La guerre aura duré 12 jours. À l’issue de celle-ci, les trois camps crient victoire.
Israël se réjouit d’avoir détruit l’arsenal nucléaire iranien, l’Iran dit avoir infligé une défaite aux « sionistes », Donald Trump montre à la terre entière que le cessez-le-feu a pu être obtenu grâce à son intervention. 12 jours de guerre et tous les belligérants semblent satisfaits ; que demander de plus ? C’est comme au bac : tout le monde obtient la mention très bien et peut rentrer chez lui l’air triomphant. Donald Trump a même remercié l’Iran de l’avoir prévenu avant de bombarder la base américaine. Des échanges d’amabilités qui démontrent que nous ne sommes pas vraiment dans une période de guerre.
Mais justement, ces autosatisfecit ne satisfont personne. Israël voulait renverser le régime des mollahs et ce dernier est toujours en place. Les Iraniens voulaient pouvoir créer une bombe nucléaire, leur arsenal semble, pour l’instant, hors service. Donald Trump, dans son discours de Riyad de mai dernier, annonçait renoncer à l’usage militaire et au regime change, il a dû faire usage des bombardiers B-2 et menacer l’Iran. La vieille politique a finalement repris le dessus et rien ne semble véritablement avoir changé.
Changer le régime ?
Dans les capitales européennes, la diaspora iranienne s’est agitée. Elle a annoncé la fin des mollahs, le retour de la démocratie, la prospérité retrouvée de la Perse. Une effusion de sentimentalisme qui brouille les pistes plus qu’elle ne résout les problèmes. Demander à une diaspora, qu’elle soit iranienne, syrienne, arménienne ou autre, son avis sur son pays d’origine, c’est comme demander à un Français expatrié à New York ou à Canberra ce qu’il pense du mouvement des gilets jaunes. Il fera une réponse, claire et argumentée, qui exprimera son point de vue d’expatrié, non le point de vue des gilets jaunes.
Les diasporas se trompent toujours, parce qu’elles prennent toujours leurs rêves pour des réalités. Les diasporas vivent dans un pays imaginaire, une utopie, c’est-à-dire un lieu qui n’existe pas. Elles mythifient le pays d’où elles viennent, pays que certains ont quitté depuis plusieurs générations. Elles en ont une image merveilleuse, enfantine, qui ne correspond pas au pays réel. Les diasporas vivent en vase clos : associations de diasporas, discussions avec des diasporas, échanges avec des proches, restés au pays, mais avec lesquels le dialogue véritable est presque toujours impossible.
Discuter avec une diaspora, c’est comme échanger avec des expatriés français en Afrique. Ils décrivent toujours un pays dans lequel ils vivent et travaillent, mais qui ne correspond pas au même pays que ceux des Africains. Raison pour laquelle les colons n’ont jamais compris les raisons de l’indépendance, comme les expatriés ne comprennent jamais pourquoi ils sont chassés d’Afrique, alors qu’ils font « tant de bien ».
On peut changer un régime à coup de bombe, mais il est rare que cela donne de bonnes choses. Un nouveau régime, qui arrive dans les fourgons de l’étranger, n’a que peu de chance de réussir. On change les mollahs et alors ? Qui prend le pouvoir à leur place ? C’est-à-dire, concrètement, au-delà des rêves diasporiques et démocratiques, qui devient maire de Téhéran, qui dirige la police, au niveau national, régional, local, qui travaille dans les ministères, qui sont les officiers de l’armée, que fait-on, dans le cas de l’Iran, des gardiens de la révolution, que deviennent les fonctionnaires de toutes les administrations, que devient l’idéologie qui forme l’Iran depuis 1979 ? En clair, on peut changer les mollahs, on ne changera pas l’Iran, du moins pas du jour au lendemain, parce que toute la structure administrative, qu’on l’appelle « État profond » ou « continuité de l’État », elle, ne change pas.
Contrairement à la Libye et à l’Irak, l’Iran dispose d’une classe bourgeoise beaucoup plus cultivée, qui dispose d’une véritable maîtrise de l’État et qui sait gérer un pays. Un changement de régime aurait donc plus de chance de réussir qu’à Bagdad ou à Tripoli.
En Syrie il y a eu changement de régime. Mais c’est un opposant de longue date à Assad, qui contrôlait sa région les armes à la main, qui a lancé un raid et qui a pris Alep et Damas. L’appareil sécuritaire syrien s’est effondré, le clan Assad est parti et le régime a changé. En Iran, il n’y a pas cela. Nul opposant qui tient une région, qui serait capable de mobiliser les foules, comme le firent les mollahs dans leur renversement du Shah en 1979.
Les Américains en sont conscients, et c’est pourquoi ils veulent éviter le changement de régime. L’ayatollah Khamenei a 86 ans, il est malade, sa succession interviendra bientôt. Et ce sera aux Iraniens de régler eux-mêmes ce problème.
Les vrais changements
Plusieurs vrais changements ont néanmoins eu lieu durant cette guerre et, comme souvent, les changements structurels passent inaperçus.
La guerre a fait rage dans une région où le pétrole est omniprésent, l’Iran a menacé de fermer le détroit d’Ormuz par où passe 20% de la production mondiale de pétrole. Que s’est-il passé ? Presque rien. Les cours du brent ont à peine bougé. 67 $ le 9 juin, pic à 79 $ le 19 juin, chute à 68 $ le 24 juin. Il y a eu un pic entre le 12 et le 21 juin, puis retour à la normale. Aucune crise pétrolière, à l’inverse de 1979, où le cours du baril était pourtant passé de 13 $ à 35 $. Depuis 1979, le monde a appris à faire avec. Le pétrole qui transite par le détroit d’Ormuz fournit en premier lieu l’Asie : la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, le Japon et les autres pays d’Asie. Les États-Unis et l’Europe s’approvisionnent ailleurs. Autrement dit, le blocage du détroit d’Ormuz est d’abord un problème pour la Chine et pour l’Inde, pas pour les pays d’Europe et les États-Unis. Ce qui est un autre changement majeur par rapport à ce qui se passait dans les années 2000.
L’autre grand changement est le retour des États-Unis. C’est eux qui disposent de l’armement capable de détruire la base de Fordo, c’est eux qui ont négocié le cessez-le-feu.
Quant à la Russie, alliée de l’Iran, elle est absente, comme elle fut absente de la Syrie. Engluée en Ukraine, la Russie a perdu son statut de puissance mondiale, elle est devenue une puissance locale. C’est l’autre grand changement opéré par cette crise iranienne.
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Pascal
16 juillet 2025Quelle surprise que cet article, en décalage net avec vos analyses habituellement affûtées : que ce soit sur la vision mythifiée des expatriés de leur pays, l’apport des colons français en Afrique, la volteface de Trump par rapport à son programme électoral, l’avènement de la Russie au sein des BRICS, vous êtes bizarrement passé complètement à côté de la plaque cette fois.
Philippe
12 juillet 2025Munichois
Charles DURAND
6 juillet 2025De toute évidence, Jean-Baptiste Noé est mal renseigné !
Paul
12 juillet 2025Plutot mal orienté
Patrice Pimoulle
1 juillet 2025La question n’est pas nouvelle. Voici ce qu’ecrit a propos des mollahs le general Weygand, charge de representer la France au mariage du prince heritier, en avril 1939: » cette ville (Koum – ou Qom) possede une tres belle mosquee, elle est le refuge de plusieurs milllers de mollahs fanatiques dont la propagande est redoutee du Chah, qui cependant n’a pas encore ose vider ce repaire « d’obscurantisme ». La necessite de reduire ce regime est acquise.. Israel en aurait le volonte mais n’en a pas les moyens; l’occident en a les moyens mais n’en a pas la volonte, L’avenir de l’Iran se trouve donc entre les mains de la Russie, lorsqu’elle aura regle la question de l’Ukraine,
Francois Aldoma
29 juin 2025Et la Chine qui s’est impliquée pour Gaza, a envoyé desi navires de guerre dans le golfe persique, du matériel en Iran.
Et le Pakistan voisin qui ne souhaite pas de changement de régime défavorable à l’ouest et qui a proposé ses chasseurs à l’Iran?
Quand aux russes, ils ont proposé leur soutien et envoyé du matériel en Iran même si aucun traité ne les y oblige. Poutine aurait même, proposé quatre ogives nucléaires… A mon avis ils ne sont pas si englués en ukraine mais dosent leurs moyens pour économiser les hommes et font une guerre d’attrition pour épuiser l’europe et les usa qui se ruinent dans cette affaire, même s’ils paient avec de la monnaie de singe.
Il y a des enjeux stratégiques globaux et l’Iran n’est pas isolé. Qui résistera le plus longtemps? On le verra bientôt.
PETIT Alain
29 juin 2025Toujours très utiles les rares articles de M Noé. Et la Chine dans ces évolutions ?
Étant un très fidèle lecteur de l’IDL , je suggère à M.Gave et/ou M.Noe de réaliser une focale sur les conséquences de la situation actuelle de l’économie française ( causes parfaitement identifiées et décrites) .
1. Conséquences immédiates si arrivée et mise sous tutelle FMI.
2. Conséquences moyen long terme sur l’économie et nos finances ( épargne, endettement…).
3. Pistes pour anticiper ces changements économiques et politiques.
Par avance merci et bonne continuation !
Vive l’IDL , seul média vrai et pro…