4 novembre, 2015

Dollar et taux d’intérêts

Les grandes sociétés de gestion mondiales ont perdu 700Md$ d’actif au troisième trimestre. Ce n’est pas un événement anodin. Cela pourrait signifier que des gouvernements pour faire face à leurs dépenses publiques doivent puiser notamment dans leurs fonds souverains. C’est ce qu’a fait l’Arabie Saoudite confrontée à la baisse du prix du pétrole. Comme son déficit budgétaire va atteindre les 20% du PIB il lui faut absolument des liquidités pour acheter la paix sociale dans le pays.

 

Le matraquage fiscal en France atteint ses limites

 

La fiscalité est devenue en France un sujet surréaliste. On vient d’assister à un bug fiscal sans précédent sur la hausse des taxes qui touchent maintenant des personnes aux revenus modestes. Cela montre une fois de plus que Bercy n’est plus capable de maîtriser l’évolution de la fiscalité. A force de mélanger sans arrêt ce qui ressort des cotisations et ce qui devrait ressortir de l’impôt, on fini par prélever des taxes, en principe affectées, qui ont jusqu’à 35 organismes bénéficiaires et trouver des entités qui reçoivent des fonds de 50 provenances différentes….

Le résultat est que, comme au jeu de mikado, quand on touche un élément du dispositif il est pratiquement impossible d’anticiper toutes les conséquences de la décision.

 

Pourtant ce ne sont pas les fonctionnaires qui manquent à Bercy. Ils sont largement supérieurs à ceux des ministères équivalents dans d’autres pays. On compte aujourd’hui 140 000 fonctionnaires pour 66M d’habitants au ministère de l’économie et des finances. C’est 60 000 de plus qu’au Royaume Uni (HM Treasury). Beaucoup plus qu’en Allemagne (Bundesfinanzministerium) avec 90 000 fonctionnaires pour 80M d’habitants et même 10 000 de plus qu’aux Etats Unis (Department of Treasury) avec 316M d’habitants En France sur les 54 000 employés au ministère, 42 350 bénéficient du statut de fonctionnaires (37 650 aux finances, 4 700 à l’économie). En Allemagne pratiquement 50% du personnel n’a pas le statut de fonctionnaires. Ces comparaisons montrent que les effectifs en France sont beaucoup trop importants. Le gouvernement devrait supprimer des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires.

 

La redistribution est devenue baroque, complexe et touffue. Les deux systèmes de redistribution sociale d’une part, fiscale d’autre se mélangent allègrement dans une opacité de plus en plus grande. De la commutativité (les droits sociaux sont issus du travail) on est passé à la distributivité (perception de cotisations sans travail ou cotisation préalable, du type Couverture Maladie Universelle, (CMU), Revenu de Solidarité Active (RSA)….Malheureusement un système de redistribution ne peut pas être durablement déficitaire.

 

Au lieu de s’en prendre une fois de plus aux retraités qui ont travaillé toute leur vie, l’état pourrait commencer par aligner les régimes spéciaux de retraite du public sur ceux du privé. Il n’est pas possible d’avoir des agents qui continuent allègrement à partir à 50 ou 55 ans à la retraite alors que les salariés du privé devront maintenant travailler au moins jusqu’à 62 ans pour percevoir une pension sans décote. L’économie réalisée pourrait être de 20Md€ par an.

Dans un pays où plus de 50% des foyers sont maintenant totalement exonérés d’impôt sur le revenu, uniquement pour des raisons électoralistes, on arrive à un effet destructeur sur le plan économique.

 

L’Etat français est un très mauvais actionnaire

 

L’état actionnaire est au dessous de tout. Pour Renault, il engage une épreuve de force qui a commencé avec « la loi Florange » instaurant le droit de vote double lors des assemblées générales. Depuis seize ans l’alliance Renault Nissan fonctionnait très bien. Vu de Tokyo, l’activisme du gouvernement français est un véritable casus belli aux yeux de Nissan. Mais il y a pire avec Areva. Là l’état est dans un déni de réalité gigantesque et surtout, n’a pas le courage de prendre de décisions tant que nous sommes en période électorale…

 

L’État n’est bon à créer ni richesse, ni liberté, ni emplois, ni croissance. Tout au plus des fonctionnaires. Courteline disait: «En France, on sème des fonctionnaires et on récolte des impôts.» Et chaque fois que l’on embauche un fonctionnaire – ce qui se voit, entre trois et quatre emplois potentiels du secteur privé ne sont pas créés, ce qui ne se voit pas….

 

Il ne suffit pas d’invoquer l’intérêt général pour le promouvoir. Il n’y a pas de pilote bienveillant aux commandes de l’appareil d’Etat, mais des hommes inévitablement dotés d’intérêts particuliers, guettant les prochaines élections ou simplement soucieux d’optimiser leur carrière. Pour échapper à la tyrannie du court terme et à la multiplication des réformes avortées, l’Etat doit se fixer des objectifs concrets , modestes et aux résultats contrôlables.

 

Les chiffres du chômage se sont inscrits en baisse en septembre. L’événement a été amplement commenté par la presse bien pensante. Cela ne change rien à la réalité. Il est encore beaucoup trop tôt pour être sur que nous assistons à la fameuse « inversion de la courbe du chômage »…

 

L’endettement de la France devrait être la première préoccupation des hommes politiques

 

La situation de l’endettement de la France reste catastrophique

Avec un stock de presque 2 000Md€ de dette publique détenus à hauteur de 65% par des non résidents, 20% par les assureurs en grande partie dans les contrats d’assurance vie des épargnants français, 10% par les banques et le reste par les français en direct.

En matière de flux, il faudra emprunter encore presque 200Md€ l’année prochaine, soit 125 Md€ pour amortir la dette et 75M€ pour financer le déficit nouveau. La mise en perspective de ces chiffres est tellement catastrophique que ce sujet devrait être le premier dont devraient débattre les hommes politiques….

 

Les avertissements sur résultats se multiplient : Saint Gobain, Schneider Electric…

En revanche, Danone a annoncé des chiffres intéressants. Elle fait partie des rares sociétés qui peuvent augmenter leurs prix (+3,9%) quand les volumes de vente baissent (-3,3%). Dans un environnement déflationniste c’est ce type de sociétés qu’il faut privilégier dans un portefeuille.

 

En Europe, la croissance accélère dans les services mais pas dans le secteur manufacturier. L’inflation est toujours en dessous des objectifs, ce qui devrait inciter la BCE à intervenir une fois de plus. En Allemagne, la confiance des consommateurs est toujours là, mais les perspectives de croissance à horizon douze mois inquiètent. En Italie, la confiance des consommateurs progresse. Ils semblent croire à l’efficacité des mesures prises par le courageux Matteo Renzi.

 

Le débat sur le comportement du dollar est très ouvert

 

Aux Etats Unis, La croissance du PIB au troisième trimestre (+1,5%) ne met pas en évidence un ralentissement important de l’économie US. Le secteur manufacturier est faible. L’investissement ne repart pas. Les marchés anticipent un relèvement des taux à avant la fin de l’année. Il n’y aura donc dans la décision aucune surprise.

 

Sur le dollar le débat reste ouvert. Ceux qui anticipent une hausse font valoir que quand on regarde de près les commentaires de la BRI en juin dernier, il y aurait

10 000Md€ qui auraient été empruntés par des entités non américaines. Quand tous ces acteurs devront rembourser leurs emprunts cela risque d’entrainer une explosion du dollar à la hausse.

Dans le camp de ceux qui ne croient pas à la hausse de la devise américaine, l’argument principal est qu’elle monte depuis sept ans, ce qui correspond à la durée moyenne des cycles de hausse et de baisse.

Le consensus mou sur le sujet, est que le dollar devrait monter au moins jusqu’à la prochaine hausse des taux par la Fed…

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

6 Commentaires

Répondre à jemalpelalbert

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  • riz

    8 novembre 2015

    Hollande a massacré les classes moyennes les prélèvements sur les ménages s’élevant à 60 milliards depuis 2011 avec en face une ponction de zéro sur les entreprises jusqu’à 2017 inclus .En fait du Schröder déguisé (balancement des ménages sur les E) , mais ce dernier a t’il été réélu ?Ce que l’on reprochera à Hollande c’est d’avoir insuffisamment baissé les dépenses publiques en lieu et place de la pression fiscale sur les ménages qui n’auront connu aucune pause sur la période précitée .Il n’y a pas de secret on dépouille Paul pour pouiller Jean .D’où une incompréhension d’une large frange de la classe de gauche .L’héritage était pourri mais guère mieux lors du paroxysme de la crise pour Sarko , le successeur de 2017 devra réformer tout en rebaissant les impôts sur les ménages (c’est un devoir d’équité) mais est-ce possible dans une France surendettée ,quoi qu’il en soit la prochaine crise avec l’Italie en oeil de cyclone emportera tout , c’est un sursis de guère plus de 2 ans devant nous .Mais cette fois ci aucune réforme n’aura été réalisée avec un endettement supérieur à 100% du pib (versus 66% ) , des taux planchers (versus taux plus élevés en 2007), une Italie qui risque d’exploser (plus grave que l’Espagne car presque 3 fois plus endettée). Donc la sensibilité à la dépression sera beaucoup plus élevée il suffira d’avoir -1.5% de croissance en France mais les effets seront aussi importants que -3% , alors ils mettront des taux d’î négatifs …. il y a de fortes chances .On l’a vu en Italie ils n’ont pas eu droit à la hausse massive des dépenses comme mesure contra cyclique d’où une baisse de pib par habitant de 10% en 4 ans .Voilà ce qu’est ressentir une crise non prise en charge par les générations futures .

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  • jemalpelalbert

    6 novembre 2015

    Bonsoir,

    Moi ce qui m’intéresserait, serait de savoir à qui nous avons emprunté…

    Répondre
    • idlibertes

      6 novembre 2015

      Cher monsieur,

      Si vous voulez savoir à qui nous avons emprunté, je vous invite à consulter sur ce site le dernier article de romain metivet, chercheur associé. Dans son milieu , vous trouverez un graphique intitulé « pourcentage de la dette detenue par pays  » (ou idem) avec des colonnes. Ceci devrait répondre à votre question.
      C’est un sujet que nous avons traité de façon récurrente, souvent dans des commentaires et dans beaucoup de papiers. N’hésitez pas à faire une recherche globale sur notre site sur ce thème s’il vous tient à coeur.

      Cdlt

      Idl

    • jemapelalbert

      10 novembre 2015

      Merci pour votre réponse, en effet je me souviens de quelques papiers traitant ce sujet.

      Bien à vous .

  • thibault_maxence

    4 novembre 2015

    Attention aux erreurs de raisonnement sur la question de l’alignement du régime des fonctionnaires sur celui du privé car il n’existe pas de régime de retraite par répartition dans la fonction publique ! Sur le bulletin de paye d’un fonctionnaire, la ligne « pension » est purement fictive et ne correspond à aucun flux financier entre l’organisme payeur des salaire et la caisse de retraite, les deux portant le nom de Trésor Public 😉

    Dans la mesure où un fonctionnaire est pris en charge par le contribuable depuis son recrutement jusqu’à sa mort (ou jusqu’au décès de son conjoint en cas de réversion), la question importante à se poser est celle du REMPLACEMENT ou non des fonctionnaires partant en retraite. Il convient donc de raisonner plutôt en coût pour le contribuable que de manière « égalitariste » 😉

    À nombre de fonctionnaire constant ou en augmentation, le recul de l’âge de la retraite des fonctionnaires permet en effet de retarder le cumul pour le contribuable d’un coût additionnel: paiement de la pension du fonctionnaire parti en retraite + paiement à plein du salaire du fonctionnaire nouvellement recruté.

    Mais si l’on choisit de ne plus remplacer tous les fonctionnaires partant en retraite sur les 10 prochaines années, voir de stopper tous les recrutements pendant 2-3 ans (pour revenir à un nombre satisfaisant de fonctionnaires), à titre personnel, je suis favorable pour le départ en retraite des fonctionnaires à 40 voir 35 ans ! Cela permettrait de leur verser plus vite une pension moins coûteuse qu’un salaire à 100% et de permettre à ces jeunes retraités de retrouver un travail dans le secteur PRIVE si leur pension est insuffisante 😉

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  • Gerldam

    4 novembre 2015

    Dans un premier temps, j’ai cru que les grands fonds avaient essuyé 700 millioards de pertes sèches. Puis la suite m’a fait comprendre que ces 700Mds avaient été retirés de ces fonds. Ambiguïté du français parfois…
    Sur le fond, je ne suis pas d’accord avec votre affirmation qu’il faut s’attaquer d’abord à la dette. La dette n’est que la conséquence de la mauvaise gestion du pays depuis 40 ans et de la prise de poids continue de cet état devenu obèse comme ces américains de 300kg.
    Il me semble que cette obésité de l’État a conduit à un système de prélèvement tous azimuts associés, à une réglementation pléthorique qui a conduit aux 5 ou 6 millions de chômeurs que la France compte aujourd’hui. Il faudrait un reset complet de notre pays que, automatiquement, la dette se résorbe peu à peu.

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