28 octobre, 2024

Le bêtisier que l’on enseigne à l’ENA

Première Idée STUPIDE.

La France va mal, très mal.
Et beaucoup de lecteurs me demandent pourquoi ?
En bonne logique Aristotélicienne, il faut d’abord établir les faits, puis essayer de séparer les causes des conséquences et enfin agir sur les causes pour essayer de modifier les conséquences.
Eh bien, ce n’est pas ce qui était au programme dans leur école où ils ont appris par cœur un certain nombre de postulats, qu’ils répètent à l’infini pour justifier leurs actions et ces postulats sont tous faux.
Ce qui mène la France de désastre en désastre, sans que jamais les postulats de départ ne soient remis en cause.
Dans les semaines qui viennent, je vais m’attacher à démonter toutes ces idioties les unes après les autres, et cette semaine je vais commencer avec l’idée la plus stupide de toutes, que voici.

Les taux d’intérêts bas favorisent la croissance.

Une première remarque s’impose : Les taux d’intérêts « bas « sont sans doute aucun des faux prix.
Il faut être bête comme un âne qui recule pour penser que des faux prix peuvent amener à des résultats favorables.
Leur logique semble être la suivante : des taux d’intérêts bas vont inciter les entrepreneurs à emprunter pour développer leurs capacités de production, et nous allons donc avoir une forte hausse de la productivité du travail grâce à l’approfondissement capitalistique qui va se produire 1 .
Il faut stimuler l’agressivité naturelle des entrepreneurs (animal spirit) disait Keynes qui n’a pas
dit que des bêtises. Il en a écrit beaucoup aussi.

Voilà une thèse qui est facile à vérifier en prenant l’exemple des Etats-Unis sur les cinquante
dernières années.

 

 

La ligne rouge représente l’évolution annuelle moyenne sur 7 ans de la productivité du travail aux USA depuis 1972, tandis que les hachurages verts représentent les périodes ou le rendement réel sur les bons du trésor à 3 mois (c’est-à-dire déduction faite de l’inflation) étaient négatifs.

Et donc les périodes vertes sont certainement des moments pendant lesquels les taux étaient « bas » puisque celui qui prêtait voyait son capital disparaitre à vue d’œil.

Ces périodes vertes ont donc dû connaitre des fortes hausses de la productivité du travail ?

Point du tout, la productivité pendant ces périodes s’est effondrée à chaque fois et je peux montrer le même graphique pour de nombreux autres pays avec le même résultat : des taux « bas » amènent toujours et partout à un effondrement de la productivité et c’est non seulement tout à fait compréhensible mais parfaitement expliqué par un économiste Suédois, Wicksell au début du XXème siecle.

Dans la réalité, quand les taux sont normaux la productivité monte, quand les taux sont bas, elle baisse. Il se passe exactement le contraire de ce à quoi ils s’attendaient.

Et pourtant, tous les économistes vaguement compétents savent depuis un siècle au moins que des taux trop bas amènent naturellement à un effondrement de la croissance.

Hélas, cette information vieille de cent ans au moins n’a pas encore pénétré le cerveau de ceux qui nous gouvernent. Ce qui confirme qu’ils ne devraient en aucun cas nous gouverner.

Que dit Wicksell ?

Ce cher Knut (c’était son prénom) nous explique que le taux « de marché », celui déterminé par la banque centrale, doit être le plus proche possible de ce qu’il appelle le taux naturel et qui n’est autre que la rentabilité marginale d’une unité de capital de plus.

 Ci-dessous le lecteur trouvera l’explication de ce qui semble être un propos un peu sibyllin.

Imaginez que la rentabilité espérée d’une machine de plus dans votre usine soit de 5 % par an. Si les taux d’intérêts sont à 6 %, vous ne l’achetez pas. Mais, à 5 % vous l’achetez, de peur que vos concurrents ne l’achètent, deviennent plus compétitifs et ne vous mettent en faillite.

Et donc, l’épargne disponible sera investie uniquement dans des outils de production nouveaux, nous aurons un approfondissement capitalistique, la productivité du travail montera et avec elle les salaires des ouvriers et tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Imaginons maintenant que le banquier central ait fait l’ENA et pire encore qu’il ait fini son école dans les premiers et que donc il soit inspecteur des finances, c’est-à-dire parmi ceux qui ont le mieux appris toutes les idioties que l’on enseigne dans cette école.

Notre gouverneur, pour « favoriser la croissance » va mettre les taux à 1 % par exemple, alors que la rentabilité marginale du capital dans l’économie française est à 5 %.

Que va-t-il se passer ?

Avec mon usine, je gagne du 5 % sur mon capital, mais mon principal concurrent ne gagne que 3 % sur le sien parce qu’il traite trop bien ses ouvriers qui, du coup, sont trop payés …

Je me précipite à ma banque, j’emprunte à 1 %, je me retourne pour faire une OPA sur mon concurrent, je ferme son usine, je vire tous ses employés, j’augmente mes prix et la valeur de mon capital explose à la hausse grâce à mon cours de bourse qui s’envole[1].

J’ai réduit mon risque massivement. je me suis enrichi prodigieusement, mais il n’y a eu aucun approfondissement capitalistique, les riches sont devenus plus riches et les ouvriers plus pauvres, mes anciens ouvriers n’osant pas demander des augmentations tant ils craignent d’être virés pour être remplacés par les anciens ouvriers de mon concurrent qui sont au chômage…

Parallèlement, avec des taux d’intérêts à 1 %, l’incitation à épargner est très faible et donc l’épargne baisse structurellement.

Or, dans un pays, l’épargne est toujours égale à l’investissement sur le long terme.

C’est la fameuse identité I=S

Et donc l’investissement baisse, et avec lui, le taux de croissance structurel du pays. Le chômage augmente, le déficit budgétaire se creuse, les impôts montent pour boucher les trous du budget, ce qui ne fait que monter le poids de l’Etat dans l’économie, ce qui fait baisser la rentabilité du capital et on repart pour un tour…

Et tout le monde s’appauvrit.

 

 

 

 

 

1 Ils sont idiots et ne le savent pas, mais en plus pensent que les entrepreneurs le sont alors qu’ils sont
tout sauf idiots.
Quel entrepreneur va acheter des machines s’il sait que tout le monde en achète en même temps que
Il va faire monter son cash dans ses livres pour acheter à la barre du tribunal de commerce ceux qui ont
surinvestis, quand les idiots parmi eux auront fait faillite.
Être un entrepreneur, c’est vivre dans un monde Darwinien, les idiots disparaissent
Être un énarque, c’est être un diplodocus a la cervelle minuscule.
Nous sommes gouvernés par des dinosaures.

 

[2] C’est ce que font les sociétés de capital risque qui n’existent que parce que les taux sont trop bas. Avec des taux normaux, tous ces vampires disparaitraient instantanément.

 

 

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

22 Commentaires

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  • Nanker

    3 novembre 2024

    « Il faut stimuler l’agressivité naturelle des entrepreneurs (animal spirit) disait Keynes qui n’a pas dit que des bêtises. Il en a écrit beaucoup aussi ».

    Ayons au passage une pensée pour son épigone le plus célèbre en France : Bernard Maris alias Oncle Bernard.
    Ce qui me laisse croire que nos futurs énarques lisent « Charlie » en cachette, aux cabinets (vous savez le côté rebelle anticonformiste de ces types « nan! On est pas dans le moule!! »)

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  • Alain

    3 novembre 2024

    Les politiques n’en sont plus là depuis longtemps. Ils savent que les citoyens veulent toujours plus d’intervention de l’état et donc plus de dépenses et d’allocations, pour continuer dans cette voie ils doivent toujours emprunter plus ce qui nécessite des taux bas. L’impact sur l’économie, ils n’en ont rien à cirer !

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  • ThomasLDN

    31 octobre 2024

    Il faut bien faire attentions entre les causes et les conséquences.
    Es ce les taux bas qui freinent la croissance ou as t’on des taux bas car la croissance est faible ?
    Je pense que les deux phénomènes sont trop liés pour pouvoir en tirer une conclusion.
    Je dirais plutôt des taxes faibles (et donc des dépenses de l’état réduites) et la déréglementation amène la croissance. L’inverse de ce qui a été fait depuis 40 ans.
    Il suffit de regarder le meilleur élève de l’Europe comme l’Irlande pour s’en convaincre.
    Mr Gave peut être une comparaison France Irlande serai intéressante ?

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  • Jacques B.

    31 octobre 2024

    Encore une fois, mon commentaire ne passe pas… c’est presque à chaque fois désormais.

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  • Jacques B.

    31 octobre 2024

    Bonjour,
    Ce mot juste pour dire à M. Gave que je le félicite pour son analyse sur le conflit israélo-palestinien, délivrée lors de son dernier « daily d’opinion » sur YouTube.
    Vous êtes très bien informé, et vous êtes doté d’un solide bon sens (et sens de la justice) qui vous fait honneur. Il en faut pour aller à contre-courant de l’opinion dominante en la matière dans le monde francophone… comme le disent certains, la France couchée n’aime pas voir Israël, l’État juif, debout – relents évidents d’antisémitisme.
    Les commentaires sous la vidéo YT en question vous sont très défavorables, c’en est affligeant. L’ignorance et la jalousie sont des fléaux !
    Non, Israël n’est pas un État colonisateur : ce sont les Arabes qui le sont, et cela depuis le 7ème siècle. Israël revient juste dans son pays, minuscule, et ceux qui lui dénient ce droit sont indécents quand on sait les millions de km2 conquis sabre au clair par les Arabo-musulmans au cours de l’Histoire. Le Temple de Jérusalem a précédé la mosquée d’Omar, et non l’inverse.
    En tout cas, merci et bravo pour votre analyse.

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  • pythagore

    31 octobre 2024

    certains pensent que les agences de notation vont finir par nous punir et que nos préteurs vont faire exploser les taux d’intérêts … je pensent qu’il n’en sera rien car ils savent que (tous) nos gouvernants sont accrocs à la dette car ils ne savent pas résoudre les problèmes du pays sans y recourir … ils vont tout simplement profiter de la situation en nous soumettant à des taux d’intérêts très confortables pour eux (car ils savent que nous sommes un pays riche et qui recouvre très bien l’impôt) mais laissant le soin à nos gouvernants de plumer l’oie sans qu’elle ne crie trop … le top étant d’être un préteur étranger ( les français préteurs sont soumis à la double peine) …

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  • Mathieu

    30 octobre 2024

    Bonjour Charles,

    Merci pour cet article, comment expliquez-vous que la Suisse maintient des taux d’intérêts aussi faibles, avec les conséquences que vous énoncez, la Banque Suisse devrait les remonter dans les mois qui viennent ?

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  • EM

    30 octobre 2024

    100% d’accord. Et c’est sans même parler des effets de bords négatifs. E.g. un effet catastrophique des taux d’intérêt bas c’est la hausse des prix de l’immobilier, qui provoque une hausse du coût du travail (il faut bien que les gens se logent) et rend le pays moins compétitif.

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  • Woiliwoilou

    30 octobre 2024

    il y a quand même un point sur lequel ils ont évolué, si si : l’immobilier ! avant on disait quand le bâtiment va tout va et on faisait tout pour que la bâtiment aille bien. Macron n’aime pas les gens des arbres, et du coup il a préféré développer le logement social pour tous (permettant à certains élus locaux et autres commissions de se doter du pouvoir d’attribuer les logements en fonction de… ) et tout ça au détriment du secteur privé de la promotion immobilière. Enfin pas tout à fait, puisqu’il a aussi créé les conditions pour que les bailleurs ne puissent plus construire eux mêmes et qu’ils sous traitent aux promoteurs nationaux, les copains des copains… Alors certes, le papy boom va libérer beaucoup de logements, mais ces logements souvent à la campagne profonde ne sont pas toujours à proximité des centres d’activité, certes les montages de défiscalisation et d’aides à la rénovation thermique ont complètement déréglé les prix (des vendeurs de terrains ou de maisons à rénover, aux artisans, tous ont augmenté leurs tarifs pour profiter des aides de l’état…), mais ils avaient l’avantage de susciter la production et la rénovation là où le besoin était important et de manière rapide et massive (et accessoirement l’argent coulait vers ceux qui produisaient et embauchaient). Macron a fait le pari de réorienter l’argent de l’investissement immobilier vers la réindustrialisation du Pays et les travailleurs du bâtiment vers les usines. Sauf que le pire des abrutis aurait compris que les usines ne sont pas à proximité des logements, et que les ouvriers des usines ne sont plus les ouvriers d’autrefois et qu’ils ont besoin de plus de qualifications que les ouvriers du bâtiment. Mais bon… y a qu’à le vouloir, y rêver et serrer fortement les fesses ! surtout bien serrer les fesses car notre empereur nous la glisse déjà entre… visiblement Macron et ses copains aiment cela, en France, en Allemagne et ailleurs en Europe…

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  • Axel de Paillerets

    30 octobre 2024

    Bonjour Charles,
    J’ai une question sur l’explication de en quoi les taux bas sont mauvais pour l’économie. Dans le cas taux bas à 1%, j’emprunte et je supprime mon concurrent sans approfondissement capitalistique.
    Dans le cas avec des taux à 5%, mon concurrent avec sa rentabilité à 3% devrait vendre son usine, et tout réinvestir dans des bonds ?
    On retombe donc dans une situation ou potentiellement il n’y a pas besoin de réinvestir dans une machine performante. On peut le dire autrement, dans les 2 cas taux à 1% ou 5%, il n’est pas necessaire mais possible d’acheter la nouvelle machine.
    C’est encore flou pour moi, merci d’avance pour vos explications

    Répondre
  • Bilibin

    29 octobre 2024

    Comment se débarrasse-t-on de bêtises qui ont été faites il y a 40 ans voire 80 ans et dont personne ne se sent responsable politiquement? On ne parle que de l’immédiat et de l’instantané, il n’y a aucun recul, aucun examen a posteriori (telle mesure a-t-elle eu l’effet escompté?), aucune remise en question.
    Je pense que le seul moyen c’est que la réalité devienne si terrible que le changement devienne inévitable, mais nous allons sans doute tomber très bas avant que ça arrive (un peu comme l’Argentine).

    Répondre
    • Patrice Pimoulle

      1 novembre 2024

      Ace stde, nous sortons de la politique pour entrere dans la sorcellerie et le fetichisne, C’est le priblrmr, hrlas insoluble d ela France de notre temps. Feureusement, noud avons eu el changement: enfin, on respire.

  • FP37

    29 octobre 2024

    Le graphique qui correspond à la réalité est d’une remarquable clarté mais je ne sais pas si les taux sont la cause ou la conséquence des améliorations de productivité.
    Je crois ces dernières principalement dues aux évolutions des techniques et des organisations. C’est ce que j’ai vécu à la direction d’une société de 1971 à 2010.

    Dans les années 70 la France importait de la main d’œuvre tandis que le Japon arrivait à produire ses voitures avec moins de temps humain et un autre design. Résultat : leurs voitures ont envahi le monde.
    Durant ces mêmes années l’industrie française a été achetée principalement par les Allemands qui ont effectivement fermé les centres de production français. Les dirigeants des acquéreurs « en voulaient » plus que ceux des vendeurs.
    Et, pendant ce temps là, la France recommandait aux uns et aux autres « d’avoir des idées ».

    Dans les années 80-90 se sont développées les entreprises qui ont utilisé l’informatique.

    Aujourd’hui les réglementations écologiques font monter les prix des voitures et des maisons. Réduire les taux offrent aux acquéreurs des mensualités de crédit qui augmentent moins.

    En conclusion je suis totalement de votre avis concernant Aristote et ceux qui nous gouvernent.

    Répondre
  • Stephane

    29 octobre 2024

    Bonjour
    Allons, allons, me Gave vous le savez très bien, les insultes sont les armes des manipulateurs pour se donner du crédit…. je m’attendais à beaucoup mieux que cela venant de vous.

    Répondre
  • Similien Gougeon

    28 octobre 2024

    N’importe quel adolescent pas idiot, muni des articles de Charles Gave et de chatGPT saurais mieux faire que nos énarques

    Répondre
    • Charles HEYD

      28 octobre 2024

      Ah bon, chatGPT ce n’est pas l’ENA?

    • Steph

      29 octobre 2024

      Ouahh c’est dire votre niveau
      Si les insultes sont pour vous, le fondement de l’intelligence, c’est pathétique

    • ThomasLDN

      31 octobre 2024

      Franchement je vous trouve un peu dur pour nos adolescents …

  • Benny.B.

    28 octobre 2024

    Ils font ça parce qu’il ne savent pas quand il doivent crée ou détruire de la masse monétaire.Ni calculer l’impact de l’usure de leur prêt.

    Répondre
  • Patrice Pimoulle

    28 octobre 2024

    Le betisier qu’on enseigne a l’ENA forme la base morale et politique du pays, Y renoncer reviet a detruire la societe. Autant renoncer au drapeau tricolore et retablir la Restauration.

    Répondre
    • Patrice Pimoulle

      29 octobre 2024

      Et j’ajoute que justement l’ENA a ete inventee pour ca; qui y a interet? La gauche, qui tente desesperement depuis 1941d’;instituer en France une republique sovietique, une nouvelle RDA. on n’en est plus tres loin.

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