Emmanuel Macron s’est rendu à Rome mardi 3 juin pour rencontrer Giorgia Meloni. Après la signature du traité du Quirinal en novembre 2021, entré en vigueur en février 2023, les relations politiques entre la France et l’Italie patinent, alors que les échanges économiques entre les deux pays s’accélèrent.
En novembre 2021, Mario Draghi et Emmanuel Macron sont tous sourires. Ils viennent de signer le traité du Quirinal, qui entend approfondir les liens entre la France et l’Italie et créer une relation sur le même modèle que le « couple » franco-allemand. Il s’agit tout à la fois de contrebalancer le poids de Berlin et de renforcer la coopération et les échanges des pays du sud. Depuis, ce traité patine au niveau des échanges politiques. L’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni a changé la donne, les relations avec Emmanuel Macron étant nettement moins bonnes qu’avec Mario Draghi. Macron pensait prendre le leadership de l’Europe, mais sa dissolution ratée et ses non-réformes lui ont fait perdre du terrain. Alors que, dans le même temps, Meloni a baissé les impôts, réduit la dépense publique et la dette et acquis une stabilité politique qu’aucun autre gouvernement n’avait obtenue en Italie. S’il reste encore beaucoup de travail, les résultats économiques sont bons, la lutte contre l’immigration porte ses fruits et les Italiens sont nombreux à soutenir leur gouvernement. Le contraste avec le rejet et l’échec d’Emmanuel Macron est saisissant.
Des échanges économiques majeurs
Ce mardi 3 juin, il s’agissait donc de créer des liens et de renforcer la coopération entre la France et l’Italie. Si les relations politiques sont froides, les échanges économiques et culturels sont au plus haut.
En 2024, l’Italie est le 3e partenaire commercial de la France, après l’Allemagne et la Belgique. Pour l’Italie, la France est le 2e partenaire commercial après l’Allemagne. La France maintient son rang de 1er investisseur en stock en Italie, alors que l’Italie est le 9e investisseur en stock en France. Les échanges commerciaux entre les deux pays se sont élevés à plus de 117 milliards €.
L’Italie et la France comptent 4 000 entreprises installées de part et d’autre de la frontière, qui génèrent près de 400 000 emplois. Au-delà des grands groupes, des centaines de PME, constituent un réseau dense de sites de production, de centres de décision et de points de vente. Un des points du traité du Quirinal porte sur les partenariats industriels et l’accroissement des échanges entre les PME, notamment sur le sujet de l’innovation.
Contrairement à une idée reçue en France, il n’y a pas que le nord de l’Italie qui dispose d’un tissu industriel important. Le Latium (Rome) et la Campanie (Naples) sont également performants, dans la pharmacie, l’aéronautique, l’automobile et le textile.
L’importance du Lyon – Turin
L’un des grands projets entre les deux pays est la ligne de train Lyon – Turin, qui doit permettre de décongestionner le trafic des Alpes et de faciliter les flux et le transport entre le Piémont et le Rhône. Un projet qui traîne côté français, notamment à cause du lobby des écologistes, alors qu’il est l’un des axes structurants en Europe.
La liaison Lyon-Turin comprend une nouvelle ligne ferroviaire de 270 km, dont le cœur est le tunnel de base du Mont-d’Ambin, long de 57,5 km, qui deviendra le plus long tunnel ferroviaire au monde. Ce tunnel reliera Saint-Jean-de-Maurienne en France à Suse en Italie, facilitant le transport de passagers et de marchandises.
Si les délais sont respectés, la mise en service est prévue pour 2032, avec un coût des travaux estimé à 25 milliards €. Les atermoiements côté français ont provoqué des frictions chez les Italiens, qui trouvent que Paris n’en fait pas assez pour soutenir ce projet.
Des complémentarités et des oppositions
Entre Rome et Paris, il y a des complémentarités, mais aussi des oppositions. Si les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie sont tendues, elles sont de bonnes qualités entre l’Italie et l’Algérie, Rome tentant de prendre la place laissée par Paris. Idem avec la Libye, où la France s’est discréditée avec son intervention de 2011, mais où l’Italie conserve de bons relais et réseaux.
En Méditerranée orientale, TotalEnergie et ENI sont en concurrence pour la prospection et l’exploration du gaz ; là se trouve l’un des grands gisements mondiaux, avec Chypre pour épicentre.
Mais l’opposition est aussi politique. Giorgia Meloni et Emmanuel Macron ne portent pas les mêmes idées à Bruxelles et ne partagent pas la même vision pour l’Europe, même si l’Italie, criblée de dettes, ne peut guère s’émanciper de l’OTAN et de la tutelle américaine. La France croit pouvoir s’en émanciper alors que ses marges de manœuvre sont des plus réduites.
C’est là l’un des paradoxes de la relation entre la France et l’Italie. En France, tout le monde, sauf très rare exception, aime l’Italie et voit ce pays de façon positive. La réciproque n’est pas vraie en Italie. Si la gauche italienne est plutôt francophile, la droite italienne est plutôt dans une logique d’opposition à Paris, alors même que la victoire de la coalition des droites en Italie est perçue comme un modèle par beaucoup de candidats français. La relation est finalement ambiguë et plus complexe qu’il n’y paraît. Pour les Français, la relation Paris / Rome est un axe naturel et allant de soi ; vision des choses qui n’est pas partagée par la partie italienne. Pas certain que la visite éclair d’Emmanuel Macron à Rome permette de réchauffer les relations.
Auteur: Jean-Baptiste Noé
Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).
Gaulois refractaire
7 juin 2025Édifiant !
Robert
6 juin 2025Macron a été très critique envers l’ Italie par le passé.
Comme d’habitude, il adopte dans ce domaine comme dans d’autres une position changeante.
Pas sûr qu’il soit très crédible auprès des Italiens.
Saturne
6 juin 2025Au niveau des entreprises, les Italiens sont plus malins que les Français.
Pierre M
6 juin 2025Avec de très fortes relations en Italie dans les milieux d’affaires et plutôt de droite, je vous confirme que les italiens sont EFFONDRÉS de ce que la France est devenue. L’opposé des valeurs d’engagement, de travail, de loyauté et d’honnêteté portées par les milieux catholiques. TOUT repose sur la confiance et l’engagement donné / reçu en Italie. Il y a ceux qui sont fiables et le reste du monde (et beaucoup de bandits aussi en Italie, en particulier les Democristiani). Cette réalité crée un rejet VICERAL de la macronie, du marais, du louvoiement actuel en France. PROBLEME : ce sont ces forces irréductibles qui portent l’Italie et en font le succès aussi à l’étranger. => on voit donc la grande difficulté entre la France et l’Italie : d’un côté des apparatchiks menteurs et changeants et de l’autre des condotierri, gens d’affaires et de travail, qui jugent sur pièce, jouent à long terme et savent encore ce qu’est l’honneur, le respect et la parole donnée. D’un côté des moluscques post-révolutionnaires, de l’autre des aristocrates dans l’âme, qu’ils soient cordonniers ou chefs d’entreprise…
Buona fortuna ragazzi…
Liotaud Jean-Louis
6 juin 2025Mr Charles Gave décrivait la dette italienne comme une dette raisonnable et maitrisée …