24 février, 2015

Vu de New-York, un peu d’optimisme

En début d’année, je m’étais essayé à un exercice périlleux sur les zones et secteurs à risque, et depuis ce papier peu de bonnes choses sont à relever. Pourtant au risque de paraitre naïf, je vous livre tout de go mes prévisions/réactions sur l’environnement dans lequel nous vivons, bien évidemment sous influence admise et revendiquée de mon prisme américain bien connu.
Les choses devraient aller mieux en 2016/17.
Et tout d’abord les Etats-Unis, ou nous sommes enfin entrés dans les deux dernières années de la Présidence Obama, une des plus « libérales » de l’histoire américaine, et certainement une des plus inefficaces et désastreuses dans le domaine de la politique internationale. Qu’il s’agisse du Moyen Orient, de l’Asie, et de l’Europe, nous sommes en régression en termes d’influence et de leadership après une Présidence de GW Bush, vilipendée et maintenant revisitée par contraste avec un jugement plus équilibré.
En effet, en 2008 l’Amérique avait encore de solides alliés au Proche Orient, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les Emirats, la Turquie et Israël. Aucun de ces Etats ne peut à ce jour être encore qualifié de partenaire crédible et loyal des Etats-Unis , pas même Israël du fait des mauvaises relations entre le Président Américain et le Premier Ministre Israélien sur le dossier nucléaire iranien. Sans préjudice de l’issue des négociations en cours.
Sur le thème de l’islamiste djihadiste, il est plus ou moins admis que leur élimination ou à tout le moins leur cantonnement dans la zone Syrie Irak requiert une présence américaine au sol, les fameuses « boots on the ground », car les frappes aériennes ne suffisent pas.
Après les retraits d’Irak et d’Afghanistan, les experts préconisent le retour de troupes au sol du fait des insuffisances de l’armée irakienne et des exactions commises par les milices chiites, qui éloignent les populations sunnites du gouvernement de Bagdad et en font des soutiens résignés de Daesh. Et les partenaires de la coalition notamment Arabie Saoudite, Emirats, Qatar, sont engages modestement sans présence au sol, laissant l’affrontement physique des djihadistes aux combattants kurdes.Pourtant Obama continue contre vents et marées à justifier sa politique de frappes « ciblées »( ?) largement inefficaces et couteuses en vies humaines civiles, et son refus de troupes au sol. En Lybie, la désastreuse politique suivie par les Français et les Britanniques à certes contribué à la défaite de Kadhafi et de son régime, mais la succession est un territoire sans Etat, anarchique et livré à l’affrontement de factions extrémistes sans aucun pouvoir ni autorité centrale crédible.
Merci BHL…En bref Sarkozy et Cameron ont fait ce que Villepin avait reproché aux Américains et à Tony Blair en Irak, remplacer un dictateur par le chaos, avec le soutien de l’administration Obama. Ce qui a provoqué le drame de Benghazi et la mort tragique de l’ambassadeur américain et de son entourage. On m’affirmait récemment que les stocks d’armes entre des mains hostiles étaient équivalents en Lybie à 4 par personne physique y compris femmes, enfants, vieillards. Aucun espoir d’amélioration à court terme, les éléments terroristes les plus radicaux sont équipés abondamment et à quelques encablures de la cote sud de l’Italie. Assad est pérennisé en Syrie, plus personne ne parle de l’écarter, sauf peut être Francois Hollande. En Egypte les Frères Musulmans ont été renversés par un coup d’Etat et remplacé par un General anti américain, dictatorial et répressif, soutenu financièrement par l’Arabie Saoudite et les Emirats..
L’Iran n’a toujours pas conclu l’accord proposé par les puissances occidentales au grand dam d’Israël et des Etats arabes sunnites, l’axe chiite se porte bien avec l’Iran, le Hezbollah, l’Irak et la Syrie, soutenus par la Russie qui sécurise son accès à la Méditerranée et crée des abcès de fixation qui contribuent à déstabiliser les Européens et Américains au prise avec la crise ukrainienne…La nucléarisation de la zone suit son cours et l’on frémit à l’idée que des armes tactiques pourraient tomber entre les mains des extrémistes.
Après l’annexion de la Crimée, la Russie grâce aux divisions entre l’Europe et les Etats Unis sur la proportionnalité des réponses a apporter à l’agression, l’étendue des sanctions, le soutien financier au régime de Kiev, la fourniture d’équipements militaires défensifs, a obtenu la sécession de fait de l’Est ukrainien, sous protectorat de Moscou. En dépit des sanctions économiques qui frappent le peuple russe mais insuffisamment les cercles proches du pouvoir. Même si la dévaluation forte du rouble et la chute du prix du pétrole affectent aussi le pouvoir et ses suppôts oligarques.
Et les républiques de l’ancienne URSS anticipent d’autres mouvements de Poutine utilisant l’argument de la protection de minorités russophones importantes au Kazakhstan ou dans les Etats Baltes.
L’autre thème à la mode est bien sur la crise grecque que l’élection récente d’une coalition rouge brun a relancé dans le débat Européen.
Au delà de l’émerveillement des populistes de tout poil- une nouvelle fois Le Pen/ Mélenchon même combat – le nouveau gouvernement se heurte à la réalité des faits. Bien évidemment la Grèce n’est pas en mesure d’amortir une dette publique équivalente à plus de 170% de son PNB, peut-elle même assurer le service de cette dette ?
Le problème est cette fois que 80% de ces encours sont dus à la « troïka », BCE, FMI eu Zone Euro .Le secteur privé a depuis longtemps apuré ou amorti sa part, et les préteurs publics eux n’ont pas provisionné, ce qui fait qu’un défaut les conduirait à reconnaitre l’intégralité des pertes, et les Etats membres devraient alors contribuer et couvrir au prorata leur pourcentage au PNB de la zone Euro.
Allemagne en tête pour plus de 30%, la France ensuite pour un peu moins de 30, suivie par l’Italie et l’Espagne.. Ceci explique la ligne adoptée par Berlin face à cette hypothèse. Mon pronostic, personne n’attend de la Grèce qu’elle rembourse, le défaut et Grexit entraineraient une dévaluation massive de 25 à 30% du nouveau drachme, une catastrophe pour le peuple grec déjà lourdement pénalisé par les politiques d’austérité des gouvernements précédents. Un accord est possible selon le principe de toutes les sorties de crise européenne, repousser la solution aux calendes « grecques ». Tout ce qui est attendu des nouveaux dirigeants grecs est qu’ils suspendent les mesures provocatrices les plus outrancières annoncées et continuent les reformes structurelles. Et les fonds nécessaires reviendront car nul n’a intérêt à un défaut, et le seul scenario catastrophe avec un peu de vraisemblance est la scission de la Zone euro, l’Allemagne partant avec les Pays Bas et la Finlande, et surement pas la France.
Probabilité 20% eu égard au cout prévisible que la Chancelière Angela Merkel a fait quantifier depuis longtemps a plusieurs points de PNB, soit plus que le cout de la réunification allemande.
En Asie orientale, la nouvelle stratégie chinoise de positionnement n’est plus véritablement le sujet d’une administration américaine en fin de course .Le partenariat commercial en discussion qui devait être un élément essentiel de la riposte est dans l’impasse comme le projet de traite transatlantique avec l’Europe. Les démocrates avaient refusé le « fast track » à Barack Obama lorsqu’ils contrôlaient la Chambre haute, peu de chance qu’il l’obtienne d’ici à la fin de son mandat de la nouvelle majorité républicaine qu‘il a choisi d’affronter avec la combinaison du veto et des décrets présidentiels – légalisation partielle de 4 millions d’immigrants clandestins, désormais bloquée par un juge fédéral..
Alors me direz-vous d’où vient votre relatif optimisme ? Tout simplement de la fin de cette administration qui n’aura a son actif qu’une reforme complexe et non encore concluante du système de sante pour couper le lien historiquement nécessaire entre couverture et statut d’actif employé. A ce jour, le quart des 40 millions non couverts aurait souscrit au nouveau système.
Les républicains sont désormais en contrôle des deux assemblées et ont déjà légiféré depuis début 2015 plus que durant toute l’année 2014, sous réserve du veto présidentiel annonce sur des textes parfois soutenus par une minorité de démocrates tels le fameux oléoduc Keystone qui transporterait du pétrole en provenance de l’Ouest canadien. Leur capacité a démontrer des résultats tangibles à un électorat lasse de la paralysie législative et de l’affrontement bipartisan le plus exacerbé de l’histoire constitutionnelle américaine, conditionnera largement le vote dit indépendant qui peut pérenniser le contrôle républicain du Congrès et assurer la conquête de la Maison Blanche en Novembre 2016.
J’avais écrit il y a un certain temps que mon cauchemar serait une élection affrontant Hillary Clinton et Jeb Bush, ce scenario a désormais une certaine probabilité, mais ma préférence va vers un autre choix, de personnalités nouvelles vraisemblablement Gouverneurs en fonction avec une expérience exécutive réelle.
Des noms tels Scott Walker, John Kasich ou Mike Pence chez les républicains, Andrew Cuomo ou Martin O’Malley chez les démocrates…
La campagne des primaires débutera dans une année, les candidats seront investis par les conventions en Juillet/ Aout 2016, tout est ouvert à ce stade et ne vous laissez pas influencer par des commentateurs qui annoncent déjà l’élection acquise d’Hillary Clinton face à Jeb Bush, beaucoup d’Américains ne sont pas favorables à ce choix qui pourrait provoquer la candidature d’un indépendant tel Michael Bloomberg, maire sortant de New York, et milliardaire…

Auteur: Jean-Claude Gruffat

Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.

1 Commentaire

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  • Gerldam

    24 février 2015

    SI la principale raison de votre optimisme est la fin du mandat- effectivement catastrophique- d’Obama, qui vous dit que nous n’allons pas tomber de Charybde en Scylla?
    Vu d’Europe, j’ai le sentiment qu’une part des USA se délite, que la partie dynamique n’arrive plus à compenser ces millions d’employés de Wallmart ou de MacDo, sans parler des sans emploi.
    Enfin, tant que les prix seront autant faussés par les banques centrales (cf. les excellents papiers de Charles Gave) et les taux à zéro, on ne voit guère qui peut en profiter en dehors des requins de Wall Street.

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