29 octobre, 2013

Seule une forte baisse du prix du pétrole pourrait faire repartir l’économie mondiale

Deux fois par an Charles Gave Président de GaveKal, invite ses clients pour leur faire part de sa vision de l’économie mondiale et des marchés financiers. C’est toujours un moment important, car il fait partie des rares stratégistes qui peuvent s’offrir le luxe de dire ce qu’il pense, car il est totalement indépendant et ne fait partie d’aucune chapelle subventionnée par les pouvoirs publics d’une façon ou d’une autre.

 

Voilà les principales idées qu’il a développées :

 

Les Banques centrales  manipulent plus que jamais les taux d’intérêt et les parités de  change.  Aux Etats Unis, en Europe, au Japon. Cela a pour conséquence que la volatilité des marchés  est devenue artificielle. Le fait que les  taux courts, au plus bas depuis 3 mois, soient maintenus trop bas depuis cinq ans et que le rendement du Bon du Trésor à  10 ans soit à  2,50% a trois effets :

1/ Des taux artificiels trop bas ne poussent pas les gouvernements à diminuer rapidement le niveau de  leurs dépenses publiques. Le gouvernement français aime à répéter que le fait que l’ Agence France Trésor ait pu réaliser,  depuis le début de l’année,  tous ses refinancements au taux de 1,49% serait le signe de l’hommage rendu par les investisseurs internationaux à la grande sagesse de la politique économique française !

2/ Ils amènent une baisse structurelle de la croissance. Toutes les périodes de laxisme monétaire excessif entrainent une croissance de la sphère de l’Etat au détriment du secteur privé.

3/ Ils provoquent une très mauvaise allocation du capital.  Quand la bulle keynésienne éclate, elle se produit sur des actifs improductifs comme l’immobilier. Les systèmes complexes dont on a supprimé artificiellement l’instabilité deviennent très fragiles. Ces systèmes artificiellement contraints sont enclins à ce que Nassim Taleb économiste  appelle les « cygnes noirs »…

 

Les montants spectaculaires de liquidités mis par les banques centrales à la disposition des banques pour faire baisser les taux d’intérêts, ont très peu servi à financer l’économie réelle et beaucoup à provoquer des bulles dans de nombreuses classes d’actif comme les actions, l’immobilier et les œuvres d’art. Il existe curieusement un consensus parmi les différentes cercles d’économistes (les économistes de Gauche, les économistes du Front de Gauche, les économistes progressistes, les économistes atterrés, les économistes déconomistes etc…) pour penser que les taux d’intérêts proches de zéro permettent de relancer la croissance. L’examen de la réalité montre que depuis cinq ans, ce n’est absolument pas le cas comme on peut le constater.

 

Une forte baisse du prix du pétrole de l’ordre de 50% serait une des routes qui pourrait permettre à l’économie mondiale de repartir. Le développement du gaz et du pétrole de schiste aux Etats Unis, en diminuant leur dépendance par rapport au Moyen Orient fait partie de cette stratégie.

 

Quand le rendement des obligations américaines (notés BAA ) émises par les entreprises est supérieur de 250 points de base à celui de la croissance de l’économie, ce qui est presque le cas en ce moment, on a peu de temps après une récession. C’est ce qui s’est produit depuis 60 ans, chaque fois que l’événement s’est produit. Une récession peut se transformer en dépression si la Fed  baisse ses interventions trop rapidement. C’est tout le problème du fameux « tapering », l’ajustement auquel doit procéder la banque centrale américaine.

 

L’avalanche de liquidités procurées par la Federal Reserve américaine fait baisser le Dollar qui est la monnaie de réserve du commerce mondial. La balance des paiements courants des Etats Unis est excédentaire avec le monde entier sauf avec la Chine et les pays qui lui fournissent du pétrole. Plus cette balance va s’améliorer, avec le retour de la compétitivité de l’industrie américaine,  plus cela constituera une mauvaise pour l’économie mondiale. En effet, les Etats Unis sont le premier fournisseur de la liquidité internationale. Chaque fois que cet événement s’est produit dans le passé, il s’est produit des crises financières en dehors des Etats Unis. Même si le Renminbi progresse sa montée en puissance prendra de nombreuses années

 

L’Euro est surévalué surtout par rapport au dollar, après le remboursement des LTRO par les banques. Ces « Long Term Refinancing Operations” sont le dispositif qui avait permis à la BCE d’apporter des liquidités aux banques qui n’étaient plus en position d’emprunter sur les marchés. L’Euro reste un système bancal qui ne peut fonctionner dans la durée puisqu’il n’existe pas de mécanisme d’ajustement des différences de productivité des pays membres. Autrefois ces différences étaient réglées par des dévaluations ponctuelles devenues impossibles. Ce qui ne peut s’ajuster a vocation à exploser dans un cadre où des pays qui ont des stratégies économiques et fiscales totalement différentes partagent la même monnaie.

 

Le marché américain n’est plus bon marché surtout après sa surperformance des derniers mois. Son Price/Earning Ratio (=rapport Cours de bourse/Bénéfices) se trouve autour de 16X soit sa moyenne historique.  Malgré ce niveau de valorisation peu d’investisseurs ont le courage  de ne plus être exposé aux valeurs américaines. Il faut faire attention car les marges des entreprises sont proches de leur plus haut et les bénéfices ne sont pas sur une trajectoire très dynamique, comme le démontrent les nombreux avertissements sur résultat.

 

En Asie les marchés attractifs sont le Japon et la Chine

 

Pour Louis Gave de GaveKal à Hong Kong, la Chine enregistre en ce moment des chiffres économiques meilleurs que prévus. L’inflation est sous contrôle et on assiste à une montée régulière du Renminbi. C’est la seule devise asiatique à être en hausse. Près de 18% du commerce extérieur chinois est réalisé maintenant en Renminbi.

Sur les marchés financiers en Asie, l’acheteur final qui détermine les flux est soit le particulier soit l’investisseur étranger. Cela donne des vagues de marché très puissantes.

Aujourd’hui les marchés en Asie sont sous évalués.

 

Le Japon est probablement le marché le plus intéressant à condition de se couvrir contre la baisse du Yen. L’épargne des ménages japonais représente 8000Md$  qui pour le moment ne leur rapporte pratiquement rien. Acheter les actifs que les épargnants japonais vont acheter semble être un des thèmes d’investissement forts pour les prochaines années,  comme cela avait été le cas il y a dix ans avec la Chine. Il faut être prudent sur les pays qui sont très dépendants de la liquidité dollar comme l’Australie et la Nouvelle Zélande. La Corée, Taiwan et Singapour offrent aussi des opportunités.

 

Le Japon va concurrencer l’Allemagne. Ils en ont les moyens avec les 8000Md$ d’épargne des ménages japonais qui ne rapportent quasiment rien. Les investisseurs avisés essaieront d’acheter les classes d’actif qui seront attractives pour Madame Watanabe l’épargnante japonaise type. Curieusement, depuis le début de l’année elle a acheté pour 65Md$  d’obligations du Trésor émises par le gouvernement français, car elle apprécie beaucoup le rendement.

 

En Europe, le « keynésianisme thatchérien » est en marche partout sauf en France

 

L’Europe était une zone instable. Il fallait stopper l’agonie politique de l’Europe.

Un armistice a été signé sur les  plans budgétaire (moins d’austérité..) et monétaire (la BCE a mis en place l’OMT avec l’accord de l’Allemagne). L’Europe est donc devenue une zone moins restrictive que le reste du monde. Tous les pays qui se redressent pratiquent comme le décrit François-Xavier Chauchat de GaveKal un « keynésianisme thatchérien » qui consiste à piloter plus intelligemment l’économie. Après les élections allemandes, cet armistice a peu de chances d’être rompu. Les actifs européens sont historiquement encore sous évalués en absolu et en relatif. C’est le secteur considéré comme « value » qui devrait encore monter (banques, télécoms, énergie)

 

La France était au bord de la dépression. François Hollande n’a visiblement pas encore assimilé les parcours de Gerard Schröder et de Tony Blair.  L’Allemagne avec son nouveau gouvernement devrait s’engager dans une relance budgétaire pour stimuler la consommation intérieure au moment où les exportations allemandes vont souffrir de la baisse du yen. La Grande Bretagne crée des emplois. L’Italie est sortie de la procédure de déficit excessive,

 

 

Le gouvernement français continue semaines après semaines à envoyer de très mauvais signes envoyés à l’économie française. Ils sont si nombreux cette semaine qu’il devient presque impossible de les commenter tous :

 

L’attaque sur les prélèvements sociaux déclenchée par le gouvernement pour boucler son budget se solde par un recul du gouvernement. Il a voulu augmenter la taxation des gains réalisés lors du rachat de produits de placement comme le PEA, le PEL et les contrats d’assurance vie. Il s’agissait d’appliquer un taux de prélèvement uniforme de 15,5% sur l’ensemble des gains réalisés depuis 1997, année qui correspond à l’entrée de ces produits dans l’assiette de la CSG…

 

Pour les contrats d’assurance vie, qui prévoit d’ajouter aux revenus de l’année la valorisation latente de l’épargne placée en assurance vie, André Lévy Lang, ancien Président de Paribas a montré dans un article des Echos, que si le dispositif envisagé par le gouvernement était mis en place on arriverait, pour un contribuable qui a acheté un appartement à Paris et constitué un portefeuille d’actions avec de l’épargne qui a déjà payé l’impôt, à un taux effectif d’imposition de 98% (75%+15,5%+7,5%).

 

 

La super taxe sur le capital,  soit une imposition automatique de 10% sur tous les ménages disposant d’une épargne positive pourrait enfin être mise en place par les brillants esprits en charge de la fiscalité. Ce serait probablement l’apothéose de la période de répression financière que nous sommes en train de vivre….

 

 

 

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

15 Commentaires

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  • Nicolas

    1 novembre 2013

    Bref, sauf miracle tout indique que nous allons vers une crise sévère..

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  • david

    31 octobre 2013

    bonjour,
    Une baisse de 50% du prix du pétrole entrainerait une hausse du PIB mondial ?
    ça semble plausible.
    Mais une hausse de l’activité va immanquablement tirer sur les flux d’approvisionnement en pétrole, ce qui va faire forcement remonter les prix.
    Donc cette reprise a coup d’énergie a bon compte ne me semblerai pas très solide, et il faudrait être rapide pour la mesurer.
    Cordialement.

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  • f de carbonnel

    30 octobre 2013

    juste et bien vu.
    une confiscation de 10% ou plus des épargnes dans les pays endettes est certaine, et préparée depuis des semaines par articles et déclarations, dont le FMI!
    et les mouvements sociaux en France contre les impots et taxes ne peuvent que les forcer à le faire vite.
    MAIS elle ne peut fonctionner que si ils cantonnent les fonds, donc controles des changes. Il faut s attendre à une fermeture surprise des frontières financières de la zone EURO, d ailleurs prévue, meme pays par pays, par l article 65 du traité de Maastricht…

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    • Nicolas

      30 octobre 2013

      Tsss, s’ils font cela, leurs têtes finis au bout d’une pique, et ils le savent bien les Socialos.. Ou flingués en masse comme en norvege, je crois..

    • Jean Jacques Netter

      2 novembre 2013

      Cher François
      Let’s keep fighting….

  • vieux dinosaure

    30 octobre 2013

    Le probleme de la dette au niveau global est ambigu.
    La dette de Pierre c’est l’actif de Paul. Les interets que Pierre paie c’est le revenu de Paul. Si Pierre ne rembourse pas sa dette , par definition il sera moins endette, et Paul aura perdu. Match nul.
    Donc en regardant la contrepartie de la dette, la situation semble moins alarmante qu’il ne parait. C’est un jeu a somme nulle. Au Japon ca dure depuis plus de 20 ans et il n’y a pas de cataclysme annonce a l’horizon.
    Les fameux « twin deficits » des Etats Unis au debut des annees 80 ont finalement ete resorbes graduellement, et pourtant a l’epoque tout le monde annoncait la fin du monde…
    Et tout cela, bien que la dette servait a financer la consommation plutot que les investissements.

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    • Roger Duberger

      30 octobre 2013

      Bonsoir,
      Je ne crois pas que le Japon aille très bien depuis 20 ans, et avec la dévaluation de sa monnaie, il va entrer en concurrence frontale avec l’Allemagne….
      Par ailleurs quand un prêteur perd son capital, il n’est plus enclin à prêter…Une société sans crédit est une société fichue…
      Je partage votre vision des placements que j’ai pu lire sous des articles de Ch Gave.
      Cordialement

  • Poutine7

    30 octobre 2013

    Bonjour Jean-Jacques,

    N’est-ce pas paradoxal de considérer le Japon pour un marché attractif alors que Shinzo Abe fait tourner à fond sa planche à billet (cf introduction de votre billet sur les effets délétères du laxisme monétaire) ?

    Je suis également favorable au marché japonais pour d’autres raisons :
    – qualité des produits,
    – qualité de l’innovation,
    – positionnement très fort sur le silver-market,
    – regain de fierté nationale etc

    Répondre
  • BA

    30 octobre 2013

    Depuis plusieurs années, l’économie des pays européens ne repose que sur … de la dette.

    De la dette des ménages. Et aussi de la dette des entreprises. Et aussi de la dette publique.

    Ces trois dettes forment de gigantesques bulles qui vont bientôt éclater.

    Quand ces bulles éclateront, les pays européens vont subir un effondrement économique et financier.

    En utilisant les chiffres d’Eurostat, nous pouvons additionner ces trois dettes :

    dette des ménages + dette des entreprises + dette publique.

    1- Médaille d’or : Irlande : dette totale de 432,2 % du PIB.

    2- Médaille d’argent : Chypre : dette totale de 394,7 % du PIB.

    3- Médaille de bronze : Portugal : dette totale de 356,3 % du PIB.

    4- Luxembourg : dette totale de 340,5 % du PIB.

    5- Grèce : dette totale de 299,4 % du PIB.

    6- Pays-Bas : dette totale de 294,9 % du PIB.

    7- Royaume-Uni : dette totale de 291 % du PIB.

    8- Espagne : dette totale de 287,9 % du PIB.

    9- Danemark : dette totale de 284,7 % du PIB.

    10- Italie : dette totale de 260,1 % du PIB.

    11- Suède : dette totale de 255,1 % du PIB.

    12- Belgique : dette totale de 251,4 % du PIB.

    13- France : dette totale de 234,1 % du PIB.

    14- Malte : dette totale de 231,5 % du PIB.

    15- Autriche : dette totale de 222,6 % du PIB.

    16- Finlande : dette totale de 217,7 % du PIB.

    Source pour la dette des ménages et la dette des entreprises :

    http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&init=1&language=fr&pcode=tipspd20&plugin=0

    Répondre
  • Sirius

    30 octobre 2013

    Cher JJN,
    Je ne vois pas comment le pétrole pourrait baisser durablement à moyen terme. Il va falloir encore du temps au pétrole de schiste et autres pour peser.
    Dans une hypothèse de prix bas, je pense qu’il y aura toujours quelqu’un pour payer plus pour en avoir. Car sans pétrole la vie s’arrête.
    Et je ne vois pas tellement pourquoi ce serait à la filière pétrolière de se serrer la ceinture pour les autres ?
    En revanche, comme vous, je constate avec une grande incrédulité le niveau de l’EUR/USD que je ne m’explique pas !!
    Bien à vous

    Répondre
  • idlibertes

    29 octobre 2013

    on a peu de temps avant que cela ne devienne une dépression , pour agir. Un peu comme une septicémie en somme.

    Répondre
  • Libre

    29 octobre 2013

    Ni le pétrole, ni les matières premières, ni l’immobilier ne baisserons car les banques centrales font « tourner la planche à billets »…Il faut d’urgence reformer leur statut pour étendre leur compétence à la stabilité du prix des actifs…

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  • Thibs

    29 octobre 2013

    « on a peu de temps après une récession »? Je ne saisis pas le sens de la formule. « on a peu de temps avant une récession? »

    Répondre
    • LNB

      29 octobre 2013

      Nous avons, peu de temps après, une récession. La tournure m’a un peu surpris aussi… Mais ce n’est pas incorrect.

  • Roger Duberger

    29 octobre 2013

    Merci Mr Netter,
    Très interessant article, hélas je ne crois pas que le pétrole baisse.
    Par contre j’ai peur que l’Europe connaisse de graves problèmes tandis que la Chine va prospérer. Aux USA les marchés progressent mais la population n’accroit pas son pouvoir d’achat, en Europe c’est pareil, il n’y a qu’en Chine et Asie qu’il y a une vraie croissance économique avec enrichissement de la population. Si je devais placer de l’argent c’est labas que j’essaierai…
    Cordialement

    Répondre

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