27 mai, 2013

Embarras à la Maison Blanche

Le deuxième mandat d’un Président est presque toujours entaché par une série de scandales et de révélations d’abus de Pouvoir: Citons Watergate pour Nixon, l’affaire des « contras » pour Reagan, un  « problème » sexuel pour Clinton, suivi d’un parjure…

Il s’agit là d’un grand classique de la Politique Américaine.

Ces scandales, en général, rendent difficiles les dernières années au pouvoir d’un Président tant il se trouve empêtré dans des procédures juridiques ou judiciaires qui le ligotent.

La tradition semble être respectée et les commentateurs journalistiques ont aujourd’hui le choix entre trois « scandales » qui sont sortis depuis quelques semaines et dont on peut penser qu’ils vont empoisonner le climat à Washington au moins jusqu’aux prochaine élections au Senat et à la chambre des Représentants  en Novembre 2014, les Républicains faisant de leur mieux pour entretenir le feu sous la cendre.

Le premier touche à l’affaire de Benghazi, en Lybie, ou un Ambassadeur Américain a été assassiné en automne dernier avec d’autres citoyens dans un Consulat des Etats-Unis à Benghazi, en Lybie, par une attaque fort bien monté de terroristes affiliés à Al Kayda.

Comme, à l’époque, nous étions en pleine campagne Présidentielle et que le Président sortant faisait campagne sur le thème « J’ai vaincu le terrorisme », une tentative assez maladroite de mettre le massacre sur le compte d’un mouvement spontané de foule trouvant son origine dans un libelle contre Mahomet ayant paru en Californie quelques jours avant fut rapidement organisée, pour échouer piteusement.

Parallèlement, on ne comprend pas bien pourquoi des secours ne furent pas envoyés et qui a donné l’ordre de ne pas les envoyer.

Nous avons donc un mensonge (tentative de cover-up, comme on dit en Anglais) ainsi que l’assassinat sur le territoire des USA (un Consulat) de citoyens du pays et le maximum ne semble pas avoir été fait pour les tirer d’affaires.

Derrière tout cela se profile l’ombre de Madame Clinton qui sera sans doute candidate aux élections Présidentielles de 2016  et qui était en charge du dossier.

A mon avis et sauf révélation improbable mettant en cause le Président directement,  les Républicains vont garder le dossier bien au chaud en attendant  2016 et je ne pense pas que l’opposition va beaucoup pousser les feux sur ce dossier.

Le deuxième touche à une affaire d’écoutes téléphoniques illégales sur des journalistes.

La principale opposition à Obama dans les media est exercée par des chaines de radio et de Télévision du style Fox News.

Apparemment, des fuites ont eu lieu de l’Administration vers ces media et le Ministre de la Justice a autorisé des écoutes au titre de la « Sécurité Nationale », l’excuse habituelle dans ce cas de figure (En France, on invoque le Secret Défense).

La Liberté de la Presse et le caractère sacro saint des sources d’information des journalistes ne sont pas une plaisanterie aux Etats-Unis.

Une enquête officielle a donc été déclenchée-par le Ministère de la Justice- ce qui est un peu un gag puisque c’est ce même Ministère qui avait donne l’autorisation.

Le Ministre a donc été obligé de se récuser et pour être honnête, l’Administration accumule boulette sur boulette dans le traitement de cette affaire et va de demi vérité en demi mensonge, ce qui laisse penser qu’il y a encore beaucoup de choses à découvrir encore.

A suivre donc…

L e troisième a à voir avec une utilisation a des fins politiques de la redoutable administration fiscale (IRS) aux USA.

L’IRS est seule compétente pour déterminer quelles organisations politiques  peuvent bénéficier de dégrèvements fiscaux, ou pas.

Or il semble bien que des instructions aient été données (par qui?) pour que les dossiers concernant des organisations Républicaines soient traités avec une très sage lenteur, de façon à ce qu’elles ne puissent pas être opérationnelles pendant la campagne électorale.

L’utilisation de l’administration à des fins politiques, quoique largement répandue, est cependant strictement prohibée et les Républicains, dans leur rôle d’opposants,  s’étranglent de rage.

Le Président Obama a immédiatement fait part de sa profonde indignation et un lampiste a sauté, mais là encore, le traitement de ce dossier par les Démocrates laisse à désirer et on peut s’attendre à de nouvelles révélations…

Tout cela s’inscrit dans une vieille tradition.

Quand un Président est réélu aux USA, la grande question est immédiatement: quand va t’il cesser d’avoir le moindre pouvoir, quand va t’il devenir un Président  « lame duck », c’est à dire un Président qui ne fait plus grand chose sauf expédier les affaire courantes et aller jouer au golf.

D’habitude, cela se passe après les élections au Senat et à la chambre des Représentants qui marquent le début de  la deuxième moitié de son dernier mandat.

Sauf si les Démocrates venaient à garder le Senat et à retrouver la Majorité à la Chambre des Représentants, le Président actuel devrait donc devenir un « lame duck » à partir de l’automne 2016…

Mais rien n’interdit d’essayer d’avancer la date si vous êtes Républicain…ou de tout faire pour que le Président sortant n’ait aucune majorité  pour ses deux dernières années, ce que les Démocrates ont très bien fait avec George W Bush… assurant de ce fait le triomphe Démocrate de 2008.

Quels sont donc les calculs (probables) des Républicains aujourd’hui?

En ce qui concerne le Senat, beaucoup plus de sièges Démocrates sont à risque lors de cette élection que de sièges Républicains.

Pour la Chambre des Représentants, il parait très peu probable que les Démocrates puissent en prendre le contrôle en 2016 tant cette assemblée représente l’Amérique profonde, celle de l’intérieur. La carte électorale Américaine est en effet très simple: les deux cotes et la région des grands lacs, ou une majorité de la population vit, votent Démocrate et le reste du pays vote Républicain. Or le vote à  la chambre des représentants est organisée plus selon des critères géographiques que démographiques.

Donc la Chambre des Représentants devrait rester Républicaine.

Gagner le Senat n’est pas impossible pour les Républicains, ce qui garantirait la mainmise des Républicains sur la Politique Américaine, le Président ayant peu de pouvoir dans ce cas de figure.

Pour cela, il faut déconsidérer les Démocrates…et là , rien de tel que la révélation de quelques bons scandales en temps utiles.

La révélation de ‘scandales » dans la première moitié du second mandat d’un Président fait donc partie  d’une longue et honorable tradition de la politique aux USA, le but étant de préparer la prochaine élection Présidentielle en se plaçant le mieux possible deux ans avant, en empêchant le parti au pouvoir de pousser ses pions, en le forçant à la défensive…

Bref, il est à craindre que Washington ne reste paralysé pendant les trois ans qui viennent alors que le moins que l’on puisse dire c’est qu’il serait peut être raisonnable de s’attaquer à certains problèmes structurels du type déficits budgétaire et transferts sociaux.

Mais les pères fondateurs des USA ont rédigé une Constitution avec en vue un but très précis: empêcher que le pouvoir exécutif au centre du système ne devienne trop fort, et ils y ont parfaitement réussi.

Et c’est à cause de cette Constitution que les USA sont devenus ce qu’ils sont, le pays dominant..puisque cette paralysie empêche toutes les grosses erreurs.

Et donc, je crois qu’il faut penser que le nouveau blocage du système politique qui se profile à Washington est une bonne nouvelle de plus pour ce pays.

Les citoyens aux USA ne connaissent pas leur chance d’avoir un pouvoir bridé et inefficace.

Il m’arrive de rêver en pensant à ce que la France pourrait être si nous bénéficions du même avantage.

Hélas, à la place, nous avons la Constitution de la V eme, ce monstre juridique…

 

 

 

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

6 Commentaires

Répondre à Lucas

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  • Philippe

    3 juin 2013

    Quand bien meme les rèpublicains controleraient la chambre des reprèsentants ET le sènat, il leur faudrait trouver un candidat à la prèsidence  » digèrable  » ou « prèsentable  » pour le vote majoritaire .Mitt Romney – mormon- patricien – très successful au pan social -n’ètait pas le bon candidat .Newt Gingrich ètait dèmodè.Je note que les USA ressemblent de plus en plus a l’Europe en ce qui concerne les arguments des mèdias, le discours globalisant et culpabilisant ( très utilisè par le camp Obama ) .Le ressort de l’individualisme en a pris un coup.Le prochain rèpublicain sera centriste ou bien sera perdant. Les activistes du Tea Party sont dèconsidèrès.On aimerait voir un rèpublicain hispano (Rubio) ou noir (Allen West ) ou un Tycoon du high-tech d’origine asiatique, emmener les rèpublicains vers la maison-blanche.Si les rèpublicains continuent a penser comme des WASP ils sont perdants. La combinaison gagnante pour apparaitre comme l’homme du futur est l’origine mètissèe et la maitrise des nouvelles Technologies.

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  • LaurentF

    30 mai 2013

    VOILA, nous y sommes!!!! le spread Franco Allemand c’est ecarte de 10% aujourd’hui et nous a donne le signal que la tendance est maintenant a la hausse,- sortez les casques – nous allons rire……

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  • Marius

    27 mai 2013

    Tout à fait d’accord, aucun système n’est parfait mais je signe tout de suite pour un système à l’américaine plutôt que notre Vème République.

    On pourrait faire des changements pour arriver à ressembler au fonctionnement américain :

    – D’abord réduire le nombre de parlementaires de manière significative
    – Ensuite qu’ils soient élus 2 ans ou 2 ans et demi, afin de pouvoir changer en cours de mandat présidentiel… ce qui met une pression sur les politiques au lieu de donner les clefs pendant 5 ans à la majorité présidentielle.
    – Supprimons le cumul dans mandats.
    – Obligeons les parlementaires a démissionner de la fonction publique comme le demande Bruno Le Maire.
    – Supprimer le droit de gouverner par ordonnance.
    – Audition publique des futurs Ministres et Haut responsables nommés par le Président et/ou 1er Ministre, avec une loi sur le parjure.

    Rajoutons :

    – Réduction du mille-feuille territorial et ré-organisation des souverainetés, décentralisation.
    – Instaurer la « démocratie directe » : référendums d’initiatives populaires.

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  • Gerald Muller

    27 mai 2013

    Vous avez omis un certain nombre de scandales et non des moindres:
    1. le fait que les responsables de la Great Contraction (2008) soient pour la plupart toujours en poste au lieu d’être en prison
    2. le scandale des foreclosures et des robosigning; Pour ceux qui ne sont pas au courant, sachez que les acteurs des subprimes et de la titrisation, sachant que les mortgages allaient être saucissonnés illico en CDOs, ont été légers (un euphémisme) sur les procédures des titres de propriété, notamment des signatures au tampon (d’où le terme de « robosigning »). Résultat: de nombreuses banques ont repris possession de milliers de maisons en jetant les occupants dehors, alors qu’il ne possédaient pas de titre de propriété valable. L’administration Obama fait tout ce qu’elle peut pour étouffer ce méga-scandale.

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  • Homo-Orcus

    27 mai 2013

    La constitution de la Ve donne le pouvoir à l’exécutif, ce n’est peut-être pas terrible mais nous avons connu un législatif tyrannique, la Convention, alors… à choisir !

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  • Lucas

    27 mai 2013

    Il faut pas oublier que ces blocages peuvent être très néfastes pour l’économie puisque ils apportent un lot non négligeable d’incertitudes et d’instabilité aux entrepreneurs et autres investisseurs (ex fiscal cliff)

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