17 mars, 2015

La construction d’un portefeuille qui résistera aux turbulences doit anticiper les ruptures qui vont se produire

Cela fait des mois que nous sommes en terrain inconnu. Il y a d’un côté les « sachant », ceux qui ne font que regarder l’action des banques centrales et qui en concluent que l’injection massive de liquidités ne peut que profiter aux actions, puisqu’avec des taux d’intérêts à zéro, il n’y a pas d’autre alternative que de prendre des risques. Au fur et à mesure que les marchés montent, ils prennent en effet de plus en plus de risques.

 

En face, il y a ceux qui souhaitent utiliser les règles de base de l’investissement, et qui refusent l’idée que « cette fois la situation est différente ».

L’examen des grands indicateurs macro économique se présente de la façon suivante :

L’inflation a totalement disparu des radars alors que des quantités impressionnantes de liquidités sont envoyées dans les économies par les banques centrales.

L’explication se trouve dans la baisse de la vélocité de la monnaie qui ne cesse de baisser. Même si la baisse des prix ne signifie pas automatiquement de la déflation, la situation est préoccupante…

La liquidité internationale a toujours été alimentée par le déficit courant américain, puisque le dollar est la plus grande monnaie de réserve pour le commerce international. Là encore, elle est en train de se réduire. Les banques centrales qui ont déposé des dollars à la Federal Reserve sont obligées d’en vendre. Le dollar se raréfie. Rappelons que la quasi totalité des fortes baisses de marché s’est produite avec une balance des comptes courants américains qui s’améliorait…

Dans cet environnement le dollar peut à tout moment exploser à la hausse. Rappelons les périodes 1982-1985 où le monde entier ayant emprunté en dollars devait les racheter (l’Euro est passé de 0,75 à 1,58 $) ; 1995-2002 (de 0,80 à 1,20$). La politique qui a été suivie depuis 2002 pourrait absolument conduire au même résultat.

 

En terme de valorisation, les obligations américaines sont surachetées. Elles attirent encore tous les investisseurs qui croient à une poursuite de la hausse du dollar. Le marché des actions américaines n’est plus bon marché au niveau actuel. Le marché japonais apparaît toujours comme bon marché d’autant plus que le Yen devrait cesser de baisser.

 

Il faut concentrer les portefeuilles sur les secteurs qui vont connaître plus de croissance que le reste de l’économie

 

Au niveau des entreprises la situation est beaucoup moins sombre. Nous vivons dans un monde de rupture permanent (schumpétérien) qui détruit les entreprises qui ne savent pas s’adapter . Polaroid et Kodak sont morts pour n’avoir pas compris « le film » qui se jouait devant leurs yeux. Leica en Allemagne est par contre toujours là. Des sociétés comme Accor sont menacées par Airbnb etc…

 

C’est pourquoi la construction d’un portefeuille nécessite un travail de veille permanent. Elle doit aujourd’hui prendre en compte les quatre économies où la croissance sera beaucoup plus forte qu’ailleurs.

1/ L’économie de la démographie qui comprend les thèmes du vieillissement de la population, l’agriculture sous tous ses aspects, la robotique…

2/ L’économie verte avec tous les nouveaux matériaux isolants et les modes de consommation bio, les énergies alternatives (solaire, éolien, hydro, biofuel, hydrogène), l’efficacité énergétique avec le passage du mégawatt au négawatt où le fournisseur paye son client pour consommer moins aux heures de pointe….

3/L’économie de la connaissance avec les thèmes de l’éducation, de l’invasion d’internet dans tous les domaines (« l’ubérisation » de la société), de la finance…

4/ L’économie de la sécurité avec les sociétés de défense, la cyber sécurité, la sécurité automobile, la protection des biens et la lutte contre le terrorisme, l’identification…

 

Cette démarche permet d’éviter de garder trop longtemps dans les portefeuilles des grandes sociétés qui sont menacées. Cela a été le cas pour les fournisseurs d’électricité en Allemagne (E.ON et RWE) qui ont été mis à genoux par les mesures anti nucléaires prises sous la pression des écologistes et des subventions massives accordées aux fournisseurs d’énergies alternatives. Le coût de la transition énergétique est de 20Md€ par an à la charge des entreprises. Elles ont déjà fermé 8 réacteurs nucléaires et vont en arrêter 17 autres d’ici 2022.

Ce travail permet d’échapper aux consensus ambiants et surtout d’identifier régulièrement les gagnants de demain.

Aujourd’hui, les compagnies d’assurance allemandes doivent être surveillées comme le lait sur le feu, car elles ont commercialisé des générations de contrat avec des rendements garantis autour de 3% alors que le bund allemand ne rapporte que du 0,20% On comprend qu’elles puissent être dans une situation difficile.

 

Surveillez les cours des banques

 

En Europe, il existe un véritable consensus sur la poursuite de la baisse de l’euro. Pratiquement tout le monde anticipe un euro à parité contre le dollar, alors qu’il était était à 1,40$ il y a un an.

Tous les comités d’investissement ont des discussions sans fin sur le fait de savoir si le QE (politique d’assouplissement quantitatif menée par la BCE) est destiné à recapitaliser les banques européennes et les compagnies d’assurance ou pour objectif d’organiser une dévaluation compétitive. Si l’on regarde le comportement boursier des banques européennes on peut voir qu’elles ne contribuent pas, en ce moment, à la performance des portefeuilles européens.

Tout le problème est pour eux de savoir s’il faut continuer à privilégier les valeurs cycliques et financières par rapport aux valeurs exportatrices.

 

L’Amérique se prépare au grand virage monétaire

 

Aux Etats Unis la poursuite de la hausse du dollar pourrait faire ralentir l’activité de l’économie US surtout si la Fed remonte ses taux plus rapidement que prévuParadoxalement le vrai danger se trouve dans une très forte progression du dollar s’expliquant par des problèmes de liquidité.Toutes les sociétés qui sont endettées en dollars et ont des recettes en monnaies locales doivent donc être évitées absolument. Ces sociétés se trouvent notamment au Brésil, en Russie en Afrique du Sud.

 

En Chine, l’économie a ralenti en janvier pour la quatrième année consécutive. Cela se produit cette année dans un environnement d’inquiétude sur la solidité du système financier et sur la pente de croissance de l’économie. Au total la Chine contribuera moins que d’habitude à la croissance mondiale.

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

5 Commentaires

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  • BA

    19 mars 2015

    Aux Etats-Unis, la base monétaire était de 800 milliards de dollars en 2008. Depuis, elle a explosé. Aujourd’hui, elle est de 4500 milliards de dollars.

    Regardez le graphique 4 :

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=79791

    Aux Etats-Unis, cette création de monnaie par la banque centrale n’a pas du tout profité à l’économie réelle.

    Partout ailleurs, c’est pareil. Dernier exemple en date : la BCE vient juste d’annoncer qu’elle va injecter 1140 milliards d’euros supplémentaires dans le système !

    Malheureusement, aux Etats-Unis, au Japon, au Royaume-Uni, en zone euro, etc, la création de monnaie par les banques centrales ne profite pas à l’économie réelle. Elle ne profite qu’à la Bourse et aux dirigeants politiques.

    Les banques centrales injectent des centaines de milliards de liquidités, mais ces liquidités ne sont pas investies dans l’économie réelle. Elles sont investies dans :

    1- les marchés actions. Conséquence : les Bourses montent, les Bourses battent leur record historique, et les actionnaires sont contents.

    2- les obligations d’Etat. Conséquence : les taux des obligations d’Etat baissent, et les dirigeants politiques sont contents, car ils vont pouvoir continuer à emprunter des centaines de milliards.

    Conclusion numéro 1 : sans le vouloir, les banques centrales ont créé de gigantesques bulles boursières, partout dans le monde.

    Conclusion numéro 2 : sans le vouloir, les banques centrales ont créé de gigantesques bulles de dette publique, partout dans le monde.

    Hélas, une bulle ne peut pas gonfler jusqu’au ciel.

    Hélas, une bulle finit toujours par éclater.

    Le jour où ces gigantesques bulles boursières éclateront, le jour où ces gigantesques bulles de dette publique éclateront, nous vivrons une crise de type 1929, mais en plus violent.

    Jeudi 19 mars 2015 :

    L’OCDE redoute une nouvelle crise financière.

    En ce qui concerne les taux d’intérêt, « l’ampleur de la baisse allume un signal d’alarme », selon l’OCDE, qui craint un aveuglement des marchés, éblouis par les liquidités énormes qui affluent vers eux.

    « Une mauvaise estimation du risque a été au coeur de la précédente crise financière (de 2008) et il semble bien que ce phénomène ressurgisse aujourd’hui », s’inquiète l’OCDE.

    Le FMI s’inquiète également régulièrement « des prises de risque peut-être inconsidérées de nombreux investisseurs sur les marchés et de la valorisation très forte de certains actifs », ce qui pourrait provoquer de sévères corrections. Mais sa patronne Christine Lagarde se refuse jusqu’ici à parler de « bulle ».

    lepoint.fr/economie/la-perspective-d-une-nouvelle-crise-financiere-redoutee-par-l-ocde-18-03-2015-1913711_28.php

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  • yvesdemars

    18 mars 2015

    sur les secteurs verts se méfier comme de la peste des secteurs (nombreux) subventionnés : solaire, éolien notamment. Se limiter aux investissements dans les économies d’énergie ou de ressources ou à des technoliogies émergentes comme les microalgues

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  • Vincent L-F

    18 mars 2015

    Question rapide:

    « La liquidité internationale a toujours été alimentée par le déficit courant américain »
    Je le sais depuis un certain temps mais quelqu’un aurait du détail sur le déficit américain ou saurait où le chercher?
    Suis curieux…

    Merci d’avance!

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  • CharlesM

    17 mars 2015

    Une coquille : c est le $ qui est passé de 0.75 à 1.58 €, et de 0.8 à 1.2€

    Cdlt

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    • idlibertes

      18 mars 2015

      Merci. Noté

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