5 juin, 2012

La crise de la zone Euro vue de New-York

J’ai présenté la semaine dernière à Paris mes vues personnelles sur la crise actuelle, que je voudrai résumer en 4 points :

– Le maintien de la Grèce dans la zone Euro devient de plus en plus improbable, le cout de sortie sera significatif non plus tellement pour les créanciers privés, qui ont déjà subi un « hair cut », et ont provisionné les papiers reçus en échange de la dette historique à des niveaux plus réalistes.

Mais pour les créanciers publics qui eux valorisent à des prix historiques et devront alors prendre leurs pertes, augmentant ainsi le passif des Etats à financer sur les marchés.

Et aussi et surtout pour les Grecs, particuliers, épargnants, entreprises.

Mais la fiction maintenue pendant trop longtemps d’un pays faisant face à ses échéances au prix d’aides internationales et d’austérité n’apparait plus crédible.

Cet évènement peut créer un choc salutaire pour les politiques qui ignorent les réalités et s’abritent derrière les Banquiers centraux, leur LTRO et Q2, ou 3, pour ne pas prendre les décisions qui sont de leur ressort comme Mario Draghi vient opportunément de leur rappeler.

En tout cas, cette prise de conscience pourrait permettre de cantonner le scenario catastrophe à la Grec, et éviter une contagion à l’Espagne, l’Italie et autres, qui sont eu égard aux montants en cause, du trillard+, non gérables et conduiraient à une crise financière mondiale sans précèdent.

-Les banquiers centraux ont largement procuré une liquidité abondante et dans le cas de la BCE jusqu’à 3 ans à des taux qui permettent aux banques de se recréer des marges à condition d’utiliser ces fonds au financement de l’économie au lieu de les thésauriser à spread negatif auprès des banques centrales notamment pour couvrir d’éventuels tirages sur les lignes confirmées mais non utilisées que l’ensemble des banques ont consenties pour des durées de 5 à 7 ans à leurs meilleurs clients en Europe et aux Etats-Unis.

Le résultat, un gonflement, triplement voir quadruplement du bilan d’institutions telles que la Fed, ou la BCE, au cours des dernières années.

Avec de actifs de qualité discutable.

Le bilan de la BCE est désormais équivalent  à plus de 30% du PNB de zone euro..

– la situation en  Espagne montre à l’évidence que nous ne sommes plus dans une crise de l ‘Euro, ni même de la dette souveraine, mais bien du système bancaire et financier Européen.

Certes je ne considère pas pour ma part que les banques espagnoles sont nécessairement insolvables, mais plutôt qu’elles doivent faire à un problème majeur de liquidité, comme d’autres institutions bancaires européennes.

En effet, elles sont sous capitalisées par rapport aux banques américaines , qui compte tenu des pertes occasionnées par la débâcle des sub prime et autres CLO’s et SIV’s, ont levé des fonds de manière agressive quand les marchés étaient encore disposés à souscrire aux augmentations de capital.

Elles ont aussi à refinancer des échéances obligataires, avec peine, et ont largement perdu depuis aout 2011 l’accès au marche liquide et très attrayant des papiers court terme aux Etats-Unis, qui sous forme de Yankee CD’s, finançaient en Mars 2011 $ 545 milliards d’encours, ramenées en Avril 2012 a un peu plus de $ 400 milliards.

Avec une ventilation pays d’origine instructive ;les Français passant de 22 à 3%, les principaux emprunteurs étant désormais les Canadiens – 25% – et Japonais – 24%-

De manière plus générale, les émissions de Yankee CD des établissements anglais, allemands et français qui levaient auparavant sans difficulté ce type de ressources court terme pour environ 40% du marche n’en représente désormais plus que 10%..

Sur le compartiment USCP, quasiment plus aucune émission par les banques italiennes ou espagnoles, et une grosse réduction des banques françaises.

Ces difficultés de financement hors zone Euro, ont conduit les banques françaises à réduire de manière agressive leurs encours dans des métiers ou elles étaient traditionnellement des leaders, financement de projet, aéronautique, plus généralement crédit export et Trade finance.

Ce retrait très perceptible sur le terrain, notamment en Asie ou j’étais à 3 reprises au cours des 6 derniers mois, mais aussi en Europe Centrale et Russie, et aux Etats-Unis, vient d’être confirmé par les statistiques de la Banque des Règlements Internationaux publiées début Juin à Bale.

– ce retrait des banques qui s’explique pour partie par la crise actuelle, mais aussi par une anticipation des contraintes de Bale III, originellement applicables dans leur intégralité en 2019, mais que la plupart des grandes banques entendent adopter d’ici 2013 pour marquer leur solidité financière par rapport à leurs concurrents.

Pour atteindre ces objectifs, on recourt aux cessions d’actifs, on limite les rémunérations variables des personnels et les distributions aux actionnaires.

Ceci conduit également à une réduction des financements à l’économie réelle, alors même qu’en Europe, elle est à la différence de l’Amérique du Nord dépendante du système bancaire pour 70 a 80%, les marches représentant le solde.

Clairement à contre courant alors même que toutes les grandes zones géographiques expériencent une récession ou a tout le moins une croissance réduite..

Quelles mesures urgentes devraient être prises pour enrayer cette crise ?

Trois selon nous ;

– un mécanisme de garantie des dépôts au niveau de la zone euro pour limiter la fuite des capitaux observées dans les banques espagnoles surtout au profit d’établissements allemands.

– des émissions Euro bonds pour recapitaliser les établissements européens, les mécanismes ESM devant théoriquement se substituer prochainement au ESFS etant vraisemblablement retardes et insuffisants en montants.

– une supervision bancaire et financière unifiée, et non plus balkanisée au niveau national couvrant banques, assurances et marches dans l’orbite de la BCE.

Le temps presse.

Auteur: Jean-Claude Gruffat

Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.

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