9 janvier, 2025

La nouvelle guerre d’Algérie

Avec l’Algérie, Emmanuel Macron aura tout tenté. Lui qui n’est pas descendant de pied noir, qui n’a aucune histoire familiale avec ce pays, qui n’est pas de la génération de la guerre d’Algérie, il a eu les yeux de Chimène pour Alger, ne cessant pas de faire la danse du ventre aux autorités du pays, flagellant l’histoire de France pour tenter de se faire bien voir. Pour quelles raisons ? Mystère. Voulait-il apparaître comme le président qui réconciliait les mémoires ? Alors même que la plupart des Français n’ont que faire de ce pays. Durant son premier mandat, il n’a cessé de tendre la main à Alger, une main que Tebboune et sa suite n’ont cessé de mordre.

 

Rupture avec Alger

 

Avant la volte-face soudaine et stupéfiante de juillet 2024, où la France reconnaissait la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Une réconciliation incroyable avec le Maroc, alors que les relations entre Paris et Rabat étaient exécrables, une rupture soudaine avec Alger, alors que le dossier du Sahara occidental est un cas de casus belli, l’Algérie soutenant les séparatistes du Polisario. Rabat souriait, Alger mordait la poussière.

Puis vint l’anniversaire de la prise d’otage du vol Air France de 1994, le rappel de l’action héroïque du GIGN à l’aéroport de Marignane, le retour dans les années sombres de l’Algérie, celle de la guerre civile des années 1990, le rappel, aussi, du mauvais rôle joué par Alger durant cette prise d’otage, qui débuta sur son sol, et dont le gouvernement ne voulait répondre que par la force, au risque de provoquer un bain de sang parmi les passagers.

Avant cela, il y eut l’arrestation de Boualem Sansal, toujours détenu dans des conditions qui fragilisent un état de santé précaire, la mobilisation de ses amis et l’engagement du gouvernement français pour sa libération. Une arrestation qui démontre un raidissement du régime qui ne tolère plus aucune voix dissidente.

 

Un problème intérieur

 

Le problème de l’Algérie n’est pas qu’un sujet de relations internationales. C’est aussi, compte tenu de la forte diaspora sur le sol français, un sujet de politique intérieure. Ces derniers jours l’ont encore montré avec l’arrestation de plusieurs « influenceurs » qui utilisent surtout leur influence pour déstabiliser la France. La plateforme Pharos, rattachée à l’Ofac (Office français de lutte contre la cybercriminalité), veille pour repérer les messages haineux, remonter les filières, déterminer qui se cache derrière les comptes en ligne. Sur internet, les trolls algériens pullulent, associant un nationalisme exacerbé et une maîtrise aiguë des réseaux. Le régime Tebboune est encensé, les ennemis insultés et attaqués. Cela témoigne d’une nouvelle forme de menace et d’un nouveau type d’attaque, qui vise à l’agrégation de personnes autour d’un thème et à la mobilisation d’une communauté pour déstabiliser un opposant. La haine en ligne peut être particulièrement violente, surtout quand elle est conduite en meute. Nous sommes ici au cœur de cette nouvelle forme de la guerre qu’est la guerre hybride, dont la désinformation est l’une des formes. Il faudra un peu plus que l’expulsion de quelques excités des réseaux pour résoudre le danger.

 

La position de la mosquée de Paris interroge également les autorités. Elle ne représente nullement les musulmans de France, mais uniquement les musulmans algériens présents en France. Son recteur est algérien et elle reçoit des financements de l’Algérie. La Grande mosquée se défend d’être derrière les influenceurs algériens des réseaux et dit ne pas participer à cette guerre de déstabilisation. Toutefois, elle n’a pas réagi à l’arrestation de Boualem Sansal, mais a célébré, juste après son arrestation, le 70e anniversaire de la Toussaint rouge (1er novembre 1954). Qu’un tel anniversaire soit commémoré en France est chose bien curieuse.

En Algérie, la presse se déchaîne contre la France. Toujours présentée comme une puissance colonisatrice (savent-ils que l’Algérie est indépendante depuis 1962 ?), la France est accusée de tous les maux et porte toutes les responsabilités des malheurs du pays. Ce qui n’est pas très cohérent avec les trolls algériens qui expliquent que l’Algérie n’a aucun problème et se développe très bien.

 

La guerre froide qui touche les deux pays ne serait pas chose importante si cela ne posait Òun problème de sécurité intérieure. Les échanges économiques avec l’Algérie sont faibles, contrairement avec le Maroc où ils sont plus importants. Le gaz algérien n’a qu’un faible intérêt, la France ayant diversifié ses approvisionnements. Mais la diaspora algérienne est là, dont une partie peut être utilisée par le régime d’Alger pour nous déstabiliser. La menace de la violence est réelle aussi, la France gardant en mémoire, outre la prise d’otage de 1994, les attentats qui ont suivi sur le sol de France. C’était certes il y a trente ans, mais la montée des tensions pourrait les faire revenir. Loin d’être un dossier périphérique, la question algérienne est donc cruciale pour la sécurité intérieure du pays.

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

27 Commentaires

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  • Pierre

    13 janvier 2025

    Il est temps de tourner définitivement la page. Rompre avec tous les accords de fin des années 60. Et de montrer les dents. Seulement voilà, le fait de ne plus avoir l’approvisionnement en gaz russe oblige le gouvernement à courber l’échine. Un De Gaulle n’aurait jamais fait ça, n’aurait jamais ré-intégré le commandement de l’OTAN, n’aurait jamais accepté Maastrich, et la constitution et donc aurait respecté le choix du peuple. C’est là toute la différence. Nos dirigeants ne sont que des ânes, pas très étonnant lorsque l’on sort de L’ENA !

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  • FP 37

    12 janvier 2025

    Quand une situation se dégrade avec le temps, plus tôt on la traite, moins elle coûtera.

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  • Flores

    11 janvier 2025

    Se pose le problème de la double nationalité. On vérifie là ,l’impossibilité d’avoir DEUX mères.

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    • Patrice Pimoulle

      17 janvier 2025

      La physiologie, c’est la physiologie, le droitm c’es t le droit.

  • Nanker

    10 janvier 2025

    Un ajout optimiste : je vois mal la diaspora algérienne résidant en France suivre aveuglément les ordres venus d’Alger de semer le désordre en France, alors qu’ils haïssent ce régime corrompu et que leur famille restée au pays a subi la répression du pouvoir pendant le mouvement du Hirak.

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    • Patrice Pimoulle

      11 janvier 2025

      Evidemment. Il faut distinguer el peuple algerien envers lequel la France a contracte des obligations naturelles, du du gouvernement alderien avec lequel il y aurait des tensions. Car enfin qui a installe ce gouvernement algerien, alors que l’armee a gagne la bataille (bataille du bled, bataiille d’Alger, bataille des frontieres) Vous l’avez voulum ce gouvernement algerien? Eh bien vous l’avez; .. dem..rdez-vous.

  • MohOZF

    10 janvier 2025

    Seuls les crétins ne voient pas la séquence lente mise en place depuis le 07/10/23 par tous les soutiens de la métastase du Moyen-Orient. Le vassal français, humilié par des positions officielles qui allaient contre ses intérêts, ne pouvait que retrouver la monarchie marocaine, qui plus d’un siècle après avoir trahi l’émir Abdel Kader, continue de se coucher devant tout ce qui vient de la métropole.
    Je vous le dis tout net : si vous avez été surpris par la rupture de juillet, c’est qu’il vous manque une case.

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  • sahut

    10 janvier 2025

    Bravo pour le constat, Mr Noé. Quelles sont vos propositions pour pallier cette catastrophe ? Quelle politique mener vis-à-vis de l’Algérie, entre autres ?

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    • Patrice Pimoulle

      17 janvier 2025

      La monarchie marocaine est l’amie de l’occident depuis 3 siecles, La republique algerienne democratique et populaire est l;amie de l’URSS depuis sa creation en 1962 par le vonte de general de Gaulle,

  • Georges

    10 janvier 2025

    Et oui, les accords qui ont été signés par De Gaulle ce sont soldés par la présence en France à l’heure actuelle de 7 millions d’Algériens (ou binationaux). Encore merci à tous les politiques depuis 1960.

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  • MARIN

    10 janvier 2025

    Ce qui sépare la barbarie de la civilisation ? La Méditerranée…

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  • KhongBietSo

    10 janvier 2025

    Pour information,
    Lors de la 1e campagne électorale de Mr Micron, le « scandale Benalla » portait sur 2 aspects: des témoignages des équipes de sécurité, démontrant que les salaires étaient versés en cash, directement par Mr Benalla, et sans traces dans la comptabilité de la campagne.
    Par ailleurs, les comptes déposés, qui ont fini par être approuvés après l élection, étaient partiels et extrêmement problématiques.

    Pour note et avec le recul, les juges et avocats qui ont tranché favorablement et assisté sur le sujet se sont vu gratifiés de positions favorables, notamment au conseil constitutionnel. Tout comme le juge qui a « blanchi » Mr Ferrand, et quelques autres. L’Histoire jugera, tant ceux qui l’ont fait que ceux qui ont laissé faire.

    Au sujet des millions dépensés pendant la 1e campagne, en cash, beaucoup de questions ont été émises.
    L’hypothèse la plus sérieuse est celle soulevée par les anciens diplomates en charge de l’Algérie, qui n’étaient plus en poste mais ont gardé des oreilles, et ont signalé des « trajets suspects » et négociations avec des personnages de la pègre Algéroise. La quantité de détails fournie par ces lanceurs d’alerte est suffisamment importante pour que l’on doive les prendre au sérieux.
    Leur suspicion; pour l’instant non tranchée par un procès ni même une enquête, puisque les journalistes ferment volontairement les yeux; est que des valises de cash sont venues de la part de milliardaires Algérois et ont servi à combler les trous de financement de la campagne (la moitié des coûts de la campagne n’ont à ce jour ni facture ni déclaration dans les comptes de campagne, avec litteralement des locations de salles de meeting « gratuites »…).
    Sarkozy avant-hier, Micron hier… Avis au prochain m4fieux qui veut s’acheter une virginité à coups de valises: mauvais plan, les politiciens sont ingrats.

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    • FP 37

      12 janvier 2025

      Ainsi la Francafrique serait-elle devenue la Francalgerie?

  • Edgar

    10 janvier 2025

    Le pays fait tout de même des progres. l’Etat a récemment décidé qu’au lieu de commander des constructions d’HLM aux Chinois , l’Algérie se doterait d’une industrie de matériaux de construction. Ceci prouve qu’en 65 ans on peut évoluer…

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  • Patrice Pimoulle

    10 janvier 2025

    On sait a quoi s’entenir depuis 1955. On ne peut pas feindre la surprise. L;Algerie est le prolongement naturel de la France, et reciprouiement. « L’Algerie francaise » est faite, et elle a la vie dure; qui n’a jamais danse un rock avec une beurette? Quii ne s’est janais fait operer de son cancer par un chirurgien d;origine maghrebine? Mais ce qui interesse les Francais, c’est « horreur des traites de 1815, la rive gauche du Rhin (le traite de l’Elysee), la solidarite franco-russe ou sovietique, la dissiuasion nucleaire, qui est la ligne Maginot de notre temps. Mais voila: « le metier d’etre les posssseurs sr les nourriseurs de cette region, nous n’y renons pas du tout: (Charles de Gaulle, en conference de presse, le 5 septembre 1961). Ca tombe bien, ca interesse les sovietiques. Et voila comment la France a retrouve « son independance et sa puissance » Charles de Gaulle, en conference de presse, 28 novembre 1967. Aujourd;hui. la France a toujours sa dissuasion necleaire et la Repubique algerienne est la meilleure anie se la Russie (1000 chars de combat).  » Les regrets sont superflus » 9Charles de gaulle).

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  • Hedo

    10 janvier 2025

    La phrase qui résume le mieux, la mentalité algérienne, belliqueuse entre toutes, et la suivante : « la main que tu ne peux couper, baise-la. ».

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  • Toupet Di Vedo

    10 janvier 2025

    Hormis que Macron soit le pire président que la France ait eu (incompetent, vendu aux puissances économiques étrangeres, etc), ce n’est pas lui qui fait la politique étrangere. mais les crânés d’oeuf du quai d’orsay formés à l’ENA

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  • Robert

    10 janvier 2025

    M. MACRON, esprit narcissique, a mené envers l’ Algérie – et pas que – une politique étrangère brouillonne , faisant fi des enseignements du passé : l’opposition à la France permet aux héritiers du FLN d’entretenir une fragile identité nationale.
    Ajoutons à cela une repentance post-coloniale toujours présente dans une partie de la classe politique, à gauche mais aussi de façon plus subliminale à droite, et nous en arrivons à la situation actuelle.
    Il va falloir « manier le bâton », car sinon les troubles sociaux qu’ont voulu éviter de façon simpliste les différents gouvernements depuis trente ans, vont se produire encore décuplés…

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  • Nanker

    9 janvier 2025

    Avec le monde arabe une formule éclaire ce que devrait être notre politique étrangère : « soyons des agneaux ils seront des lions. Soyons des lions ils deviendront des agneaux ».

    Macron a tant et tant de fois signifié que la France était devenue un agneau apeuré alors, logiquement, du côté d’Alger on a commencé à se prendre pour des lions.

    Xavier Driencourt, ancien ambassadeur en Algérie connaît bien ce marigot et il a quelques idées à soumettre au prochain président français pour ramener les Tartarins d’Alger à de meilleurs sentiments envers nous.
    En attendant 2027 le temps va être long, sur ce sujet comme sur tant d’autres… Mais la France aura la capacité de se remettre de 10 ans de macronisme.

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    • Robert

      10 janvier 2025

      Souhaitons effectivement que la France puisse tourner la page MACRON…le plus vite possible.
      Il y aura un prix à payer que beaucoup ne perçoivent pas encore…

    • Patrice Pimoulle

      11 janvier 2025

      Les magistrats, comme les journalistes, sont des salaries, donc des preposes. De toutes facons. sous la Ve Republique, le president de la Republique est elu au suffrage universel et le suffrage universel, par sa decision, a par hypothese, « Valide » ces operations.

    • Patrice Pimoulle

      11 janvier 2025

      A Robert: Helas, helas, helas! Sous la Ve Republique, le president est irresponsable et inamovible.

  • Flores Francis

    9 janvier 2025

    Les politiques pensent toujours par prudence ou peur qu’il vaut mieux reculer pour ne pas affronter le problème.
    L’absence d’intégration et à fortiori d’assimilation , la forte immigration , l’hostilité envers la France des jeunes générations ,privilégiant la loi religieuse à la loi de la République, rendent le conflit sur notre sol inévitable ,certain, d’autant plus violent qu’ils l’auront laissé fermenter.

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  • Robert

    9 janvier 2025

    Très bonne analyse qui a le mérite de ne pas tourner autour du pot et sans la langue de bois habituelle sur ce sujet. Pour la sécurité intérieure du pays il y a lieu de clarifier notre politique (si tant est qu’il y en ait une). Difficile d’imaginer autre chose qu’un éloignement poli et pacifique vis à vis de ce pays : expulsion des OQTF, réduction drastique des visas, suppression des avantages indus accordés par la France à ce pays et à ses ressortissants…
    Pour ce qui est de l’Algérie soit disant détruite par la guerre avec la France, une comparaison avec la Corée du Sud qui à la fin de sa guerre était dans une situation bien pire que celle de l’Algérie.
    Comparatif entre les deux pays :
    Fin de la guerre d’Algérie mars 1962
    Fin de la guerre de Corée juillet 1953
    La Corée du Sud a été détruite par une guerre totale alors que l’Algérie ne l’a pas été par une guerre qui n’était qu’une guerre de guérilla
    PIB par habitant Algérie 172 USD en 1962 et 9374 USD en 2019
    PIB par habitant Corée du Sud 260 USD en 1960 et 31846 USD en 2019
    60 à 70 ans après ces guerres, la Corée qui avait un PIB par habitant comparable à celui de l’Algérie a un PIB par habitant qui lui est 3 fois et demi supérieur !
    De plus l’Algérie a en grande quantité du gaz et de pétrole ce que n’a pas la Corée

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    • Jacques Peter

      10 janvier 2025

      L’islam ne favorise pas le développement économique.

    • Patrice Pimoulle

      11 janvier 2025

      On pourrait aussi comparer la Coree du Sud a la France, entre les accords de Geneve de 1954 (Mendes-France) et le traite de Maastricht9Mitterrand-Chirac)

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