7 octobre, 2014

La France est devenue la capitale mondiale du pessimisme

 

Le séminaire organisé deux fois par an par GaveKal à Paris est toujours un moment intéressant pour faire le point sur les perspectives des marchés. Voilà un résumé des principaux sujets abordés cette semaine par Charles Gave fondateur de GaveKal et François-Xavier Chauchat économiste de GaveKal en charge de l’Europe.

 

En Europe l’optimisme du début de l’année est liquidé. C’est la déception sur la croissance, mais un timide redémarrage pourrait  se produire en raison des éléments suivants :

1/ la baisse de l’Euro redonne un peu de compétitivité aux entreprises

2/ la baisse du prix du pétrole qui redonne un peu de pouvoir d’achat aux ménages

3/ la fin des contraintes sur le crédit

4/ la perspective d’une politique de « quantitative easing » qui sera conduite par la BCE

5/ la hausse des salaires en Allemagne suite à l’adoption d’un salaire minimum à 8,50€ de l’heure

6/ un allègement de la fiscalité sur l’immobilier qui devrait intervenir en France, en Espagne et en Italie.

 

Trois voies sont possibles :

1/ une lente reflation tirée en partie par l’économie américaine

2/la japonisation de l ‘économie européenne. Ce n’est pas le scénario le plus probable

3/ une nouvelle crise qui mettrait fin à l’Union Européenne telle qu’elle existe aujourd’hui.

 

Les banques centrales sont toutes engagées dans une politique où le prix des actifs a été mis au centre du système économique. Comme les actions, l’immobilier notamment sont utilisés comme collatéraux pour de nombreux prêts le prix des actifs n’est plus fixé par les marchés mais par les banquiers centraux.

De nombreuses banques et sociétés sont ainsi maintenues en état de survie artificielle. Comme il n’y a pas de destruction il n’y a pas de création non plus, ce qui bien sûr ne crée pas d’emploi.

La hausse des marchés a été uniquement alimentée par de la création monétaire qui ne s’est pas transmise à l’économie réelle. La croissance de l’économie n’est donc pas au rendez vous.

Le résultat est que quand les chiffres de l’économie sont mauvais les marchés sont contents car la BCE va injecter encore des liquidités dans le système.

Elle ne peut que gagner du temps mais certainement pas se substituer à une politique économique et sociale européenne.

 

La BCE pourrait injecter 1000Md€ ce qui est très favorable aux obligations corporate

Les taux d’intérêt sont bas, mais ils ne doivent s’apprécier que par rapport au taux de croissance nominal de l’économie. Il faudra trouver une voix moyenne entre la Bundesbank et la CGT….

 

Pour l’économie américaine, l’année 2014 est celle du retour de la confiance et du retour de l’investissement. C’est un événement majeur pour l’économie mondiale. Le taux de chômage est au plus bas depuis 2008.

 

L’Europe du Sud ne va pas bien contrairement à l’Europe du Nord qui n’est pas dans l’Euro

 

Le dollar devrait continuer de monter. La baisse de l’Euro pourrait entrainer un point de croissance en plus.

 

Un portefeuille diversifié devrait comporter les postes suivants:

 

Des sociétés qui ont un cash flow positif en dollar, ce qui signifie des revenus en dollar qui après paiement des dettes en dollar laissent un solde positif à la société. Ce sont les sociétés qui réalisent une partie importante de leur chiffre d’affaire aux Etats Unis. L’univers investissable comprend notamment les sociétés suivantes : Luxottica (55% du chiffre d’affaire en USD),Neopost (45%), BAE Systems (40%), ARM Holdings 37%, AstraZeneca 37%, Reed Elsevier (48%), Sanofi (31%), Delhaize (63%), SAP (31%), Roche (33%), MTU Aero Engines (60%), L’Oréal (23%), SCOR (29%), Dassault Systèmes (20%), Sodexho (30%), Safran (25%), Schneider (10%)

 

Des sociétés liées à la construction car il devient inévitable de prendre rapidement des mesures de relance surtout en France. les principales sociétés concernées sont :

Nexity, Maisons France Confort, Kaufman & Broad, Nouveaux Constructeurs

 

Des actions de sociétés exposées à l’Europe non Euro : Suède, Norvège Danemark. On peut s’intéresser en Norvège à des sociétés comme Marine Harvest le leader mondial de la production de saumon ; en Suède, Nordea la première banque du pay, Au Danemark Coloplast dont l’activité comprend les soins des stomies, l’urologie et les soins des troubles de la continence et les soins des plaies et de la peau.

 

Des actions exposées à l’Europe de l’Est. Ces pays ont restauré une grande partie de leur compétitivité vis à vis de l’Asie. Les fonds spécialisés sur cette zone sont surpondérés sur la Russie. C’est pourquoi il vaut mieux s’intéresser directement à des actions en Pologne, Hongrie et Bulgarie. En Pologne, de nombreux secteurs sont attractifs notamment dans les banques : Alior Bank, Bank Millenium, Bank Polska Kasa, Bank Zachodni, PKO Bank Polski; les services financiers: Bank Handlowy Warszavie, BRE Bank, Getin; la chimie: Boryszew, Grupa Azoty; la construction: Budimex; l’immobilier: Echo Investment, Globe Trade center; Retailer: CCC, Eurocash, les logiciels: Sygnity; les télécoms: Enea (mobile), Orange Polska (fixe),

 

En Turquie, il faudra revenir sur le marché si le pétrole continue de baisser

 

Des obligations en Renminbi. La monnaie chinoise ne finance pour l’instant que 1,6% du commerce mondial mais déjà le tiers du commerce de la zone Asie.

 

Des obligations des pays de l’Europe de l’Est rapportent autour de 4% sur 10 ans

 

Ce sont désormais les juges qui gèrent les entreprises françaises

 

Les dernières décisions de justice vont toujours dans le même sens

Continental : l’usine de Clairoix dans l’Oise avait été fermée en 2010 pour s’adapter à la crise qui touchait le secteur automobile. La cour d’appel vient de rejeter le motif économique du licenciement de 683 salariés. Il s’agit de la quatrième décision de justice qui remet en cause une décision de gestion. Comme l’a dit la CFTC « C’est une belle leçon pour tous les patrons qui agissent en voyou »….

 

Sanofi : le plan social mis en place par Sanofi pour restructurer ses activités de recherche a été invalidé par la justice. C’est une première car il avait fait l’objet d’un accord majoritaire des syndicats sur les mesures d’accompagnement .

C’est en raison de ces décisions et de ces commentaires que l’économie française offre une image catastrophique et attire des commentaires très sévères. La France est « sclérosée, sans espoir et déprimée » a dit le patron des grands magasins John Lewis de retour d’un séjour à Paris…

 

Les prochaines étapes

En Ukraine les élections auront lieu le 26 octobre ; le budget de la France pour 2015 fera l’objet le 29 octobre de commentaires de la part de la Commission Européenne ; les résultats de la revue d’actifs des banques européennes seront publiés le 6 novembre. Chacun de ces événements peut avoir un effet très déstabilisant pour les marchés .

 

A suivre de près…

 

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

6 Commentaires

Répondre à machiavel007

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  • machiavel007

    19 octobre 2014

    Je n’en peux plus….A force de lire tous les Cassandre et tous les éditorialistes participant au « bashing » français, je ne peux que constater que ce sont ceux là mêmes qui participent également au blocage du pays et des esprits.
    Le jeu consistant à faire monter les idées du FN, la Nation comme seul recours à la Mondialisation. La hantise du déclin français ne pourrait soi-disant ce résoudre que grâce à un retour aux sources de notre identité. Au fond la France serait « bonne à enfermer » afin de résoudre ses problèmes psychiatriques. Comment en est-on arrivé là alors que le Monde s’ouvre de partout ? C’est que notre bon vieux pays arc-bouté sur ses acquis ne veut rien céder. Je ne sais plus qui disait que la France voulait des réformes mais pas de changements. Il faudra pourtant s’y faire …au risque d’enflammer ce pays dans la rue. Hollande n’ayant plus rien à perdre en terme d’impopularité pourrait-être celui là.

    Répondre
  • BA

    13 octobre 2014

    Lundi 13 octobre 2014 :

    Sur son blog, Jacques Attali écrit :

    « Quelque chose va se passer.

    Il faut vraiment se voiler la face, comme le font trop de dirigeants politiques, pour ne pas voir que quelque chose de majeur va se passer en Europe, dans les mois qui viennent : l’une ou l’autre des multiples épées de Damoclès suspendues au ciel de l’Histoire tombera sur nos têtes.

    Plus directement, la situation globale de l’Europe, qui s’enfonce dans la déflation, rend probable une faillite d’un des Etats européens, et non des moindres, devenu incapable de rembourser sa dette.

    Et la colère des Allemands, devant la dérive des autres, pourrait conduire ce pays à sortir, le premier, de la zone euro.
     
    Par ailleurs, la décision attendue de la cour européenne de justice, sur les mécanismes audacieux de solidarité monétaire créés par Mario Draghi, provoquerait, si elle les déclarait contraires aux traités européens, la démission du président de la BCE et un effondrement de l’euro.
     
    Plus spécifiquement, la France, dont le déficit budgétaire est désormais hors de contrôle et où les réformes tardent à venir, pourrait se trouver attaquée par les marchés et devenir à son tour insolvable.
     
    L’une au moins de ces menaces a de fortes chances de se matérialiser dans les dix-huit prochains mois.

    http://blogs.lexpress.fr/attali/2014/10/13/quelque-chose-va-se-passer/

    La zone euro est bâtie sur des gigantesques bulles de dettes publiques.

    Ces gigantesques bulles de dettes publiques vont bientôt éclater.

    1- Médaille d’or : Grèce. Dette publique de 314,801 milliards d’euros, soit 174,1% du PIB.
    2- Médaille d’argent : Italie. Dette publique de 2120,143 milliards d’euros, soit 135,6 % du PIB.
    3- Médaille de bronze : Portugal. Dette publique de 220,696 milliards d’euros, soit 132,9 % du PIB.
    4- Irlande : dette publique de 202,920 milliards d’euros, soit 123,7 % du PIB.
    5- Chypre : dette publique de 18,206 milliards d’euros, soit 112,2 % du PIB.
    6- Belgique : dette publique de 404,248 milliards d’euros, soit 105,1 % du PIB.
    7- Espagne : dette publique de 989,925 milliards d’euros, soit 96,8 % du PIB.
    8- France : dette publique de 2023,7 milliards d’euros, soit 95,1 % du PIB.

    Répondre
  • CharlesM

    8 octobre 2014

    Bonjour Monsieur Netter, merci pour ces infos.
    Charles Gave était en début d’année très positif sur les actions Asie, que vous ne mentionnez pas. Qu’en est il aujourd’hui?
    Cdlt,

    Répondre
  • Homo-Orcus

    8 octobre 2014

    « C’est une belle leçon pour tous les patrons qui agissent en voyou »…
    Tout est dit bien que le syndicaliste omette que par ailleurs les salariés ne reçoivent pas une bonne leçon des assisses quand ils agissent en criminels en pratiquant la séquestration, par exemple.
    Une anecdote qui ne remonte pas à hier, qui a plus de vingt ans.
    À cette époque le politiquement correct faisait déjà des ravages et impliquait que les discours, surtout ceux s’adressant aux salariés, se devaient d’être mièvres, laudateurs, doucereux. Le salarié était devenu un grand gosse benêt. Il fallait surtout ne pas entendre le reproche « Ce sont des choses à ne pas dire ! »
    Je reçois une petite délégation venant tester le terrain pour une augmentation de salaire.
    J’écoute, un peu, et rapidement j’annonce « Qu’est-ce que j’en ai à foutre de vos salaires, est-ce mon problème ? »
    Après quelques échanges insipides je développe ma théorie. « Depuis le milieu du XIXème vous êtes en lutte et finalement vous avez gagné cette lutte. Alors là vous ne manquez pas d’air de demander à un gardé à vue, enchaîné et entravé d’intervenir sur un sujet qui ne le concerne pas ! »
    « Vous avez des représentants qui ont mis en place une convention collective en profitant au passage pour vous catégoriser, vous échelonner, vous indicer, allant même jusqu’à fixer vos salaires, des minimas. Il ne vous manque plus qu’une plaquette jaune qui pendouille à votre oreille pour expliquer tout ça !.»
    « Mon rôle se limite à vous attribuer des cases, et parce que je suis sympa, d’ajouter un coefficient sur le minima, actuellement 1,30 environ »
    « Chaque année on consulte votre document et on constate que le minima a progressé de 5%, ben on fait pareil, on suit le mouvement parce qu’on craint le grand manitou de la CGT. »
    Réaction : « Oui, mais dans ce système nos efforts ne sont pas reconnus ! »
    « Comment ça ? vous avez la participation et l’intéressement ! Tout a été prévu par grand Manitou, je ne décide plus rien et c’est la raison qui fait que je ne supporte pas les réclamations me visant. »
    Les réclamations individuelles sont arrivées assez vite parce qu’ils avaient lu enfin la convention collective. « Est-ce que vous pourriez me changer de case ? »
    On se rend compte que le patron est devenu un gestionnaire de kolkhoze.
    On se rend compte que les salariés se sont infantilisés et j’ai mis deux ans au moins pour les rendre indépendants et responsables et donc bien dans leur tête.

    Répondre
  • Roger Duberger

    7 octobre 2014

    Cher JJ Netter,
    Merci pour ces informations, interessantes pour les investisseurs en herbe, éloignés des pavés de la capitale…
    Je fais partie des optimistes un peu béats, mais comme j’ai déjà été douché par les marchés, j’attends la fin d’octobre et même plus tard avec du cash pour les soldes….car comme vous le soulignez, il y a des enjeux vers la fin du mois et quand les bulles explosent, elles ne préviennent pas toujours…
    Par ailleurs, je suis entièrement de votre avis, sur l’immixtion des juges dans la gestion des entreprises et sur le « surpouvoir » de la CGT . Tout cela ne va pas dans le bon sens et ne rend pas notre pays attrayant pour les affaires. Dommage pour tout le monde.
    Bien cordialement

    Répondre

Me prévenir lorsqu'un nouvel article est publié

Les livres de Charles Gave enfin réédités!