13 décembre, 2013

Chroniques Littéraire par Jean-Jacques Netter

Régulièrement, Jean Jacques Netter, Vice Président de l’Institut des Libertés publie les notes de son cahier concernant les ruptures économiques, les frictions géopolitiques et les évolutions idéologiques de notre société. Cela permet, essentiellement à partir de livres qui ne s’inscrivent pas forcément dans le court terme, de regarder la réalité telle qu’elle est aujourd’hui ou de faire apparaître de nouveaux angles d’évolution… 
Points de ruptures économiques :esprit d’entreprendre, Révolution du marché libre, Libéral… L’esprit d’entreprendre : l’inventaire des idées reçues qui plombent la France a été réalisé par David Thesmar et Augustin Landier dans « Les 10 idées qui coulent la France ». Violemment anti-néocolbertiste , les auteurs veulent remplacer les stratégies nostalgico-électoralistes de la gauche et de la droite au pouvoir par une société de confiance, ouverte, schumpétérienne où l’esprit d’entreprendre, l’incitation à l’innovation, la capacité à tourner la page des industries du passé, sont les seules idées à mettre en place pour sauver la pays… Révolution du marché libre : Yaron Brook et Don Watkins se sont retrouvés aux Etats Unis en tête des best sellers avec le livre « Free Market Revolution. How Ayn Rand’s ideas can end big government ». Le livre intéressera tous ceux qui pensent que ce ne sont pas les gouvernements qui ont la solution pour résoudre les problèmes de l’économie d’aujourd’hui….  

Libéral : en Angleterre même la gauche est libérale. En France même la droite ne l’est pas. Telle est la confession du philosophe André Comte-Sponville qui dit avoir toujours pourtant voté à gauche…

.Marché : David Graeber, professeur à la London School of Economics dans « Dette 5000 ans d’histoire » rappelle que le marché et les capitalistes ont toujours fait l’objet de critiques de tous ceux philosophes, religieux, intellectuels qui les accusent d’entraver par l’appât du gain et les conflits qu’ils déclenchent l’élévation des communautés humaines vers le bien et la paix…

 

Exil : Selon André Bercoff auteur de « Je suis venu te dire que je m’en vais » de nombreux français sont en train de s’organiser pour quitter leur pays : grosses fortunes, entrepreneurs, cerveaux, jeunes qui ont soif de liberté et d’aventure. Leur exil avant d’être fiscal est économique et humain explique-t-il….

Normes : les règles idiotes qui tuent l’industrie française sont bien décrites dans le livre de Philippe Eliakim « Absurdité à la française. Enquête sur ces normes qui nous tyrannisent ». La France est devenue kafkaïenne où les millefeuilles réglementaires mènent à d’infernales absurdités bureaucratiques. Une simple norme décidée souvent dans un bureau à Bruxelles peut condamner au chômage des centaines de salariés…

Désordre : le dernier livre de Nassim Taleb « Antifragile. Les bienfaits du désordre » est désormais traduit en français. L’économiste qui a connu un succès mondial avec son « Cygne noir », pense que nous sommes tous des dindes incapables de prévoir le futur à partir de la prétendue régularité du passé. Notre monde résume-t-il est dominé par l’extrême, l’inconnu et le très improbable et pendant ce temps nous ne cessons de nous livrer à des bavardages inutiles et de nous focaliser sur le connu et le répété. Trop d’ordre empêche l’adaptation. Il laisse croire à une domestication du hasard et confine à un certain confort pseudo scientifique ….

Décrochage : la France était en déclin , elle est aujourd’hui en phase de décrochage explique François de Closets dans son dernier livre «  Maintenant ou jamais. Une dernière chance pour la France ». Il souhaite la nomination comme chef du gouvernement d’un « Monti français » qui pourrait être selon lui Pascal Lamy, Louis Gallois ou Didier Migaud. Celui qui sera nommé pourrait prendre la tête d’un gouvernement d’Union Nationale composé de personnalités au dessus des partis…

Protectionisme : alors que les outils budgétaires traditionnels sont inefficaces, que l’arme monétaire est émoussée il est temps d’utiliser le protectionisme. François Lenglet journaliste respecté propose cette arme dans son dernier livre « La fin de la mondialisation ». C’est une idée qui plaira à Marine Le Pen, Jean Luc Mélenchon et bien sûr Arnaud Montebourg !… Profits : le « cost killing », la réduction des coûts dans une entreprise, c’est un management par la finance pour répondre à l’impatience irrationnelle des profits.

Pour Karine Berger,  député socialiste et Valérie Rabault dans leur livre «  La France contre attaque », l’idée pour une entreprise de réduire ses coûts est une stratégie intellectuellement paresseuse et juste destinée à faire quelques gains de court terme dont la vertu première est de permettre aux dirigeants de s’enrichir plus vite ! En lisant de tels propos on comprend bien pourquoi le gouvernement français  a tant de mal à réduire les dépenses publiques de l’Etat…

Points de frictions géopolitiques :Amérique,

Blancs,

Crise

 

Amérique : l’affaiblissement de l’Amérique est toujours un sujet qui fait recette dans les médias français. Josef Joffe raconte très bien dans « The myth of America’s decline » qu’il n’en est rien. Il rappelle que Paul Samuelson l’économiste très souvent cité dans les manuels français avait prédit que l’économie de l’Un ion Soviétique dépasserait celle des Etats Unis en 1984 !… Blancs : le blanc sera à tout jamais « le colon raciste qui a fait suer le burnous à l’Arabe et a mis les fers à l’esclave noir ». Tel est le constat fait par Sylvie Laurent et Thiérry Leclère dans leur livre « De quelle couleur sont les blancs. Des colonies au racisme anti blanc ». Pourtant, font remarquer les auteurs, un blanc, même petit, peut être opprimé, mais il est condamné pour l’éternité à être un dominant…

Crise : pour les français la crise n’est pas seulement celle de la croissance, de l’Euro ou de la finance mais elle est d’abord une crise de la société, une crise des valeurs, une crise d’identité. François Miquet- Marty, spécialiste des études d’opinion,  dans « Les nouvelles passions françaises » explique que la France ne croit plus  ni à la politique ni au progrès. Elle rejette sans fard et sans crainte tous ceux qui ne respectent pas ses valeurs : les « puissants », les « assistés », et les « étrangers »….

Crise : cette crise n’est pas financière mais énergétique sur le plan mondial explique Jeremy Rivkin,  l’essayiste américain qui annonce une grande mutation industrielle et écologique. Son livre « La troisième révolution industrielle » est encensé par Arnaud Montebourg et adoré par les verts !…

Points d’évolution idéologiques :Etat,

Gauche,

Gauchisme culturel…

 

Etat : tout le monde sent qu’il va falloir refaire complètement ce qu’on appelle l’Etat. Bruno Latour dans « Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des modernes » estime que les instruments de l’Etat sont dérisoires par rapport à ce que les marchés permettent d’apprendre sur de simples marchandises. Si l’on prétend connaître à l’avance la différence entre les intérêts privés et le bien public on n’arrivera à rien…Gauche : la gauche a fait une partie du chemin mais la route est encore longue  pour se réconcilier vraiment avec les entrepreneurs. Tel est le constat de Olivier Mathiot dans « La gauche a mal à son entreprise ». Le fondateur de Price Minister, qui a voté François Hollande en 2012, estime que nous essayons de sauver une vision de l’Etat-Providence dont la version actuelle est en train de détruire la marque France de l’intérieur sur la scène internationale….

Gauchisme culturel : il faut briser son influence estime Jean Pierre Le Goff sociologue. Auteur de « La gauche à l’épreuve 1968-2011 »  il estime qu’il faut en finir avec la pratique de la synthèse et ses salmigondis, de trancher le nœud gordien entre l’angélisme et le sens de l’Etat qui enserre la gauche au pouvoir et l’entraine vers la débâcle….

Assimilation : Michèle Tribalat regrette que l’assimilation ait laissé la place à un modèle multiculturel. Dans son livre « Assimilation, la fin du modèle français », la démographe estime que la diversité est souvent hissée au rang de valeur. C’est une théorie améliorative qui selon elle est dangereuse…

.Jésuites : un jésuite peut en cacher un autre.  Le Révérend Robert Sirico est un jésuite qui a fondé l’Acton Institute aux Etats Unis. Il défend avec grand talent l’idée que c’est l’entreprise privée évoluant sur un marché ouvert qui est le mieux à même d’améliorer le sort des plus pauvres. Dans son livre « Defending the free market. The moral case for a free economy », il montre que l’Etat et les systèmes d’assistanat sont assez inefficaces. Gaël Giraud est un jésuite qui vit en France. Pour lui, l’obstacle c’est la finance dérégulé… Il faut selon lui renoncer à la financiarisation idôlatre (= le crotin du diable selon Saint François d’Assise)… Les financiers ont construit des jeux mortels qui nous menacent… Nous attendons que les marchands et les banquiers lachent le veau d’or… L’épargne ne doit pas être captée par le casino international des marchés…Ces propos sont extraits de la Conférence de Carême de Notre Dame de Paris du 11/03/2012.  Michel de Certeau dans « La fable Mystique » est à la lisière de l’ordre des jésuites sans jamais le quitter. Il avait le goût de l’autre et   mettait en œuvre une compétence transversale. Il voulait opérer des croisements inattendus libres, paradoxaux entre tous les savoirs qu’il maitrisait…

Nation : Il n’ y a pas de nation sans préférence nationale explique Alain Finkielkraut. Dans son livre « L’identité malheureuse » il en appelle au courage de chacun pour soustraire la pensée à la tyrannie de la bien-pensance. Les bobos doivent errêter de célébrer le métissage tout en vivant dans des forteresses.  Si rien ne se produit le philosophe considère que la société française basculera d’une communauté de destin à une juxtaposition de particularismes….

Miroirs : les hommes politiques sont sensibles à trois regards qui se cherchent, s’évitent et se séduisent. Ils se regardent en permanence dans les miroirs du pouvoir, des médias et de l’opinion. Pour Michel Schneider, psychanalyste dans son livre « Miroir des Princes »,ir le problème c’est que le pouvoir n’a plus de pouvoir, les médias ne médiatisent plus et l’opinion est débranchée….

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

14 Commentaires

Répondre à FrancisC

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    • Nicolas

      16 décembre 2013

      Inclussion : mais de qui dans quoi, exactement ?

    • Nicolas

      16 décembre 2013

      Ce rapport marque l’aveu pour la gauche de son echec, et la faillite de sa pensée..

  • El oso

    16 décembre 2013

    On pourrait aussi ajouter à cette belle liste à adresser au Père Noël La France de l’Excellence de François Audouze.
    Je viens de consulter le top 100 des livres les plus achetés sur Amazon, pas un seul livre sur l’état de la France, pas un seul livre sur l’économie…Hélas…
    Je comprends que l’on veuille se changer les idées, mais quand même, l’heure est grave…

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  • Poutine7

    16 décembre 2013

    Afin d’anticiper joyeusement la fin du dernier constructivisme soviétique (i.e l’Union Européenne) :

    L Effondrement des Societes Complexes de Joseph A.Tainter. Editions le retour aux sources

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  • david

    15 décembre 2013

    Encore Bonjour,
    a propos de Karine Berger (je ne l’apprécie pas des masses mais avec un petit effort on peux rester objectif).
    Elle fait référence au choix des entreprises de préférer l’accroissement des marges (qu’elle considère comme facile) au gain de part de marchés (qu’elle considère difficile).
    Il est probable qu’elle ait perdu de vue plusieurs éléments.

    Déjà, une entreprise c’est un investissement en capital, et la rentabilité de cet investissement c’est la marge + l’accroissement du périmètre (croissance).
    Dans un marché mature et avec une démographie et consommation poussive, comme c’est le cas de nos sociétés européennes, le périmètre ne croit plus beaucoup.
    L’accroissement du périmètre se fait forcement en déflatant les prix pour jouer de la concurrence ( méthode Free), ce que nos politiques n’aiment guerre car ça réduit l’assiette de la TVA.
    Reste alors des gains au niveau de la marge, ce que font la majorité des entreprises de taille importante.
    Une entreprise sert à ça, si ce fonctionnement lui déplait, qu’elle regarde les coopératives ou associations.

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  • david

    15 décembre 2013

    Bonjour,
    l’essayiste américain s’appelle Jeremy Rifkin et et non Jeremy Rivkin (il est accessoirement économiste, du moins c’est comme cela qu’il est présenté par les instances qui font appel a lui).

    Quand a son livre, pour l’avoir lu et avoir entendu Montebourg s’exprimer sur le sujet, je peux attester que Montebourg n’en a pas saisis la portée.

    Cordialement.

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  • Strauss Patrick

    14 décembre 2013

    Comment un si grand nombre de gens intelligents ont-ils pu amener la France à ce niveau SANS le faire EXPRÈS ?.
    Nos « élites » autoproclamées n’avaient-elles pas leurs intérêts à ruiner la nation, la culture, l’éducation… Ce sont ces criminels, à qui les crimes ont profité, qu’il faut absolument et définitivement sortir du pouvoir politique.

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    • Roger Duberger

      14 décembre 2013

      Bien d’accord avec vous sur la nécessité de les écarter du pouvoir. Hélas, ils ne l’ont pas fait exprès, car il est rare que l’on s’enrichisse seul, ils sont tout simplement nuls.

    • Nicolas

      16 décembre 2013

      Partant de premisses fausses, et sans jamais ecouter personne parce qu’on est moralement superieur, il semblerait extraordinaire et pour tout dire miraculeux de reussir..

  • Roger Duberger

    13 décembre 2013

    Très bonne chronique « littéraire », c’est bien écrit et je suis bien d’accord pour Libéral, Exil et Nation. Bien cordialement

    Répondre
  • Duff

    13 décembre 2013

    « François de Closets dans son dernier livre « Maintenant ou jamais. Une dernière chance pour la France ». Il souhaite la nomination comme chef du gouvernement d’un « Monti français » qui pourrait être selon lui Pascal Lamy, Louis Gallois ou Didier Migaud. Celui qui sera nommé pourrait prendre la tête d’un gouvernement d’Union Nationale composé de personnalités au dessus des partis… »

    On connaît l’appétence de Charles Gave pour les oints du Seigneur… D’où peut être les 3 petits points pour rester vague et faire un commentaire « l’air de rien »… (à mon tour).

    Espérer comme issue aux politocards incapables de penser la crise et encore moins d’apporter des solutions efficaces qu’elles qu’en fussent le prix l’arrivée d’une caste supérieure savante aux commandes me paraît bien plus qu’illusoire et franchement dangereux. Comment dans le contexte actuel, face à une gauche déboussolée et une droite qui l’est tout autant, oser installer un socialiste comme Lamy converti de grès ou de force au libre-échangisme? Pas très Montebourg compatible, pas verdoyant non plus, pas très gauche en fait qu’il soit internationaliste ou nationaliste d’ailleurs!

    Déjà lu ici et convaincu à titre personnel, ce pays ne prendra probablement pas le virage intellectuel, politique et institutionnel sans une personnalité externe non issue du sérail. Quand 50% des français se disent prêt à voter pour une formation politique nouvelle, on sent bien qu’un homme magique sorti du chapeau par l’UMP ou le PS n’arrivera à rien.

    De Closets est lucide sur le constat qu’il porte sur la France et ce n’est pas nouveau mais pour l’avoir entendu défendre son livre je crois qu’il sous estime gravement le discrédit des politiques actuels qui risquent – car au fond ils le méritent – d’être balayés par une vague de fond que tout le monde espère, mais qui tarde à se personnaliser d’où la croyance tenace que quelqu’un à l’UMP ou au PS pourrait in fine se détacher…

    Cdlt

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  • FrancisC

    13 décembre 2013

    Magnifique synthèse: « en Angleterre même la gauche est libérale. En France même la droite ne l’est pas ». Est-ce dans un livre récent de Comte-Sponville?

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    • Jean Jacques Netter

      16 décembre 2013

      C’était dans une interview

      Cordialement

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Les livres de Charles Gave enfin réédités!