11 juin, 2012

Le risque allemand est plus élevé que les marchés ne le pensent

La crise de l’Europe a franchi une nouvelle étape cette semaine avec le sauvetage des banques  espagnoles rendu nécessaire par le fait que le marché interbancaire ne fonctionnait plus et qu’elles n’avaient plus accès aux marchés financiers.  Les mesures qui ont été prises semblent comme d’habitude mal expliquées, compliquées (d’où viennent les fonds ESF, EFSF, MES … ?), mal adaptées, (le stock de dette existant sera-t-il transformé en dette subordonnée … ?) si bien qu’une fois passé l’effet d’annonce, les marchés pourraient se rendre compte que les mesures prises vont inciter le Portugal, l’Irlande et peut être l’Italie à demander les mêmes faveurs…Pour Charles Gave de GaveKal, ce qui est encore plus grave, c’est que la quasi-totalité de la classe politique et médiatique pense que le fédéralisme   (= l’Allemagne accepte d’être solidaire de la dette des pays membres) est la solution aux problèmes de l’Europe, alors que le vrai sujet  a toujours été et reste celui de la compétitivité des entreprises, sujet sur lequel aucun progtès n’est enregistré.

 En Allemagne,  une longue étude de Jonathan Carmel de Carmel Asset Management démontre que finalement le risque sur les actifs allemands est plus élevé que les marchés ne le pensent. Ce sont les établissements allemands qui sont les plus exposés à la dette espagnole (146,1Md€ contre 115 ,2 Md€ pour la France). La perte potentielle de l’Allemagne en cas d’éclatement de l’Euro s’élèverait à 1310Md€ se décomposant de la façon suivante : prêt effectué par la Bundesbank à la BCE 637Md€ ; quote part allemande dans le financement ESM/EFSF/EFSM 94Md€ ; perte des banques allemandes sur leur exposition aux dettes des pays de l’Europe du Sud 200Md€ ; baisse des exportations allemandes en Europe sur cinq ans 375Md€. L’étude conclut sur la recommandation d’achat de CDS, ce qui est difficile à réaliser pour un investisseur privé.

Aux Etats Unis,  la qualité du débat politique ne semble pas supérieure à celle du débat européen. Tel est l’avis d’Ethan Harris le co-responsable de la recherche économique chez Bank of America Merrill Lynch. Pour lui, le débat actuel devrait porter sur le compromis qui devra être passé entre démocrates et républicains sur le plan fiscal à la fin de l’année. Or, ce sujet n’est pratiquement pas du tout abordé, puisque tout le monde politico- médiatique, « drogué à la dette »  s’exprime de façon opaque.  Cela donne le résultat suivant :tout le problème est de savoir si on est dans un « softpatch » (=mesure conjoncturelle) qui nécessiterait une nouvelle opération « Twist »  (= rallonger la duration de la dette de la Fed) où si nous sommes dans un « downturn » (=fort ralentissement de l’économie) qui justifierait une opération « QE3 » (=injection de liquidités par la Banque Centrale qui était désignée plus simplement dans les livres d’économie par impression de monnaie sans contrepartie par la Banque Centrale). A force de s’exprimer de cette façon, il ne faudra pas s’étonner du développement de mouvements hostiles aux hommes politiques et aux banquiers. Ben Bernanke, président de la Federal Reserve,  n’a pas été explicite cette semaine sur ce qu’il ferait…

Marchés actions : la croissance n’est pas encore au rendez vous

 En France,  l’économie française a lâché prise au deuxième trimestre. Le gouvernement ne semble pas mesurer la gravité de la situation et semble être dans le déni de réalité. Pour le moment les espoirs de « croissance » de François Hollande ne trouvent pas beaucoup d’échos chez Angela Merkel. D’ailleurs, pour Eric Le Boucher des Echos, la relance seule de la croissance ne relancera pas L’Europe, car dans le meilleur des cas la croissance n’ajoutera pas plus de 0,2 point de PIB nous dit Patrick Artus de Natixis.  En  attendant,  en rétablissant partiellement la retraite à 60 ans, la France entame son crédit, car elle ne peut faire la leçon à ses voisins,  tout en étalant son laxisme. Il devient difficile de  demander aux allemands la mutualisation des dettes européennes sans s’astreindre à la rigueur la plus élémentaire. Pour le moment, la dégradation du moral des industriels a conduit la Banque de France à revoir en baisse ses prévisions pour la France. L’économie reculera de 0,1% en 2012.

Aux Etats Unis, le débat pour les élections présidentielles de novembre va être important pour le marché. Meryl Witner General Partner de Eagle Capital à New York pense que l’élection de Mitt Romney serait saluée par une hausse du marché. Mario Gabelli chairman de Gamco Investors à New York anticipe que la réélection de Barak Obama  provoquerait une baisse du marché. Finalement, Oscar Schaffer Managing Partner de OSS Capital à New York prétend que quelque soit celui qui sera élu, les deux camps finiront par s’entendre sur la diminution du déficit et provoqueront ainsi une hausse du marché. En attendant, chaque fois que l’on assiste à l’injection de liquidités (QE 1, QE 2 et probablement QE 3 bientôt…) les marchés actions montent, même pour de mauvaises raisons.  C’est pourquoi  Barry Knapp stratégiste de Barclays  estime que l’indice S&P 500 terminera l’année à 1330 soit un P/E de 12,9x sur un résultat des entreprises de l’indice  de 103$.

En Grèce,  Peter Oppenheimer stratégiste Europe de Goldman Sachs envisage trois hypothèses : 1/poursuite de la situation actuelle avec une Troika (Union Européenne, BCE et FMI) qui prend des mesures pour éviter la catastrophe tout en demandant un peu plus d’intégration. On gagne du temps ce qui entraine une diminution progressive de la prime dont bénéficient les Bons du Trésor US et les Bund allemands. 2/ Sortie rapide de la Grèce de l’Euro qui entraine une dislocation de l’Europe. C’est le scénario le plus négatif pour les actions. 3/ La Grèce est exclue progressivement de l’Euro. Elle est accompagnée par la Troika, ce qui est le scénario le plus favorable aux actions.

Sur les marchés émergents la guerre des acronymes continue. Jim O’Neill patron de Goldman Sachs Asset Management avait inventé les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Robert Ward de The Economist  préfère celui de CIVETS (Colombie, Indonésie, Vietnam, Afrique du Sud). Actuellement le thème qui rencontre le plus grand succès est celui du SWAG (= Silver, Wine, Art, Gold)…Mark Mobius le légendaire gérant de Franklin Templeton en charge de tous les marchés émergents était à Paris cette semaine pour faire le point. Il a expliqué notamment qu’il avait renforcé ses positions sur le Nigéria, le Kazakhstan et le Vietnam.

Secteurs :bonne semaine pour les banques françaises

Banques : Les banques ont fortement progressé la semaine dernère (BNP Paribas + 9,8% ; Société Générale + 9,7% ; Crédit Agricole + 9,3%)  Christophe Nijdam analyste financier chez Alphavalue vient de consacrer une étude aux Banques françaises pour décrire les conséquences de la séparation  des activités spéculatives et des banques commerciales sur le modèle du Glass Steagall Act américain). Si elle était mise en place cette mesure permettrait selon le bureau d’étude,  de doper la valeur boursière des banques françaises de 36%. La France compte 5 des 29 établissements susceptibles de présenter un risque systémique.

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

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