.

    Répondre
  • DrStefool

    20 mai 2013

    Oui au Royaume Uni: ARMH, CSR, LRD,

    En Amerique du Nord ne pas oublier le Canada, les banques Toronto Dominion (TSE:TD) Royal bank (TSE:RY) prochains resultats sortent fin mai debut juin me semble t il.

    Les valeurs en forte progression ces dernieres annees et mois, le fret ferroviaire, il y’a un gros probleme pour desenclaver le petrole de l’Alberta, les projets de pipeline sont bloques pour tout un tas de raisons ecolo-politiques… C’est tres enervant. Transcanada Corporation TSE:TRP, Enbridge, TSE:ENB … stagnent un peu…. Le petrole est transporte par le rail:

    Canadian National Railway: CNR
    Canadian Pacific: CP

    Un coup d’oeil sur les resultats: on est loin du fret SNCF. 🙂

    meme probleme pour desenclaver le petrole du bassin de Bakken dans le Dakota. Viser les ferroviaires.

    C’est un peu cher, bons dividendes, attendre que ca tombe a la faveur d’une catastrophe en Europe ou de la poursuite du ralentissement global et de la baisse de la demande…. Au plus fort de la crise ou a la reprise de la demande, en automne? ca devrait etre des investissements en beton. .

    Répondre
  • BOIS ANNE MARIE

    20 mai 2013

    Bonjour M.Gave,
    Vos écrits sont toujours très intéressants , n’ayez pas de crainte !J’ai appris tant de choses depuis que je vous lis !Merci de partager vos informations , votre savoir et vos convictions libérales.Merci aussi pour l’honnêteté intellectuelle
    dont fait preuve votre institut.
    Très cordialement.

    Répondre
  • roger duberger

    20 mai 2013

    Cher Mr Gave,
    Merci pour vos conseils.
    Entièrement d’accord avec vous. De plus le dollar US est sous évalué et sa remontée face à l’euro (ou ce qu’il en restera dans quelques années) ne fera que rajouter un effet multiplicateur à la bonne allocation d’actifs…
    Bien cordialement

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