15 mai, 2019

La seule Union Européenne viable, c’est l’Europe des Nations

Contrairement à l’esprit du Traité de Rome, une oligarchie d’experts, de juges, de fonctionnaires, de gouvernants, prend des décisions au nom des peuples, sans en avoir reçu mandat. L’Europe conçue par ces technocrates et consacrée à Maastricht n’est ni libre ni juste. Philippe Séguin dans « Discours pour la France »expliquait à l’Assemblée Nationale dans la nuit du 5 au 6 mai 1992, dans le cadre du débat consacré au projet de loi de révision constitutionnelle préalable à la ratification des accords de Maastricht que l’Europe enterrait la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution. Selon lui, la citoyenneté ne se décrétait pas et ne relevait ni de la loi, ni du traité. Pour qu’il y ait une citoyenneté européenne, il faudrait qu’il y ait une Nation européenne. Mais on ne peut pas décréter une nation, fût-elle européenne, par traité. »

 

Le modèle multiculturel a été imposé en Europepar des gens plus ou moins hostiles à l’identité traditionnelle de leurs pays respectifs. Ce qu’ils présentent comme un accueil généreux aux nouveaux arrivés est devenu le plus souvent, un rejet de leur propre héritage. C’est pour cette raison que tous ceux qui résistent sont dénoncés comme racistes et xénophobes une excellente façon de les exclure du débat. Il a fallu attendre aujourd’hui pour que certains hommes politiques soient prêts à dire que la tolérance que nous avons voulu étendre aux musulmans n’a pas de contrepartie et que ceux qui en profitent, les prêcheurs dans les mosquées, ne sont tolérants en rien. Pourtant, selon le philosophe anglais Roger Scruton, dans« La seule Union Européenne, c’est l’Europe des Nations »,on ne peut toujours pas parler ouvertement de l’islam et de ses effets sans risquer d’être accusé immédiatement d’islamophobie, maladie étrange qui s’est diffusée inexplicablement dans tous les pays de l’Europe de l’Ouest.

 

Il faut absolument prendre en compte l’identité nationale dans les sociétés en crise. Le nationalisme n’est pas l’ennemi de la démocratie. Il y a au contraire un besoin naturel d’identité dans les sociétés minées par les communautarismes et menacées par la globalisation. Selon Pierre André Taguieff  dans « La revanche du nationalisme », la haine du blanc, du Français, de l’Européen, de l’Occidental, du juif ou du chrétien constitue maintenant un amalgame indifférencié que les communautaristes souhaitent combattre.

 

La fragmentation sociale  actuelle de la France,montre combien s’est affaibli le socle commun des références et des valeurs dans notre pays. Entre sécession des élites,  autonomisation des catégories populaires, instauration d’une société multiculturelle, un bouleversement anthropologique est à l’oeuvre. C’est ce que décrit très bien Jérôme Fourquet analyste politique, expert en  géographie électorale dans « L’archipel français : naissance d’une nation multiple et divisée ».

 

La nation française doit être revalorisée et réappropriée par tous les français. Accusée de nombreux maux, haïe par les djihadistes, abandonnée par la gauche, Après le séisme des régionales et en pleine vague de terreur islamiste, Frédéric Encel  dans « Géopolitique de la nation France »offrait en  2016 des repères aux citoyens, de droite comme de gauche, qui s’interrogeaient sur le sens et l’avenir d’une nation sévèrement ébranlée.

 

La nouveauté est que le mouvement nationaliste ne touche plus seulement des minoritésopprimées mais des régions riches comme la Catalogne, la Padanie, la Flandre, la Bavière. Elles refusent de payer pour des autres régions plus pauvres. Pour Laurent Daveziesdans « Le nouvel égoïsme territorial. Le grand malaise des nations », le détricotage des solidarités est une des plus graves menaces qui pèsent aujourd’hui sur la démocratie. Le danger est d’autant plus grand que l’on compte aujourd’hui plus de 300 mouvements nationalistes dans le monde dont 40% en Europe.

 

L’État-nation apparaît pourtant mal adapté à l’intégration économique mondiale.

 

Les eurosceptiques, qui revendiquent l’héritage de l’Etat-Nationet affirment sa pérennité, redoutent en même temps l’ouverture des frontières et appellent au refus de la mondialisation des échangesProduit de la centralisation monarchique et des révolutions modernes,

Les eurolibéraux, se satisfont d’une Europe du Grand marché, n’ont que faire des structures politiques et se moquent des malheurs de nos Etats nationaux.

Les fédéralistes, qui revendiquent à la fois l’ouverture des frontières et la formation d’un espace politique intégré à l’échelle européenne, fondent leur position sur la nécessité d’élever le pouvoir politique à la hauteur de la puissance nouvelle de l’économie afin de lui faire contrepoids.

Jürgen Habermasest de ceux-là, refusant tout à la fois le passéisme des premiers et l’aveuglement des seconds. Dans son livre « Après l’Etat-Nation. Une nouvelle constellation politique »il va plus loin. Proche de ceux qui militent en faveur d’une démocratie cosmopolitique, il réfléchit aux conditions pour mettre en oeuvre une régulation mondiale.

 

Est ce que l’Union Européenne constitue un retour au Saint-Empire Romain Germanique, vaste ensemble qui au Moyen Age avait pour centre l’Allemagne autour de laquelle étaient groupés des territoires italiens, francophones, flamands et slaves. Le roi d’Allemagne se prétendait le chef séculier de l’Europe Occidentale. Pour Jean Louis Harouelauteur de

« Revenir à la nation »,  il est injuste d’accuser les allemands. Ils ne voulaient pas d’intégration monétaire avant d’avoir réalisé l’harmonisation économique et budgétaire. Ce sont les dirigeants français de l’époque qui ont insisté….

 

Il faut adapter l’Etat-Nation à la nouvelle souveraineté numérique

 

La pensée unique a pris les apparences d’une société libre et démocratiquemais en fait elle exerce une véritable tyrannie. Pour Laurent Obertonedans « La France Big Brother. Enquête sur le conditionnement d’une nation »elle s’organise à partir d’une pyramide dont les divers degrés sont le gouvernement, l’administration, les médias, les multimédias, les experts de toutes les chapelles, et les idéologues.

 

Jusqu’où ira la toute puissance des GAFAdans l’accès et l’exploitation de nos données personnelles. Le confort de la servitude volontaire a un prix. Un nouvel ecosystème se met en place où s’affrontent les « cercles » de la souveraineté des citoyens, des états et des entreprises. Pour Farid Guehamdans « Vers la souveraineté numérique »un nouveau système est en train d’émerger.

 

Les GAFA veulent dépouiller les états de leurs prérogativesen privatisant leurs moyens d’intervention. Elles profitent des chocs provoqués par les crises dont elles sont responsables. Les usurpateurs sont camouflés en représentants de la société civile. Lobbyistes au service d’une entreprise ou d’un secteur industriel, PDG de transnationales dont le chiffre d’affaires est supérieur au PIB de plusieurs des pays dans lesquels elles sont implantées, instances quasi-étatiques dont les réseaux tentaculaires se déploient bien au-delà des frontières nationales : toute une cohorte d’individus —qui n’ont pas été élus, ne rendent de comptes à personne et ont pour seul objectif d’amasser des bénéfices– est en train de prendre le pouvoir et d’orienter en leur faveur des décisions politiques majeures, qu’il s’agisse de santé publique, d’agroalimentaire, d’impôts, de finance ou de commerce. Pour Susan Georgefranco-américaine, présidente d’honneur d’Attac-France, dans « Comment les entreprises transnationales prennent le pouvoir »Ces entreprises ne s’embarrassent guère de l’intérêt public et du bien commun. Il est grand temps de les arrêter…

 

L’économie numérique va remodeler le capitalisme. L’accès aux choses va devenir plus important que leur possession. Les logiciels open source, le partage, les réseaux sociaux sont une forme de socialisme. Selon Kevin Kellydans « Acheter de l’intelligence artificielle comme de l’électricité » nous sommes surveillés de façon asymétrique. Il faut aller vers la « coveillance », surveiller ceux qui nous surveillent et surtout cesser de voir systématiquement l’avenir comme une dystopie, car il est plus facile d’imaginer un futur catastrophique…

 

Les GAFA ‘Google,Amazon,  Facebook,Apple) sont les acteurs du monde de demaindans les robots, le big data, les MOOC, l’homme bionique. Ces sociétés et leurs satellites ont tendance à penser qu’elles sont mieux placées que les Etats désargentés pour faire le bien de l’humanité. Dominique Noradans « Lettres à mes parents sur le monde de demain » décrit très bien les paradis techno offshore, les steaks de synthèse, les robots, les thérapies géniques et les laboratoires californiens où s’invente l’avenir de l’humanité…

 

L’industrie numérique prospère grâce à un principe presque enfantin :extraire les données personnelles et vendre aux annonceurs des prédictions sur le comportement des utilisateurs. Mais, pour que les profits croissent, le pronostic doit se changer en certitude. Pour cela, il ne suffit plus de prévoir : il s’agit désormais de modifier à grande échelle les conduites humaines. L’économie numérique profite d’un vide juridique pour utiliser nos biais cognitifs à des fins commerciales. Soshana Zubboff dans « The age of surveillance capitalism. The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power” pense que face à cette nouvelle logique économique le vieux réflexe de la taxe est dépassé.

 

La société hyper-industrielle est l’interpénétration de trois universque sont l’industrie, les services et le numérique. Pierre Veltzqui a dirigé l’établissement Paris Saclay où se trouve l’Ecole Polytechnique, pense que l’objectif des plateformes comme Uber n’est pas de remplacer les taxis traditionnels mais d’offrir une alternative à la possession d’une voiture. Dans son livre « La société hyper-industrielle, le nouveau capitalisme productif »il faut refuser la segmentation si l’on veut comprendre le nouveau capitalisme productif. Dans ce nouveau monde la France et l’Europe ont selon lui des atouts exceptionnels. Espérons…

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

5 Commentaires

Répondre à Alexandre

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  • Guy

    21 mai 2019

     » Pour qu’il y ait une citoyenneté européenne, il faudrait qu’il y ait une Nation européenne. Mais on ne peut pas décréter une nation, fût-elle européenne, par traité.”

    C’est pourtant comme ça que la France est devenue une nation. Un assemblage de populations réunies par héritages, traités, et violences de l’état centralisateur

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  • Gerldam

    18 mai 2019

    Dans cette liste de livres et, notamment concernant cette Europe mondialiste, voir « J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu » de Philippe de Villiers.

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  • Robert

    17 mai 2019

    L’ UE actuelle est l’œuvre d’une bureaucratie apatride. Les peuples ne veulent pas de cet univers désincarné et le font savoir. Vous avez raison : seule une Europe des nations est viable, sinon ce « machin » européen implosera dans la douleur…

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  • Homer

    17 mai 2019

    Merci Monsieur Netter pour cet article de grande rigueur et clairvoyance.

    (Il est décevant de constater que les lecteurs supposément éclairés de ce site se précipitent dans un effet moutonnier à surcommenter chaque article de Charles GAVE et négligent les autres auteurs et articles, mais nul n’est parfait).

    J’étais il y a quelque jour présent à une réunion publique d’un mouvement naissant appelé « Refondation ». J’ai pu y échanger avec des gens divers que je qualifierais de manifeste bonne volonté et n’ai pas encore eu le temps de lire leur « projet en débat » (112 pages). Il pourrait avoir du sens de vous y croiser vous Mr Netter et ou Mr Gave, entre autres, prochainement.

    Amicalement.

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  • Alexandre

    16 mai 2019

    Jérôme Fourquet nous demande par son livre « où allons nous ? ». Inconsciemment il nous propose la réponse, car en choisissant de nommer son ouvrage « L’archipel français » et non « Les archipels français » ce qui aurait été plus juste au regard du contenu de cet écrit, il nous signifie qu’un « désordre construit », l’unité par les diversités et non dans la diversité, est l’attendu autant que la solution.

    Un archipel français : une nation française, une écologie humaine, un universalisme fraternel, un syncrétisme chrétien, un évolutionnisme génétique en lieu et place du transhumanisme involutif, une subsidiarité territoriale, un libéralisme monétaire et une finance populaire.

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