27 février, 2019

Devenir libre dans la quête du mouvement perpétuel.

 

 

 

Article de Patrick Navez est chercheur physicien et possède une grande expertise dans la description théorique de la dynamique des systèmes quantiques de grande taille.

 

 

 

Il y a cette volonté dans nos rêves d’aller vers l’insondable, de défier les lois de la nature, d’exploiter au mieux les ressources énergétiques disponibles dans une finalité précise. Il suffit d’observer le pélican, lourd en apparence, mais qui au moyen d’une légère brise arrive à s’élever dans les airs grâces à d’infimes mouvements judicieusement articulés de ses ailes. Ça semble tellement facile pour certains oiseaux de planer avec le minimum d’effort, au point de se demander comment les hommes n’arrivent pas à rivaliser d’ingéniosité afin de reproduire des comportements semblables, en totale synergie avec leur environnement immédiat.

 

La nature est aussi présente pour offrir à notre contemplation – voire nous taquiner – de phénomènes physiques surprenants. Dans ce registre, la superfluidité et la supraconductivité, découvertes au début du siècle dernier, constituent l’expression même de la persistance du mouvement de certains fluides. Qu’ils soient liquides comme l’hélium aux températures proche du zéro absolu, qu’ils soient gazeux comme les alcalins refroidis au laser, ou qu’ils proviennent du courant de conduction d’électrons d’un métal à basse température, aucune force de friction ou résistance électrique ne peut stopper leur progression dans leur environnement immédiat. Si la tentation est grande pour le commun des mortels de conclure à l’existence du mouvement perpétuel, le scientifique se contentera de le qualifier d’état métastable, c’est-à-dire d’un état de mouvement qui ne semble jamais retourner à l’état de repos.

 

Selon les lois de la thermodynamique, le mouvement d’un endroit à l’autre d’un superfluide, comme l’hélium liquide, n’a idéalement pas besoin d’être entretenu car il ne dégrade pas l’énergie en la dissipant, mais au contraire la préserve sans aucune perte. Avec des lignes à haute tension faites de supraconducteurs, la distribution d’électricité domestique serait optimale.  Signalons en outre que comme les courants électriques permanents repoussent les champs magnétiques, ils permettent à ces matériaux « magiques » de léviter quand ils sont plongés au-dessus d’un aimant.

 

On conçoit alors aisément que les applications de la supraconductivité sont nombreuses (comme le train à suspension magnétique) et qu’elles changeront sans aucun doute profondément nos comportements quotidiens. Cependant, le commun des mortels n’est pas encore en mesure de profiter des bienfaits de tels phénomènes qui demeurent l’apanage des seuls spécialistes. C’est qu’en dépit de recherches intenses, ce monde sans dissipation n’est accessible qu’à des températures avoisinant au minimum -150°C pour un supraconducteur réaliste et -270° pour le superfluide. Sans un équipement cryogénique adéquat, ces observations restent inaccessibles à nos yeux d’enfants émerveillés.

 

Les investissements sont pourtant colossaux (notamment au Japon) pour trouver le matériau miracle fonctionnant à température ambiante. Dans les années 70 et 80, on croyait que seuls les métaux ne pouvaient être supraconducteurs qu’en dessous de -250° C. Mais en 1986, on a découvert que cette propriété se manifeste aussi dans des céramiques, en principe isolantes, à des températures étonnement plus élevées d’environ -180° ! Depuis lors, une frénésie a emporté la communauté de chercheurs pour trouver le nouvel alliage qui allait révolutionner notre quotidien. Aujourd’hui, de nombreux nouveaux matériaux supraconducteurs ont vu le jour mais aucun n’a encore passé le cap du fonctionnement domestique aux températures ambiantes.

 

 

Quoique cette vague de recherche a fait beaucoup progressé notre connaissance, elle a cependant divisé le monde scientifique sur la compréhension fondamentale de la persistance de ces mouvements macroscopiques. Au contraire de la supraconductivité des métaux purs pour laquelle une théorie admise par le plus grand nombre existe, l’explication de ces phénomènes demeure mystérieuse concernant leur modélisation précise. Ce qui  décontenançe est qu’une expérience d’absence de résistivité électrique, simple en apparence, devienne extrêmement ardue à interpréter au niveau microscopique, tant les matériaux ont une structure très complexe au niveau de leurs constituants atomiques. De plus, leur élaboration peut cacher un savoir-faire difficile à maîtriser, voire un know-how, pour préserver les recettes de fabrication seulement a un petit nombre.

 

L’expérience quotidienne nous enseigne qu’un fluide normal comme de l’eau finit toujours par s’arrêter quand il est en rotation dans un verre. Il faudrait donc oser imaginer qu’une certaine complexité est nécessaire pour que la magie du mouvement persistant s’opère. Une combinaison d’ingrédients subtilement agencés permettrait d’accéder au Graal. Cela aux dépens d’une profonde compréhension de la nature qui échappe encore à l’entendement.  À la manière des alchimistes du Moyen Âge, cette absence de maîtrise fait resurgir toutes les croyances les plus audacieuses qui contrastent avec la révolution de la mécanique quantique établie au siècle passée sur de bases mathématiquement rigoureuses.

 

C’est que dans cette affaire, le monde moderne et rationnel semble pour le coup disparaitre sous nos yeux. À l’ère de la soi-disant intelligence artificielle, les ordinateurs ne sont pas capables de prédictions fiables sur ces matériaux fautes d’hypothèses réalistes sur leur modélisation. Malgré tout, un certain nombre de haut gradés de la physique théorique se sont entêtés chacun à proposer leur modèle sans se donner le moyen de convaincre le plus grand nombre. Des querelles intestines s’en sont suivies qui n’ont pas donné l’occasion de débats contradictoires constructifs. Faute de discussions honorables, le monde scientifique s’est plutôt radicalisé avec pour conséquence que des phénomènes des plus nobles de la physique n’ont pas trouvé encore une explication complète qui fasse l’unanimité.

 

À côté de l’image d’Épinal d’un Albert Einstein bon enfant discutant avec ses collègues au congrès Solvay sur la physique quantique, nous nous retrouvons aujourd’hui dans des luttes de pouvoir en ce qui concerne la superfluidité et la supraconductivité, avec la menace de non financement de ceux qui ne pensent pas comme il faut, en particulier de jeunes chercheurs. La vie facile aidant, les intellectuels peuvent parfois devenir des docteurs de lois semblables aux pharisiens d’il y a deux milles ans, sans que personne n’y objecte quoi que ce soit. Jusqu’au jour où le besoin de liberté se fait sentir, et que l’audace de dénoncer son absence, permettra enfin de faire progresser la physique fondamentale.

 

C’est donc dans cet état d’esprit d’un sens plus aiguisé de l’honneur et de la dignité que la recherche en science doit se situer, au côté de débats politiques, économiques et historiques qui souffrent tout autant de cette soif de liberté.

 

Auteur: idlibertes

Profession de foi de IdL: *Je suis libéral, c'est à dire partisan de la liberté individuelle comme valeur fondamentale. *Je ne crois pas que libéralisme soit une une théorie économique mais plutôt une théorie de comment appliquer le Droit au capitalisme pour que ce dernier fonctionne à la satisfaction générale. *Le libéralisme est une théorie philosophique appliquée au Droit, et pas à l'Economie qui vient très loin derrière dans les préoccupations de Constant, Tocqueville , Bastiat, Raymond Aron, Jean-François Revel et bien d'autres; *Le but suprême pour les libéraux que nous incarnons étant que le Droit empêche les gros de faire du mal aux petits,les petits de massacrer les gros mais surtout, l'Etat d'enquiquiner tout le monde.

5 Commentaires

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  • hoche38

    3 mars 2019

    Cette situation ne se réduit pas au domaine des supra-conducteurs. Il suffit de penser à toutes les contre-vérités déversées par le GIEC pour faire croire à la responsabilité du CO2 dans l’effet de serre et à la climato-panique entretenue pour justifier la venue d’un gouvernement mondial.

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  • Gerldam

    28 février 2019

    Ce que vous dites me fait penser au livre de Lee Smolin « The trouble with physics », où il dit à peu près la même chose à propos de la fameuse théorie des cordes qui, en bientôt 35 ans d’efforts, n’a toujours pas donné grand chose, sinon des mathématiques de plus en plus « trapues ».
    Quand au soit-disant « changement climatique », qui a fait suite au « réchauffement climatique » car les écarts entre modèles et mesures devenaient par trop flagrants, tant qu’on n’admet pas la saturation de l’absorption du CO2, qui conduit à exonérer le CO2 quasiment totalement d’un éventuel réchauffement, on ne peut dire que des bêtises…

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  • Pierre 82

    28 février 2019

    Je ne suis pas un scientifique, mais comme je suis ingénieur de profession, j’ai quelques notions.
    Il devient de plus en plus compliqué d’avoir une discussion ouverte, argumentée et calme dans la plupart des domaines, que ce soit politique, social, religieux ou même scientifique.
    Essayez de discuter calmement du réchauffement climatique avec des collègues, surtout s’ils sont jeunes, et vous verrez…
    Et pourtant, tout est loin d’être clair sur ce sujet, mais la moindre remarque vous fait immédiatement basculer dans le camp des complotistes. Comme j’ai horreur des discussions sans queue ni tête avec des gens bornés, dès que le sujet est abordé, je ne dis plus grand chose, et ça m’agace prodigieusement d’entendre des jeunes ingénieurs répéter les idioties entendues à la télé.
    Et pourtant, j’en ai entendu,des bêtises proférées par des experts : le SIDA devait contaminer 5 millions de personnes et en tuer 100 000 par an en l’an 2000, les Indiens mourir de faim s’ils ne contrôlaient pas leurs naissances (alors que leur population a doublé depuis lors et qu’ils sont exportateurs nets de nourriture),le trou dans la couche d’ozone qui devait provoquer des millions de cancer en l’an 2000, et qui s’est rebouché tout seul comme un grand… J’en passe, et des meilleurs. Tout ça pour dire que oui, je suis sceptique sur ce qu’on me raconte,même si je n’arrive pas à me faire une idée arrêtée sur ce sujet. Donc je suis un climatosceptique, c’est à dire un hérétique,un type infréquentable.
    J’assume.
    La raison n’est pas très avouable : je n’ai aucune confiance dans ces experts autoproclamés qui s’acharnent à refuser toute discussion.

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  • Duglandier

    27 février 2019

    La science est vraiment dans dur ce dernières années car tout ce qui n’est pas conventionnel et qui ne peut pas être démontré par les règles déjà établies est immédiatement rejeté.
    J-P Petit a beaucoup travaillé sur la mécanique des fluides et notamment les supraconducteurs mais il fait parti de ces personnes qui dérangent et malgré des travaux très en avance sur son temps il a été rejeté car l’origine de ses travaux est sujet a controverse.

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    • Alexandre

      28 février 2019

      @Duglandier :

      Je ne sais pas s’il est très pertinent d’adosser le nom de Jean-pierre Petit a cet article, mais sachez du moins qu’il n’y a plus qu’en France et en Allemagne, ces nouveaux tiers-mondes scientifiques, que ce génie est décrédibilisé.

      Aux USA et en Russie JPP a la statut de demi-dieu, ses bande-dessinés sont même encadrées et affichées aux murs des sous-sols qui hébergent les black-program américains..

      Aux USA et en Russie JPP est considéré comme le Louis Blériot de la MHD et peut-être même demain aussi du voyage interstellaire.. que seuls les français et les allemands s’évertuent à croire impossible.. comme on croyait hier que rien de plus lourd que l’air ne pourrait jamais voler..

      Les USA se sont même récemment venus se payer la tête des français en invitant un de leurs physiciens directement chez Jean-pierre Petit pendant 6 mois au prétexte de vouloir collaborer avec lui, afin simplement de vérifier qu’il n’avait réellement aucuns moyens techniques pour travailler et pour vérifier que les français étaient vraiment les derniers des cons pour le laisser ainsi crever..

      C’est même en étudiant les travaux de JPP depuis 30 ans et en laissant JPP correspondre avec les plus brillants physiciens russes, que ces mêmes russes sont parvenus à développer leurs nouvelles armes (missile atomique à propulsion atomique par vecteur MHD)..

      Et Macron aujourd’hui ?
      Il faut 15 ans pour comprendre l’affaire ummo, le type est donc hors jeu d’entrée de jeu puisqu’il découvre tout cela. Le type se croit président parce qu’il aurait été élu.. faut-il en rire ou en pleurer ?
      Un gros bébé en couche culotte assure la défense nationale.. et des centrales atomiques.. à l’égard desquelles il lui est impossible de comprendre leur obsolescence autant que le péril imminent qu’elles incarnent.. nous pouvons dormir sur nos deux oreilles..

      Et les équipes autour de Macron à la Défense ?
      Comment dire.. ils en sont encore à croire que l’affaire ummo est une invention des russes pour déstabiliser les français.. c’est donc peu dire que.. la France est bien le pays de guignol..

      « Tu veux laisser rentrer le loup dans la bergerie ? ». Mais, si le loup en question n’est pas déjà dans la bergerie, n’est-ce pas uniquement parce qu’il se soumet déjà de son plein gré à l’autorité de celui qui administre la bergerie.. ?

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