18 mars, 2015

Tiers payant et couverture des dépenses de santé.

Bien que résident aux Etats Unis, je suis néanmoins atterré par la réforme engagée au nom du gouvernement, sans beaucoup de concertation mais avec un certain nombre d’a priori idéologiques par Madame Touraine, Ministre de la Santé.

L’objectif est bien évidemment la réduction des couts, car en dépit d’un financement par des recettes dédiées, les cotisations sociales, le déficit annuel de la branche dite maladie est supérieur à  5 milliards d’Euros. Le refinancement des déficits cumulés des différents régimes est assuré par l’emprunt, hors budget et sur les marchés financiers, sans garantie explicite ou implicite de l’Etat, par la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale, ou CADES. Sa durée de vie déjà été étendue à plusieurs reprise, compte tenu des montants sans cesse croissant à refinancer, le remboursement devant théoriquement intervenir d’ici à 2025 par l’affectation totale des recettes sociales dites CRDS et partielle de la CSG.

Certes notre système de santé est encore présenté à tort comme un modèle, du fait de sa généralisation, d’une couverture quasi universelle, et des modalités de remboursement qui se comparent très favorablement du point de vue de l’utilisateur, à ce qui est pratique aux Etats Unis avant ou même après Affordable Care, le reforme phare de l’administration Obama.

De ce point de vue, à nouveau la France, comme on l’a déjà observé dans d’autres domaines, et ceci quel que soit le gouvernement en place, imite et transpose ce qui existe aux Etats Unis, notamment lorsque c’est critiquable.

En effet, un système, Medicare, dont bénéficient plus de 48 millions d’Américains, couvre par le biais d’un régime administré depuis 1966 au plan Fédéral, les personnes de plus de 65 ans – 40 millions – ou souffrant de certains handicaps permanents – plus de 8 millions – en terme de dépenses d’hospitalisations, de soins, et de médicaments.

La médecine n’étant qu’exceptionnellement salariée, à la différence de ce qui existe par exemple au Royaume Uni, les médecins peuvent accepter les honoraires fixés par l’Etat, choisir un régime mixte qui leur permet dans des cas limites de pratiquer des honoraires marginalement plus élevés, ou bien opter hors du système auquel cas ils ne prennent pas les patients bénéficiant de Medicare.

Une des caractéristiques de ce système est bien évidemment le tiers payant, le patient ne faisant pas l’avance des couts, mais le médecin procédant à une déclaration et sollicitant un remboursement qui interviendra dans un délai plus ou moins long.

L’expérience de plusieurs décennies montre une diminution sur la période du nombre de praticiens de sante acceptant les patients Medicare – ou Medicaid, c’est-à-dire en dessous d’un niveau minimum de revenus, définissant de fait le seuil d’indigence-.

Et le développement d’une médecine à deux vitesses, celle des actifs, et des retraites couverts par des assurances privées à la carte – vous pouvez choisir un quasi ticket modérateur , qualifie « high deductible », et ne vous couvrir qu’a partir de seuil relativement élevé de dépenses annuelles de santé, et celles des plus économiquement faibles qui ne peuvent accéder à ces praticiens qui récusent tout à la fois la tarification arbitraire et administrative des actes, et les délais de remboursement de Medicare ou Medicaid.

Et je suis perplexe lorsque j’entends Madame Touraine promettre des délais maximum de réception des remboursements sous 4 jours.

En bref, un nouveau pas dans l’étatisation des régimes de santé, après la carte administrative des spécialités hospitalières, on s’achemine vers une médecine quasi salariée, et à terme proche le développement d’une profession libérale accessible exclusivement aux plus favorises.

Alors que l’on manque déjà de médecins et que l’on en importe de certains pays notamment d’Europe Centrale et Orientale.

Les sondages semble-t-il donnent une majorité de Français favorables au tiers payant, je préfère pour ma part que mon médecin se consacre a son diagnostic plutôt qu’au remplissage des formulaires qui conditionnent ses entrées de revenus.

Les médecins verront moins de patients du fait de nouvelles contraintes bureaucratiques, ne se déplaceront plus, ce qui le cas aux Etats Unis, et consacreront moins de temps à leurs patients, ou alors les tarifs d’actes étant plafonnés, ils compenseront en réduisant le temps consacré à chaque patient.

Aucun de ces palliatifs ne contribuera à la qualité des soins.

Ni même à l’amélioration de leurs couts.

Enfin, le cout de la sante augmentera en terme de pourcentage du PNB, au delà de 12.5% dont nous nous félicitons.

Encore une reforme qui va dans le mauvais sens.

Hélas.

 

Auteur: Jean-Claude Gruffat

Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.

11 Commentaires

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  • Libre

    23 mars 2015

    Singapour ou Hong-kong peuvent nous monter la voie à suivre pour réformer le système de santé de ce pays…

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  • alri

    22 mars 2015

    Bonjour,
    En tant que médecin j’aimerai compléter le sujet:le vrai problème n’est pas celui du 1/3 payant, mis à part la catastrophe liée aux comptes sociaux deficitaires. Le vrai soucis pour un accès aux soins correct est que nous n’avons rien inventé d’original en France . Vous avez une médecine d’état trop chère et mal rémunérée . Le privé est soumis à toutes les taxes possibles en tant qu’entreprise médicale (urssaf . …) . Le vrai et méchant problème est celui en rapport avec l’augmentation progressive annuelle des tarifs des assurances des médecins . Du moment où la France à mis les pieds dans le business de la plainte, l’affaire est entendue . A un moment il ne sera plus possible de travailler aux tarifications à l’acte de la Secu . D’autant plus si le français se montre procédurier envers la profession et je peux vous assurer que l’état n’a rien prévu . Là est le vrai drame que personne ne voit encore. On ne peut avoir le meilleur des 2 mondes .

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    • Josick Croyal

      23 mars 2015

      D’où un « je ne prend plus de risque »…. pour le médecin de base… ?
      Risque transféré à l’hopital, CHU par exemple où les décisions prises sont collégiales ?

    • ALRI

      23 mars 2015

      Bonjour,
      le problème ne se pose pas tout à fait en ces termes. Les pathologies compliquées sont beaucoup traitées en clinique et sont d’ailleurs presque moins à risque médico-légale. Le problème est que les coûts de ces assurances augmentent de manière constante, quelle que soit la pathologie que vous traitez, simple y compris. Les investisseurs propriétaires de ces assurances ne le font pas pour l’amour de la médecine, en particulier en temps de crise…. Par ailleurs, je tiens à souligner que le problème est le même pour le publique qui doit lui assurer ces médecins (3 assurances en France) et qu’il n’y a pas de place pour tous les médecins dans les hôpitaux publiques. Donc nous avons à terme un très très gros problème car dans 10 ans assurance d’une chirurgien francais=assurance d’un chirurgien américain……. Cela n’inquiète personne?

  • PIETRIN

    20 mars 2015

    Le contexte politique:
    Il me semble parfaitement évident que Marifol Touraine menteuse patentée de l’ENA, ayant certainement des financements occultes de la part de la mutualité française, se posant en victime présumée de la colère des médecins est d’une malhonnêteté à toute épreuve.
    Le contexte économique:
    La Sécurité Sociale, si elle peut encore porter ce nom puisque prenant 100% des charges sociales pesant sur les entreprises et leurs employés, et ne remboursant – pour faire des économies- qu’à 65% maximum actes médicaux et médicaments, imposant des génériques honteusement sous efficients par rapport aux princeps, est devenu un organisme comptable et non mutuel comme son texte fondateur la définissait.
    Que les économistes comptables à la têtes de la sécurité social qui emploie plus de 153 000 salariés dont plus de 53% de cadres, est aussi en rupture avec ces employés qui ne peuvent s’exprimer directement alors que leurs hautes hiérarchies acceptent des gabegies du services publique qui plombent les budgets, acceptent d’être en accord avec les Laboratoires pharmaceutiques qui imposent des ruptures de stocks pour limiter certains traitement chers dans l’acte médico-technique, des traitements princeps mais génériques construits par les même labos mais ailleurs…
    Laboratoires qui comme Pfizer font un lobbying intense sur les Sociétés Savantes comme la Société Française de Neurochirurgie afin que les pontes décident en dehors de toute entendement scientifiques ou d’évidence de limiter l’accès au traitement par la neurostimulation des douleurs irréductibles, et par là enkystent la guerre entre qui fait quoi (Anesthésistes ? Neurochirurgien? ). Même laboratoire qui arrose l’HAS se voulant leader des bonnes pratiques cliniques mais qui par des recommandations où l’on peut lire entre les lignes, sans aucune paranoïa, les conflits d’intérêts occultes, là aussi versés aux experts qui rédigent un rapport tout à fait contestable.
    Dans ce contexte où laboratoires finances par derrière les responsables de la sécu, les mutuelles qui finances la rédaction d’une loi en leur totale faveur- construction socialiste et aveuglement stalinien administratif- via la ministre de la santé ancienne employée des mêmes mutuelles santé. Ces dernières qui finances aussi, outre leurs châteaux, MG France afin de s’aligner sur ce projet de loi.
    Conséquences:
    Les libertés individuelles des patients, des médecins sont menacées par ces politiques. Les libertés individuelles et les fondamentaux de 1789 sont menacés par une politique de santé qui n’en est pas une. Par une ministre qui n’en est pas une.
    LA LIBERTE EST MENACEE EN FRANCE.

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    • HATON

      20 mars 2015

      bonne analyse de PIETRIN: la liberté est en danger. Pourquoi ne pas saisir la commission de transparence de la vie politique afin de connaître les finances de la Ministre de la santé? Nous aux USA nous savons que si le président est mis en cause, les parlementaires peuvent saisir une procédure d’empêchement.
      Pourquoi les parlementaires Français ne sont pas capable de voir les manipulations désastreuses de la ministre qui pousse à ce que sa loi passe plus rapidement que les autres? Pourquoi ne pas voir qu’elle veut que la liberté soit sacrifiée sur le socle de l’économie? Quel aveuglement des politiques et parlementaires français. Quelle Honte pour la France!

  • jcgruffat

    19 mars 2015

    Je ne suis ni exagerement naïf, ni porte a l’humour sur les choses serieuses.
    Et je crois avoir ecrit que cette reforme etait ideologique bien que semble-t-il approuve pour de mauvaises raisons..

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  • GUIVARC'H

    19 mars 2015

    Les Français sont selon les sondages, largement favorable à la mise en place du tiers payant généralisé; comment ne le seraient-ils pas! Proposez la gratuité du pain, ils le seraient tout autant.
    Après avoir rendu obligatoire la souscription d’une complémentaire de santé, le tiers payant généralisé revient à rendre totalement opaque la part prise par la sécurité sociale dans le remboursement des frais médicaux.
    Comprenez qu’à terme la part de Sécurité sociale va diminuer et celle des mutuelles augmenter.
    Ne s’agit-il pas là d’une remise en cause de notre système sociale sans le dire? Le courage n’est pas la qualité première de nos élus et gouvernant, sinon nous n’en serions pas là.

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  • Gerldam

    19 mars 2015

    « L’objectif est bien évidemment la réduction des coûts ». Ou bien vous pratiquez l’humour au nième degré ou vous êtes bien naïf. L’objectif est purement idéologique: il restait un petit coin de pseudo libéral dans cette santé étatique et il devenait urgent de mettre ces médecins au pas et de les fonctionnariser, ce qui est le but ultime de tout régime collectiviste.
    Cette réforme est exclusivement idéologique et les français, majoritairement idiots, tombent dans le panneau et se déclarent d’accord avec une mesure qui les infantilise encore un peu plus. Ce pays se suicide lentement.

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  • Tiers payant

    18 mars 2015

    La généralisation du tiers payant n’a aucun sens!

    Celà consiste à donner une aide sociale initialement pratiquée à 35% des français les plus nécessiteux aux 65% des autres qui n’en ont pas besoin!

    Pire comme la collecte des franchises est un problème la ministre fait du patchwork en y accolant un accès conditionné à l’acceptation d’un prélèvement automatique et aléatoire (bien que plafonné pour l’instant à 150€/an) … Par là même les patients qui ont des fin de mois difficile, celà même qui bénéficiait du tiers payant sociale) ne pourront plus sous risque de compte débiteur, d’agio ou d’interdiction bancaire accéder au tiers payant dit généralisé…

    La boucle est bouclée… Cette réforme retire le droit des plus pauvres à bénéficier d’une facilité de caisse et le donne à ceux qui n’en ont pas besoin… BRAVO!
    http://tiers-payant.org/blog/2015/03/tiers-payant-pour-tous-sous-condition

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    • simple citoyen

      20 mars 2015

      « Tiers Payant », je m’étais fait très exactement la même réflexion.
      D’autant que rien n’a été précisé quant aux régimes « spécifiques » (à moins que cela ne m’ait échappé) CMU/CMUC ou AME.

      Pour ce qui est du mobile, si la diminution des coûts est un thème porteur, je ne le crois pas essentiel.

      Quel sont les résultats concrets de cette réforme:
      1. un pas de plus vers la fonctionnarisation et la mise sous tutelle de la médecine libérale, un peu à l’image de ce qui a été fait pour les paysans. On accroit les obligations administratives et réglementaires, on fragilise les modèles économiques, on impose de nouveaux rapports de force avec au final un modèle économique de moins en moins viable en libéral indépendant.
      2. la véritable économie est une économie de moyens en transférant vers les médecins privés une charge fonctionnelle et administrative nouvelle, avec sa cohorte de risques et responsabilités sans contrepartie pour les médecins libéraux. Par contre, aucune mention des économies de personnel au niveau des organismes de sécurité sociale pour ce travail en moins.
      3. un changement de paradigme également quant aux relations entre mutuelles, pharmaciens et médecins, au détriment des seconds, en particuliers en termes de rapport de force et d’encours de risques financiers
      4. une adaptation de plus du système français pour le rendre transatlantico compatible si vous me permettez cette expression. De très nombreux textes récents et dans tous les domaines ressemblent fortement à des préparatifs de fusion ou d’interconnexion forte.
      5. « Last but not least » la destruction sans concertation de ce qui faisait la force des médecins libéraux: le secret médical. Car de facto exit celui-ci.

      A quand le choix imposé du cabinet de soins quand ce ne sera pas du traitement?
      Personne n’en parle, mais j’entends des médecins se plaindre de l’immixtion toujours croissante des médecins conseils dans leur travail, allant jusqu’à des demandes d’autorisation préalables de soins.
      Si certains ont des infos sur ces pratiques, par ailleurs cohérentes avec ce qui est demandé au corps des médecins conseils chargés des relations avec les praticiens.

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