28 janvier, 2014

Le consensus optimiste des investisseurs commence à craquer

La dose de drogue monétaire qui a été utilisée depuis le début de la crise par les banques centrales pour essayer de réanimer l’économie mondiale commence à poser problème. Après avoir soigné la dette par de la dette, personne n’a de mode d’emploi pour sortir de ce cercle vicieux. Depuis le début de l’année, le consensus était que la Fed allait réussir sa sortie en douceur grâce à sa politique de « tapering » (=diminution progressive de ses achats sur les marchés de valeurs du Trésor US et d’actifs hypothécaire). Aujourd’hui les marchés commencent à douter…

 

Les classes d’actif  qui ont profité de la situation cette semaine, sont l’or (1272$ au plus haut depuis deux mois et demi), les obligations US longues et les Bund allemands.

La volatilité sur les actions US se retrouve à 17, son niveau le plus élevé depuis le mois d’octobre dernier. Comme le fait remarquer Charles Gave de GaveKal, l’obligation zero coupon à 30 ans a réalisé une performance supérieure à celle de l’or depuis le début des opérations de « tapering » menées par la Federal Reserve américaine.

 

Les aficionados des Vagues d’Eliott (=théorie chartiste qui analyse les évolutions longues des marchés)  qui prévoient un krach depuis 2011, ont resurgi cette semaine. Jeffrey Grundlach manager du Total Return Fund est très clair : il anticipe un recul du marché américain qui devrait selon lui se situer entre 35 et 50%

Le thème d’investissement qui résiste bien pour le moment est celui des sociétés qui rachètent régulièrement leurs propres titres en bourse

 

Les inquiétudes sur la Chine

 

En Chine, le défaut d’un Wealth Management Product (WMP) émis par China Credit Trust en faveur de la mine de charbon Shanxi, non cotée et distribué par ICBC ressemblait beaucoup depuis de nombreux mois à la version chinoise du système de Ponzi. Il sera très intéressant de voir comment les autorités chinoises traiteront le problème : renflouement général ou pertes subies par les souscripteurs…

Les chiffres qui sont sortis la semaine dernière ont déçu.L’indice PMI a brusquement chuté à 49,6 contre 50,5 le mois précédent.  Le marché chinois reste plus que jamais très compliqué et difficile à décrypter.

 

 

Le brusque décrochage du Peso argentin déclenche une panique

 

Dans les pays émergents,  en baisse de 5,3% depuis le début de l’année,  on se serait cru dans une répétition de 1997 qui est celle de la crise asiatique qui avait débuté avec un plongeon du Bhat thailandais. Les devises de l’Argentine  et de la Turquie ont baissé respectivement de 14,8% et 13, 8% dans la semaine.

Pour Neil Shearing Chief Economist de Capital Economics, les pays les plus vulnérables sont ceux qui ont été les plus mal gérés l’Argentine, l’Ukraine et le Venezuela. Ensuite il y a une série de pays qui ont connu une forte progression du crédit et enregistrent un important déficit courant : Turquie, Afrique du sud, Indonésie, Thailande, Chili et Pérou. Le troisième groupe comprend les pays de l’Europe de l’Est : Hongrie et Roumanie qui sont vulnérables au « tapering » de la Fed. Viennent ensuite le Brésil, l’Inde, La Russie et la Chine qui ont tous des problèmes internes à résoudre. Le dernier groupe est constitué par la Corée du sud, les Philippines et le Mexique qui sont en mesure de profiter de toute reprise de la demande mondiale.

 

En Europe, en baisse de 3,2% sur la semaine. Ce sont les cycliques, les financières et les valeurs technologiques qui ont le plus reculé.   La convalescence va être longue car la croissance est faible, le chômage va rester durablement élevé et le péril déflationniste guette.  Comme l’a dit à Davos Christine Lagarde Directrice Générale du FMI, « l’ogre de la déflation est le principal risque pesant sur la reprise européenne ». D’ailleurs, 20% des composants de l’indice Eurozone CPI Inflation  sont maintenant en déclin en moyenne de 2,2% sur un an.

 

En Italie, l’écart de rendement entre les obligations italiennes à 5 ans et les obligations allemandes a encore baissé de 23 points de base à 158 points de base. Comme en Espagne, les pays de l’Europe du Sud peuvent maintenant avoir de nouveau accès aux marchés pour leur financement. C’est une bonne nouvelle.

 

En France, le pari perdu de François Hollande sur l’inversion de la courbe du chômage n’a surpris personne. Cela fait 37 ans que les contrats aidés quelle que soit leur appellation sont sans effet sur le chômage.  La très longue liste mérite d’être rappelée : 1977 Pacte National pour l’Emploi de Raymond Barre ; 1983 Stage d’Insertion à la Vie Professionnelle de Pierre Mauroy ; 1984 Travaux d’utilité collective (TUC) de Laurent Fabius ; 1989 Contrat Emploi Solidarité de Michel Rocard ; 1992 Contrat Emploi Consolidé de Pierre Bérégovoy ; 1993 Contrat d’Insertion Professionnelle de Edouard Balladur ; 1995 Contrat Initiative Emploi de Jacques Chirac ; 1997 Emplois Jeunes de Lionel Jospin ; 2002 Contrats Jeunes en Entreprise et d’insertion de Jean Pierre Raffarin ; 2006 Contrats Première Embauche ; 2010 Contrat Unique d’Insertion de François Fillon ; 2012 Emplois d’Avenir de Jean Marc Ayrault. Dans n’importe quelle entreprise quand un dispositif n’a pas  fonctionné plusieurs fois de suite, on évite de l’utiliser ….

 

Cette situation très triste n’empêche pas certains députés de se concentrer sur les sujets importants. Brigitte Allain député Europe Ecologie Les Verts a demandé que l’on supprime l’expression « bon père de famille » de tous les textes législatifs en vigueur. Ce serait une « expression discriminatoire, survivance inadmissible d’une société patriarcale…. ». Avec un tel totalitarisme linguistique, il faut probablement s’attendre bientôt à la suppression de tous les textes de la notion de « langue maternelle…. »

 

Heureusement les 150 députés qui adhèrent à Génération Entreprises Entrepreneurs Associés (GEEA)  présidé par Olivier Dassault, rare chef d’entreprise à occuper les bancs de l’Assemblée Nationale, continuent de travailler pour organiser  en France « Un big bang économique fiscal et culturel ». On a pu constater au cours de la réunion organisée la semaine dernière que Pierre Gattaz président du Medef entendait bien redonner la parole aux entrepreneurs et que après les mots, les pactes, les assises, il y avait urgence à prendre  rapidement les mesures pour aider les entreprises à sortir de la crise…

 

 

Les investisseurs aiment moins les marchés émergents

 

Tous les investisseurs regardent le degré d’exposition de chaque société aux marchés émergents. Ce qui était très à la mode ne l’est plus. En ce qui concerne les marchés ceux qui sont les plus exposés sont les sociétés de l’indice IBEX en Espagne (22%), de l’indice AEX aux Pays Bas (22%) du FTSE 100 en Grande Bretagne. Les valeurs de l’indice CAC 40 ne sont exposées qu’à hauteur de 8% aux marchés émergents.

 

En Inde, les élections auront lieu à la fin du mois de mai. La victoire de Narenda Modi à la tête du BJP serait une bonne nouvelle mais  le AAP populiste réalise encore un scorte élevé dans les sondages.

 

Le consensus pour Chris Wood stratégiste de CLSA à Hong Kong est sous pondérer les marchés émergents et de continuer à surpondérer l’Europe et le Japon.

 

Au Japon en baisse de 1,9% sur la semaine. Les secteurs les plus touchés ont été ceux de l’assurance et de l’immobilier. Celui qui a réalisé la meilleure performance est le transport maritime qui profite de la baisse du yen.

 

 

 

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

9 Commentaires

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  • BA

    4 février 2014

    Depuis plusieurs années, l’économie mondiale était en lévitation.

    Depuis plusieurs années, l’économie mondiale montait haut, très haut dans le ciel, car elle reposait sur … le kérosène fourni par les banques centrales.

    Les banques centrales étaient devenues des distributeurs automatiques de kérosène.

    Mais aujourd’hui, les banques centrales arrêtent de distribuer le kérosène.

    Et donc notre avion va reprendre contact avec le sol.

    Notre avion a commencé sa descente.

    Mardi 4 février 2014 :

    La Bourse de Tokyo chute de 3% peu après l’ouverture.

    La Bourse de Tokyo chutait mardi peu après l’ouverture, victime d’une inquiétude généralisée pour l’économie américaine, la zone euro et les pays émergents.

    Les opérateurs suivaient le mouvement de baisse poursuivi lundi à Wall Street, où le Dow Jones a perdu 2,07%, après avoir enregistré en janvier son pire mois depuis mai 2012, et son pire début d’année depuis 2009.

    A Tokyo comme à New York, les investisseurs ont mal pris la publication lundi de deux indicateurs manufacturiers décevants dans les deux premières économies mondiales, aux Etats-Unis et en Chine. Cette mauvaise nouvelle a alourdi davantage un climat déjà anxiogène, où les craintes de déflation pour la zone euro s’ajoutent aux turbulences dans les marchés émergents.

    http://i10.servimg.com/u/f10/11/06/56/21/m17v10.jpg

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  • Michel_C

    30 janvier 2014

    Merci pour ce point et, d’une manière générale, pour prendre le temps de nous donner des informations régulièrement.

    Et jolie liste des « réformes » contrats aidés. Le fameux CPE, à la limite, n’était pas si stupide à côté des contrats aidés actuels. Ce qui a été stupide, c’est d’avoir tout laissé tomber à cause de manifestations estudiantines manipulées par la LCR…

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  • BA

    29 janvier 2014

    Turquie, Inde, Indonésie, Afrique du Sud, Brésil : les « fragile five » déclenchent un cyclone financier.

    Les « fragile five » relèvent leurs taux directeurs les uns après les autres : Inde, puis Turquie, et maintenant l’Afrique du sud.

    Ces « fragile five » sont en train d’entraîner toute la planète dans leur chute.

    Mardi 28 janvier 2014 :

    Inde : hausse du taux directeur de la Banque centrale de 0,25 point, à 8%.

    Mercredi 29 janvier 2014 :

    Turquie : la banque centrale augmente ses taux pour sauver la livre.

    Lors d’une réunion d’urgence de son comité de politique monétaire, la banque centrale de Turquie a procédé à un changement complet de stratégie et annoncé une augmentation de son taux au jour le jour, qui passe de 7,75 à 12%, et de son taux hebdomadaire repo, poussé de 4,4 à 10%.

    Vers 14h23 :

    Afrique du Sud : la banque centrale relève ses taux d’intérêt pour soutenir le rand.

    http://www.romandie.com/news/n/_ALERTE___Afrique_du_Sud_la_banque_centrale_releve_ses_taux_d_interet_pour_soutenir_le_rand65290120141424.asp

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    • Homo-Orcus

      3 février 2014

      @ BA
      La Grèce sous pression

      « Selon Der Spiegel, le ministère allemand des Finances plancherait sur un 3e plan d’aide destiné à la Grèce, avant les élections européennes du mois de mai. Les hypothèses de travail seraient d’une part une nouvelle décote sur la dette, mais qui toucherait essentiellement les créanciers publics, principaux détenteurs de la dette grecque et d’autre part un « programme supplémentaire limité », avec de l’argent frais provenant des fonds de secours européens. Athènes aurait besoin d’une enveloppe représentant 10 à 20mrds d’euros. En Allemagne, un porte-parole du ministère a démenti le scénario d’un ‘haircut’ sur la dette. »

  • Poutine7

    29 janvier 2014

    Bonjour,
    Merci pour ce point toujours éclairant.

    J’observe aussi que Gazprom est bien orientée malgré la crise ukrainienne, la concurrence des gaz de schiste.

    Les « commodités » seraient-elles de retour ?

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  • LaurentenProvence

    28 janvier 2014

    Merci monsieur pour ce remarquable tour d’horizon de la situation économique mondiale. Certes peu engageant mais que pouvions nous espérer dans le contexte actuel et avec les politiques en place ?
    Si nos dirigeants lisaient IDL, nous n’en serions certainement pas là

    Répondre
  • Mathias CORVIN

    28 janvier 2014

    Dans notre beau Pays les administrations n’ont plus d’indiens !! il n’y a plus
    que des grands chefs emplumés …………..à l’inflation statutaire colle bien
    évidemment l’inflation des rémunérations……des primes et des retraites !!!
    Chapeau,qu’ils disent pour le grand patronat…………..oublieux qu’ils sont de
    leurs errements………..et il n’y a pas que les câdres de DEXIA pour se
    goinfrer d’augmentations ,de primes et autres avantages extraordinaires !!

    Autant dire qu’avec la promesse de hollande et son gang , de ne pas
    toucher aux traitements des fonctionnaires ,dans l’effort énorme qui est
    demandé aux ménages,aux retraités et aux Entreprises ,pour redresser
    les comptes de la Nation et participer à un « plan de responsabilisation
    TROMPEUR »…………..les chances réelle d’un succés,sont NULLE !!!

    Comment 45 % des travailleurs ressortants du régime PRIVE vont ils
    pouvoir continuer à remorquer 55 % d’employés de la fonction PUBLIQUE ???

    Comment un PAYS en voie de paupérisation va il pouvoir remorquer nos
    innombrables cas sociaux………et l’immigration impotante subventionnée
    qui campe dans nos villes et nos villages ???

    Comment continuer à servir de généreuses prestations sociales à une
    population de remplacement,chaque jour plus nombreuse à exiger des
    droits INDUS pour les-quels elle n’a jamais cotisé…….????

    Hollande et son gang sont des illusionnistes sectaires et malfaisants !!!!

    Bien à vous

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    • jeflethor

      3 février 2014

      Oui bonne question, le seul problème c’est que cela fait à peu près 40 ans que tous les élus, de toutes les couleurs politiques ont reculé pour affronter les problèmes , soit par clientélisme, soit par peur, soit pour des raisons électoralistes…. Avec les résultats que l’on voit maintenant, un pays qui a une économie encore puissante, mais qui favorise le ressentiment de chacun envers l’autre, et cette paupérisation qui gagne maintenant du terrain à toute vitesse …..Ou de moins en moins de monde se retrouve car il n’y a pas de projet ni de vision d’avenir, et l’ascenseur social fonctionne uniquement pour quelques castes privilégiées ou en partant exercer ses talents à l’étranger. Alors à quand un vrai chef d’Etat qui aura s’opposer à tous ces profiteurs et qui aura le cran de briser tous nos carcans ?

  • Amellal Ibrahim

    28 janvier 2014

    Bonjour,

    est-ce dû à une annonce possible de tapering de la FED, où bien les marchés ont mangé leur pain blanc ?

    Répondre

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