4 décembre, 2022

COP Égypte : encore raté

Les COP (Conférences des Nations unies sur les changements climatiques) se suivent avec une régularité de métronome. Cette fois-ci c’est la ville du Caire qui a eu les honneurs de cette grand-messe climato-médiatique. Une conférence qui traite de développement durable, mais qui a inventé la réunion internationale jetable : sitôt passée, sitôt oubliée. Jusqu’à la prochaine. À grands ballets de jets privés, les sachants et les décideurs du monde viennent expliquer comment vivre et comment établir des normes et des contraintes pour les populations, dont ils s’affranchiront eux-mêmes, bien évidemment.

C’est lors de la COP 15 à Copenhague (2009) qu’est décidé le chiffre de 2°C à ne pas dépasser. Un chiffre qui n’est nullement issu de recherches scientifiques, mais de négociations diplomatiques. Certains pays voulaient une reconnaissance à 4°C d’autres à 1,5°C et c’est donc la température de 2°C qui fut retenue, après de longs échanges et comme fruit d’une négociation politique. Nulle science ici, mais un compromis politique. Dans ces sujets climatiques, la politique est d’ailleurs beaucoup plus présente que la science.

Arme de destruction contre l’Europe

Les COP sont surtout des armes de destruction contre l’Europe. Seuls les Européens s’engagent à diminuer leur consommation énergétique, c’est-à-dire à décroître, donc à se saborder. Ni les pays d’Asie ni ceux d’Amérique latine ne prennent une telle décision, eux qui ont compris qu’ils ont absolument besoin d’une énergie abondante et bon marché pour poursuivre leur développement et sortir leur population de la misère. Tout en regardant le suicide de l’Europe, pas mécontent de la disparition volontaire d’un concurrent. Les Européens persistent à vouloir casser leur outil industriel, tout en se lamentant sur la désindustrialisation. La COP s’ajoute aux nombreux événements internationaux qui ne servent pas à grand-chose, des joujoux et des machins où les grands du monde se réunissent et où la diplomatie tourne en rond.

De nouvelles aides ont été annoncées pour l’Afrique, afin de les aider à surmonter les problèmes liés aux changements climatiques. L’aide internationale change de discours alors que celle-ci n’a jamais démontré son utilité. Pour les magnats africains et les dictateurs installés, c’est une façon de faire culpabiliser les Européens tout en touchant un argent facile. En somme, du keynésianisme redistributif à pratique internationale. Avec le succès que tout le monde connait. Après avoir été accusée de la pauvreté en Afrique, l’Europe est cette fois-ci rendue responsable des problèmes environnementaux. C’est non seulement faux, mais en plus réduire les questions écologiques à la portion congrue. L’écologie, c’est aussi la question de l’eau potable, de l’air pur, du traitement des déchets, de la valorisation des sols et de l’environnement, autant de questions oubliées dans les discussions sur le climat. Avec en revanche une constante : empêcher les personnes de sortir de chez elles, de voyager, de circuler. Dans son admirable Esthétique de la liberté, Philippe Nemo a consacré un chapitre au rapport entre la liberté et les voyages. Le voyage poétique et littéraire (lire, c’est voyager) et les voyages physiques. Pouvoir se rendre dans sa famille, découvrir d’autres pays, voyager pour raisons professionnelles, autant de moments de vie essentiels qui permettent une croissance de la personne humaine.

En répondant aux questions de Léa Salamé chez France Inter, Jean-Marc Jancovici a fait tomber les masques. Disant vouloir 4 voyages par avion dans une vie, celui-ci a clairement affiché sa volonté de supprimer les voyages et les déplacements et donc la liberté de l’homme. Un communisme pur et dur, qui se cache derrière le masque de la bienveillance et de la sollicitude.

Ces COP participent du déclin de l’Occident. Elles sont des séances de suicides collectifs, seuls les Occidentaux, et en particulier les Européens, appliquant les normes qu’ils s’infligent. Au même moment, les Chinois et les Indiens croissent et progressent, sans se poser ces questions.

Hibernation stratégique

Pas de débat sur les COP, pas de débat sur la place de l’Europe dans le monde, pas de débat et d’analyse non plus sur la guerre en Ukraine. L’hibernation stratégique frappe de façon singulière la France. Je suis frappé, mais hélas pas surpris, par l’immense différence de production intellectuelle sur la guerre en Ukraine entre les États-Unis et la France. De l’autre côté de l’Atlantique, centres de recherches et think thank, indépendants ou liés à des universités, ont produit un grand nombre d’excellentes études. Sur l’usage de l’aviation, sur le retour de l’artillerie, sur les opérations militaires. Les chercheurs ont réalisé un grand travail de recherche, sourcé, intelligent, pondéré. Des rapports très souvent en accès libre et donc consultable par toutes les personnes intéressées. Je recommande notamment à ce titre le site War on the rocks, qui regroupe des chercheurs notamment associés à l’université du Texas. Rien de cela en France. Ce n’est pas faute de moyens financiers. Nous ne manquons pas en effet de centres de recherches imbibés d’argent public, au nom prestigieux, qui disposent de dizaines de chercheurs alignant toutes les palmes académiques. Et pourtant rien. Hibernation stratégique sur l’Ukraine, comme sur la Nouvelle-Calédonie, dont personne ne parle un an après le référendum, comme sur l’Afrique, l’Asie centrale et bien d’autres sujets. Ce vide de pensée stratégique explique en partie les échecs de la COP et des autres sommets internationaux. Sans vision du monde et de la place de l’Europe, il est en effet impossible d’avoir une action raisonnée et pertinente. Le plus grave n’est donc pas tant ici le réchauffement du climat que la glaciation de la pensée.

Auteur: Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

5 Commentaires

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  • Roland

    6 décembre 2022

    Article très intéressant, quoique déprimant sur les bords… L’expression connue « grands de ce monde » est cela dit à revoir ; ces personnages sont influents, mais humainement, on ne peut guère parler de grandeur ^^

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  • Steve

    5 décembre 2022

    Bonjour M. Noé

    On a bien vu pendant l’épidémie que toute pensée non conforme au discours du chef de guerre était férocement occultée ou vilipendée.
    Si donc vous n ‘entendez rien de ce que produisent tous ces « centres de recherche nourris d’argent public, abritant des palmes académiques » c’est peut être que ce qu’ils produisent, ou produiraient, contredirait la doxa autorisée , Massivement Streamée aux Masses. Streng Verboten!
    Et de toute façon, il s’avère de jour en jour que seules les idées importées des US et de Davos ont droit de cité en France….

    Cordialement

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  • Patrice Pimoulle

    5 décembre 2022

    La glaciation de la pensee est etudiee par Bertrand de Jouvenel dans « La Faillite de l »Europe Liberale », et, auparavant, par l’historien (marquis) de Roux, qui l’impute a des raisons religieuses, le christianisme maltusien, le culte du sacre Coeur de Jesus…

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  • Robert

    5 décembre 2022

    Suicide de l’ Europe dîtes-vous… Effectivement.

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  • breizh

    5 décembre 2022

    s’il n’y a plus de pensée en France, c’est parce qu’il n’y a plus la liberté de pensée.

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