15 septembre, 2021

Le dollar et l’inflation sont les paramètres à surveiller en priorité

Deux questions se trouvent au centre de toute décision d’allocation d’actif : le dollar américain sera-t-il faible ou fort ? Entre l’inflation ou la désinflation quelle est celle qui prévaudra ?

Les perspectives macro économique nous indiquent aujourd’hui que :le dollar devrait être plus faible une fois que les investisseurs auront constaté l’infléchissement de la politique monétaire de la Fed et que les économies émergentes auront surmonté la pandémie ;

L’inflation américaine devrait rester au-dessus de 2 % alors que le marché du travail américain commence à se resserrer. Elle persistera mais sans accélération. Les marchés ont tendance à croire au scénario du pire alors que les économistes attendent un retour rapide à la normale. Le thème du pouvoir d’achat sera bien évidemment très présent dans toutes les campagnes électorales.

 

Les investisseurs devraient réduire leurs avoirs en actions et en bons du Trésor américains et privilégier les actifs non traditionnels anti-fragiles. La partie obligataire des portefeuilles devrait être détenue dans des pays où le coût du capital est encore en rapport avec les prix du marché, et investir la partie actions dans des sociétés multinationales diversifiées qui pourraient survivre à un retour au protectionnisme.

 

La divergence monétaire mondiale s’accroit.  Alors que les trois grandes économies du monde – les États-Unis, la zone euro et la Chine – se remettent à des vitesses différentes du choc du Covid, leurs trajectoires de politique monétaire divergent. Les États-Unis signalent qu’ils diminueront les achats d’actifs officiels. La zone euro envisage de maintenir des politiques ultra-accommodantes. La Chine, qui a conservé des paramètres relativement stricts au cours de la dernière année environ, entame maintenant un nouveau cycle d’assouplissement. En fait, nous arrivons à la fin prochaine de l’ordre monétaire instauré après-Seconde Guerre mondiale.

 

En Europe le risque politique augmente

 

Les actions européennes ont connu 10 mois étonnants. Depuis début novembre 2020, l’indice MSCI EMU a enregistré un rendement de 46%, surperformant même le MSCI US, qui a enregistré un rendement de 41%.

Les nouvelles commandes de la zone euro devraient ralentir. Le ralentissement de la croissance monétaire indique également un ralentissement des nouvelles commandes. Les coûts des intrants de fabrication augmentent et il est probable que les entreprises devront faire face à des masses salariales plus élevées au cours des prochains mois.

Les actions cycliques, semblent actuellement surachetées, et il vaut mieux privilégier les valeurs défensives. En pratique, cela signifie alléger les valeurs industrielles allemandes.

 

Le spectre d’une montée du risque politique européen se fait jour. Après un été plutôt calme la nature du risque politique en Europe a changé. En France, les sondages donnent pour le moment Emmanuel Macron gagnant au second tour contre Marine Le Pen, mais son avance dans les sondages s’est considérablement réduite. En Allemagne, la CDU au pouvoir aborde les élections de septembre avec un manifeste conservateur sur les questions fiscales.

 

En Allemagne les sondages indiquent désormais la course électorale la plus ouverte de l’histoire récente. Il est de plus en plus probable que le prochain gouvernement allemand sera une coalition tripartite, très probablement dirigée par le SPD. Si tel est le cas, cela pourrait avoir des conséquences importantes. Si le SPD est aux commandes, il faut s’attendre à un gouvernement plus expansionniste fiscalement et à un plus grand enthousiasme pour l’intégration en Europe. Le changement de politique ne sera pas toutefois révolutionnaire. De grands changements, tels que la suppression du frein à l’endettement ou la pérennisation du fonds de relance de l’UE, nécessiteraient des majorités des deux tiers dans les deux chambres du parlement allemand. Aucun gouvernement n’est susceptible d’obtenir un tel soutien.

 

La zone euro subit une rotation dans le leadership économique des biens aux services.  Alors que l’Europe revient vers quelque chose d’approchant de la normalité, l’Italie et l’Espagne ont progressé plus vite que l’Allemagne au deuxième trimestre. La croissance du secteur manufacturier allemand ralentit désormais tandis que la fréquentation du commerce de détail et des loisirs dans les plus grandes économies de la zone euro reprend. Cette rotation se poursuivra jusqu’au second semestre 2021. À mesure que la normalité reviendra, la croissance s’atténuera par rapport aux chiffres solides du deuxième trimestre, et le leadership économique de la zone euro continuera de passer de la fabrication aux services.

 

La Banque centrale européenne a relevé ses prévisions d’inflation et de croissance dans la zone euro, mais une inflation sous-jacente modeste permet à la BCE de se concentrer sur le maintien de la stabilité financière. La BCE achète effectivement toutes les obligations émises par les gouvernements de la zone euro. La BCE s’est donné la possibilité d’acheter jusqu’à 119% des émissions nettes des gouvernements. Au-delà de l’été, la BCE pourrait aller plus loin encore. Avec les partis de droite italiens, notamment les Fratelli d’Italia, très performants dans les sondages d’opinion, le marché pourrait bientôt commencer à envisager la possibilité que Mario Draghi soit remplacé au poste de Premier ministre par une figure plus eurosceptique. Si tel est le cas, la BCE pourrait encore décider d’acheter encore plus de dette pour comprimer le spread souverain italien

Aux États-Unis en revanche, l’inflation atteint un sommet en 13 ans de 5,0% au cours des 12 mois se terminant en mai.

 

Le moment est venu d’être plus prudent sur les actions américaines

 

Les images de diplomates américains se précipitant dans des avions à l’aéroport de Kaboul ont été très déstabilisantes. Pour les investisseurs, la question était de savoir quel était le parallèle historique le plus proche : « Saigon, Mossoul ou Suez ? »Les hélicoptères volants et les ambassades évacuées rappellent Saigon en 1975. L’ampleur de l’humiliation évoque la crise de Suez de 1956. Et les images des talibans défilant avec des chars et des pièces d’artillerie capturés aux américains rappellent la prise de Mossoul par Isis en 2014. Un tel spectacle obligera forcément le monde entier à remettre en question la valeur du parapluie de sécurité américain.  S’il s’agit d’un moment Suez, comme on peut le craindre, ce sera baissier pour le dollar américain. et haussier pour le renminbi.

 

Lorsqu’il arrivera, le « tapering » resserrera considérablement les conditions de liquidité mondiale. Jusqu’à présent, les marchés n’ont pas paniqué à l’idée que la Réserve fédérale réduise ses achats d’actifs. Le problème c’est que lorsque les liquidités se resserrent pendant les phases d’expansion économique, les marchés boursiers subissent plus de volatilité et des mouvements de baisse importants. De nombreuses valeurs, sur les thèmes des crypto-monnaies et des  « gagnants de Covid » se révéleront sans valeur.  Mais cela ne les empêchera pas d’être d’abord soumis à des spéculations insensées. La « vague tueuse » d’une bulle est souvent déclenchée par des valorisations stratosphériques.

 

La croissance économique américaine semblait encore assez bonne au deuxième trimestre de cette année. Dans les mois qui viennent, les perspectives passeront d’excellentes à simplement bonnes. En particulier, la hausse des coûts salariaux américains est appelée à devenir un vrai problème.

Les investisseurs en actions devraient donc alléger leur exposition aux entreprises dont la base de coûts est fortement liée aux niveaux de salaires américains.

Au total, les investisseurs devraient favoriser modérément les actions américaines, privilégier les valeurs défensives par rapport aux valeurs cycliques.  Préférer les valeurs value plutôt que les valeurs de  croissance.

 

Les actions chinoises risquent de sous-performer en 2021

 

L’été a été chargé pour les observateurs chinois, avec des changements rapides dans les risques sous-jacents. Dans cet esprit. 1/ L’économie chinoise continue de ralentir, en partie à cause de la politique « zéro Covid » du Parti Communiste.2/ La décision du gouvernement chinois d’imposer un cadre réglementaire plus strict au secteur Internet en pleine croissance. Cela a eu pour conséquence que au cours des six derniers mois, les actions chinoises (mesurées par le MSCI China) ont sous-performé les actions américaines de près de -40%. Les décideurs politiques chinois gèrent le ralentissement avec un assouplissement monétaire (et peut-être budgétaire). Malgré le drame Evergrande  le niveau de faillites actuellement escompté par le marché chinois de la dette à haut rendement est peu susceptible de se produire. Le deuxième promoteur immobilier chinois a bénéficié d’un sursis. Le gouvernement cherche désormais à canaliser moins de ressources dans l’immobilier, et la collecte de fonds pour les développeurs est désormais limitée. Les promoteurs, désormais dépendants des flux de trésorerie provenant des ventes de logements, maintiennent les prix bas. Tant que les développeurs parviennent à se désendetter et à garder les prix sous contrôle, ils peuvent probablement rester en activité

 

La pression sur les prix est limitée dans l’ensemble de l’économie industrielle chinoise. Les hausses de prix sont concentrées dans le complexe des matières premières. Les décideurs chinois ne prennent aucun risque et utilisent des moyens administratifs pour supprimer les pressions sur les prix.

 

 

« Les actions chinoises risquent de sous-performer en 2021 ». Avec une politique plus stricte pesant sur le cycle domestique, et une pression réglementaire sur la croissance et les marges des entreprises Internet de haut vol, à la fois onshore et offshore, ce ne sont pas des conditions qui plaident en faveur d’un nouveau marché haussier. Heureusement, les autorités se sont opposées à la spéculation sur les crypto-monnaies et les matières premières il y a quelques semaines, ce qui a eu pour conséquence que les investisseurs se sont réorientés vers les actions, redynamisant un marché moribond depuis mars.

 

Au Japon le Yen est devenu attractif

 

Le yen est un  actif antifragile » Au cours des 12 derniers mois, la devise la plus performante au monde a été le renminbi, avec un rendement de 10,6 % par rapport au dollar américain. Le deuxième meilleur a été la livre sterling, en hausse de 6 %. Le pire a été le yen, qui est en baisse de -4%. Le yen est probablement aujourd’huinla devise la plus attractive au monde. Les entreprises japonaises sont assises sur une montagne de liquidités. Le yen est bon marché en parité de pouvoir d’achat. Lorsqu’une crise survient et que le VIX monte, le yen japonais aussi.

Il y a un an les investisseurs qui voulaient construire une couverture pour leur exposition aux actions ont dû changer de stratégie. Pour la partie défensive de leurs portefeuilles il fallait cesser d’utiliser les obligations longues américaines. Au lieu de cela, ils devaient utiliser des TIPS américains de durée moyenne, des obligations du gouvernement chinois à 10 ans, des liquidités en devises asiatiques émergentes (le dollar de Taïwan, le dollar de Singapour, le baht thaïlandais, le won coréen et le peso philippin), plus le renminbi et l’or . Sur les 12 derniers mois, ce portefeuille défensif est en hausse de 10% (tandis que le 10 ans US est en baisse de -4,8%). Aujourd’hui, les investisseurs devraient sortir des TIPS (qui ont tendance à baisser lorsque le VIX passe au-dessus de 27) et utiliser le produit pour constituer des positions de trésorerie en yen, ce qui, offre un rendement attendu plus élevé à moindre risque.

 

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

1 Commentaire

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  • Aljosha

    17 septembre 2021

    Bonjour,
    C’est quoi les TIPS ?

    Répondre

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