3 juillet, 2013

Enfants terribles : pourquoi les marchés financiers devraient cesser de prendre les banques centrales pour leurs nounous

En Chine, le Quotidien du Peuple, l’organe de presse du Parti Communiste Chinois, a utilement rappelé cette semaine que les banques centrales ne pouvaient pas être en permanence les « nounous » des marchés.

C’est pourquoi la People’s Bank of China-PBOC, la banque centrale chinoise, a tenu à lancer un avertissement aux banques officielles et surtout aux banques parallèles (le « shadow banking system »), pour le moment sans graves conséquences, qui distribuent beaucoup trop de crédit sans beaucoup de discernement.  Aux Etats-Unis, après avoir inondé les marchés de liquidités depuis le début de la crise, l’atterrissage de Ben Bernanke, président de la banque centrale américaine, sera difficile et compliqué. Si le resserrement monétaire est trop lent, les marchés risquent de s’inquiéter. S’il est rapide, les taux d’intérêt risquent de remonter avant que l’économie ne reparte.

La voie entre les deux stratégies sera très étroite. L’été sera très probablement marqué par beaucoup de volatilité pour les marchés. Les trois éléments qui vont influencer le comportement des marchés pendant les vacances seront

: 1/ le rythme de normalisation anticipé des taux aux Etats-Unis (lent ou rapide),

2/ la sous performance des marchés émergents,

3/ l’évolution de la situation économique de la Chine.

L’économie française est au bord de la dépression

En France, il faut absolument réduire le déficit budgétaire comme le réclament la Commission européenne, la Cour des comptes et la Banque de France qui s’inquiètent du déficit courant de la France. Malheureusement, le gouvernement depuis un an n’a su qu’augmenter les recettes, c’est-à-dire les impôts.

Le résultat, c’est que les recettes fiscales vont plonger d’environ 15 Md€, car l’instabilité et l’insécurité fiscale augmentent sans arrêt et les dépenses filent. Le déficit devrait déraper de 20Md€  de plus que prévu. François Hollande, le président de la République qui avait annoncé 60Md€  de réduction de déficit sur cinq ans, aurait du, pour respecter ses engagements, réaliser une baisse de dépenses de 15Md€ par an. C’est pourquoi l’annonce triomphale d’une baisse de dépenses de 1Md€ dans le budget 2014 est donc une véritable plaisanterie, rapporté à un niveau de dépense publique de plus de 1100md€ par an ! D’ailleurs, la Cour des comptes estime tout à fait nécessaire de réduire le nombre de fonctionnaires pour tenir l’engagement de baisse des dépenses.

En 2014, 14 400 suppressions de postes sont mises en avant alors que 12 949 postes sont créés. Le compte n’y est donc pas ! En attendant les mesures courageuses, la dette française a atteint un niveau record fin mars en s’établissant à 1870Md€ (avec le passif social) soit 91,7% du PIB.

Ce chiffre doit prendre en compte premièrement, le fait qu’une hausse de un point des taux d’intérêts, hypothèse très probable, coûterait 2Md€ au budget de l’état ; deuxièmement, intégrer le fait que  les prévisions de la dette sociale sont alarmantes. Pour le moment, le scénario le plus probable est celui d’une seconde dépression car les risques de déflation sont devenus importants.

L’économie française ne peut même plus avoir pour objectif une croissance zéro…. Jean Marc Ayrault, Premier ministre, est dans le malaxage des chiffres du chômage avec un développement de emplois aidés et la mise en place de dispositifs pour faire en sorte que  le licenciement  ne devienne effectivement possible que si l’entreprise fait faillite…

Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances avait expliqué que les 2/3 de réduction du déficit proviendraient de la diminution des dépenses publiques. On est très loin du compte puisque le financement du fameux Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi-CICE n’est toujours pas assuré….  Les mauvais signes sont encore nombreux cette semaine : Christiane Taubira, ministre de la Justice, est comme l’a dit Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement Productif, « le meilleur carburant du Front National ».

En effet, un système judiciaire qui aboutit à mettre en prison pour deux mois ferme avec incarcération immédiate Nicolas Bernard-Brusse, arrêté après une manifestation contre le mariage pour tous mais en revanche à accepter le Mur des cons dans les locaux dépendant de son ministère et laisser relâcher sans arrêt tous les coupables de délits, est un système qui n’est pas du tout « normal ». En attendant, on assiste à une nouvelle flambée de cambriolages en France, avec en douze mois une progression de 6,8% en zone police et de 14% dans les secteurs couverts par la gendarmerie !

Cécile Duflot, ministre de Egalité du Territoire et du Logement, est surnommée par les professionnels de l’immobilier « Madame Duflop » compte tenu du fait que la Loi Duflot connaît des débuts décevants : les mises en chantier de logements à 340 000 se retrouvent à un niveau historiquement bas, le crédit à l’habitat devrait baisser de 8% en 2013 ! Le système de la garantie universelle des loyers qui serait mis en œuvre en  2016 est une puissante incitation pour les mauvais payeurs à ne pas s’acquitter de leurs obligations.

Cela n’incite pas du tout les investisseurs privés à investir. Tout cela s’ajoute à l’imposition des revenus fonciers, la taxation des plus values sur les résidences secondaires et des taxes foncières qui ne cessent de progresser. L’économie américaine semble aller mieux Aux Etats-Unis, l’économie se porte plutôt bien. Selon Goldman Sachs, la réaction du marché a été excessive. C’est le moment de racheter des actions américaines. Première semaine positive depuis trois semaines.

Pour Michael Hartnett, stratégiste de BOA ML, les marchés cessent de paniquer quand les politiques commencent à avoir peur. C’est un signal d’achat. Dans les pays émergents, on assiste à une véritable colère des classes moyennes. Le véritable catalyste de ces manifestations sont les réseaux sociaux, qui dépassent complètement les pouvoirs politiques en place.

Au Brésil, les soulèvements sont le révélateur de l’absence de politiques publiques de la ville dignes de ce nom…En Egypte, deux ans après la révolution, le pays est au bord de l’abîme. La plupart des marchés émergents sont valorisés 25% en dessous des marchés développés. Pourtant, après une baisse de 12,7% par rapport au plus haut de l’année et une remontée de 6,4% les marchés qui ont le plus rebondi sont la semaine dernière sont le Mexique + 9,1%, Chili +6,3% et Thailande 5,1%.

L’enthousiasme a disparu pour le moment et les réactions des investisseurs sont contrastées : Coutts réduit son exposition aux marchés émergents alors que Mirabaud reste à surpondéré … Parmi les secteurs, l’automobile, la distribution et les télécommunications ont participé à la hausse de la semaine dernière. L’éolien a l’air de sortir d’une période difficile de quatre ans et pourrait rebondir. Quand au nucléaire, le Japon, qui est obligé d’importer 86% de ses besoins énergétiques en pétrole, devrait reconsidérer sa position anti nucléaire…

 

Jean-Jacques Netter

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

5 Commentaires

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  • Jan L. Leon

    18 juillet 2013

    Pour ajouter au sentiment de cacophonie qui règne sur le plan fiscal, Thomas Piketty Directeur d’Etudes à l’EHESS, a rédigé dans Le Monde cette semaine, un article intitulé « Il faut sortir des fantasmes sur la haine de la France vis à vis des riches ». Pour lui, « la tranche à 75% c’est vraiment la caricature de ce qu’il ne faut pas faire »… Dont acte. On a un peu de mal à comprendre l’évolution de sa position, si l’on se rappelle que pour l’économiste, grand soutien de François Hollande pendant la campagne électorale puisqu’il a signé le manifeste de soutien paru dans Le Monde le 18/04/2011, « la richesse des riches ne peut être que le fruit de l’exploitation des pauvres ». Il restera par ailleurs dans l’histoire de la fiscalité, comme celui qui a proposé dans son livre “Pour une révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle”, que les propriétaires d’un bien immobilier payent à l’Etat une taxe correspondant à un loyer virtuel, puisqu’ils ne payent pas de loyer et que cela constitue pour eux l’équivalent d’un revenu ! Il fallait faire preuve d’une capacité de créativité fiscale sans limites pour imaginer un tel dispositif !

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  • Marius

    5 juillet 2013

    ça fait 15 ans qu’on dit la même chose, ça n’arrivera jamais avant la faillite totale j’ai l’impression. Et encore, la chance qu’on a de voir émerger un Etat liberal est mince, il y aura la plupart qui vous diront qu’on en était arrivé là a cause de l’ultra-libéralisme et qu’il faut fallait plus d’Etat. C’est a désespérer ce pays. Cela dit j’ai une once d’espoir quand j’entends les discours de la droite, je ne sais pas si c’est parce qu’ils sont dans l’opposition, mais ils remettent tous la Liberté au coeur de leurs propos (Fillon, Copé, Le Maire, Bertrand, Sarkozy demain j’imagine).

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    • Jean.Vandenbrande

      10 juillet 2013

      Le grand problème de nos jours en Occident est démographique. Cela était prévu depuis les années 1970. Le vieillissement de la population était prévu pour la période 2010-2040 et continuerait si rien ne venait réveiller les gens.
      Il y a maintenant, depuis 5 ans environ, un baby-boom qui concerne le bas de l’échelle sociale, là où les gens vivent d’allocations en tout genre, y compris les allocations familiales bien sûr. Ce baby-boom est davantage un problème qu’une solution future vu que la possibilité pour ces enfants de s’instruire, à un niveau suffisant pour travailler avec efficacité, est mince.

      L’ultra-libéralisme a été une grande erreur du monde anglo-saxon. Cette monstruosité a été inventée par Reagan et reprise par Thatcher. L’erreur était de supprimer d’un trait les règles prudentielles en matière de finances. Les ultra-libéraux croyaient que « le marché » allait régler tout et donc punir les erreurs avec efficacité. Cette mythologie s’est malheureusement répandue partout en Occident et ailleurs.

  • jemapelalber

    3 juillet 2013

    Merci pour ce résumé clair et concis.

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