12 octobre, 2010

Petit apercu de la dette étatique française

Pour ma part, je suis persuadé que l’État possède d’énormes actifs qui pourraient être vendus, mais malheureusement je n’ai pas la moindre idée de ce que vaut ce patrimoine et, qui plus est, je doute beaucoup de la volonté de notre classe politique de mener des privatisations tant le contrôle de ces activités est source de pouvoir et donc de réélection pour nos classes dirigeantes (par exemple, l’hôpital public est le plus gros employeur dans de nombreuses communes en France). Elle s’y résoudra bien sûr, mais en dernier recours tant il est évident qu’il n’y aura pas de solution à l’endettement de l’État français sans privatisations massives. Les méthodes à utiliser en fin de parcours, pour éviter la faillite qui nous guette, sont connues. Des pays comme la Suède, le Canada ou la Grande-Bretagne de Mrs Thatcher ont réussi à sortir du piège infernal dans lequel eux aussi étaient tombés. Mais ils ne l’ont fait que contraints et forcés. Depuis, curieusement, et à la stupéfaction  des keynésiens de tout poil qui sévissent en France et sont payés la plupart du temps par l’État, ces pays vont très bien, à l’exception de ces pauvres Anglais qui ont subi une rechute keynésienne avec l’Écossais Brown.

En résumé, ne connaissant pas la valeur des actifs de l’État français et ne pouvant donc rapprocher un stock à un stock, nous allons devoir comparer un flux à un flux. Dans le cas de la dette, le flux le plus représentatif est ce qu’il est convenu d’appeler le service de la dette.

Considérons une notion assez simple: si l’on emprunte 100 euros à 7%, le service de la dette sera de 7 euros par an.

Si l’on emprunte les mêmes 100 euros à 3%, nous devrons payer 3 euros d’intérêt par an. Or, la seule chose qui figure dans le budget annuel n’est pas le montant ou la variation de la dette, mais le coût de son portage. Et c’est là que les choses deviennent intéressantes. En effet, depuis 1994, les taux auxquels la France a emprunté n’ont cessé de baisser, comme en fait foi le graphique ci dessous

.

Depuis 1995, les taux courts (bons du Trésor à trois mois) sont passés de 8% à 0,25 %, tandis que les taux longs, qui étaient aussi aux alentours de 8%, sont maintenant à 3%.

Cette baisse des taux a eu un effet merveilleux sur le service de la dette de l’État français, comme le montre le graphique suivant.

Depuis 1995, la dette de l’État français a quadruplé, mais le service de cette dette est resté constant, aux alentours de 30 milliards d’euros par an (en retenant le taux moyen annuel)! Il est très probable que les chiffres réels sont un peu différents. La réalité reste la même : le service de la dette n’a pas augmenté depuis 1994. Mais c’est quand on rapporte le service de cette dette au PNB, comparant de ce fait un flux à un flux, que les choses deviennent miraculeuses.

En 1994, l’État consacrait 3% du PNB français au service de la dette qu’il avait émise dans le passé. Aujourd’hui, seize ans après, et bien que la dette ait quadruplé, il ne lui en coûte plus que 1,5% sous le double effet de la baisse des taux d’intérêt et de la hausse du PNB. Pourquoi l’homme politique de base ferait-il le moindre effort ? Les solutions sont en effet fort simples :

• réformer dans la douleur ;

• emprunter (sans douleur) en espérant que cet état de fait durerait au moins autant que sa présence au pouvoir.

On peut tout demander à nos hommes politiques, sauf d’être des kamikazes.

Extrait de 

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

3 Commentaires

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  • Lebrun

    10 novembre 2010

    Bonjour Monsieur Gave,

    Retraité après avoir cédé mon entreprise, je dispose d’un capital qui m’a amené à m’intéresser plus étroitement à l’économie depuis quelques années. Après avoir dévoré bien des documents, je vous avoue me délecter de vos ouvrages et cela pour leur dimension économique mais surtout dans leur dimension philosophique.

    Reste que la question de William du 14 octobre est des plus pertinente et j’attends aussi votre point de vue sur cette question pour le cas très « pratique ».

    Bien à vous et merci pour vos publications et interventions.

    Michel

    Répondre
  • William

    14 octobre 2010

    Bonjour Mr Gave,

    J’ai assisté avec beaucoup d’intérêt à votre conférence hier soir à la Sorbonne. Vos explications sont très claires. La situation économique de notre pays est alarmiste. Cette situation m’induit à réfléchir sur mon allocation patrimoniale, à savoir : est il raisonnable d’avoir une partie conséquente de son patrimoine en assurance vie (+60% du patrimoine global) ?

    Conscient que le rendement des actions va être bien meilleur que le rendement des obligations sur les dix prochaines années, mon patrimoine (assurance vie et en direct) est investi principalement (+80%) dans des grosses sociétés exportatrices (luxe, chimie spécialisée, etc.) qui dégagent un dividende global d’environ 2 à 3%, en progression stable depuis de nombreuses années (PPR, Air liquide). Ma stratégie consiste à ne pas trop regarder la volatilité du marché avec un objectif à 10 ans tout en touchant des revenus réguliers grâce aux dividendes. 60% de mon patrimoine financier est logé dans des unités de compte afin d’assurer la transmission de mon patrimoine. Hors, je me demande s’il ne serait pas préférable de clôturer mes contrats pour investir directement au porteur dans des sociétés cotées ? Malheureusement, clôturer mes contrats reviendrait à tirer une croix sur l’exonération des droits de succession au profit d’un risque « potentiel », non calculé, de perte en capital.

    La conférence d’hier soir m’a profondément perturbé sur la fragilité des compagnies d’assurance vie dans le cas d’un défaut de paiement de la France sur sa dette. En effet, les importantes sommes que j’ai versées dans mes contrats d’assurance-vie appartiennent de fait à l’Assureur. En contrepartie de l’abandon (tout relatif mais bien réel du point de vue légal) de la pleine propriété des capitaux que j’ai logé dans mes contrats d’assurance-vie, je suis devenu propriétaire d’une créance du même montant sur la compagnie d’assurance qui gère mes contrats. Donc tout se passe comme si c’était l’Assureur qui contractait une dette envers moi… et je suis donc devenu un de ses créanciers (ce détail à toute son importance dans le cas d’une faillite!).

    Dans le cas où ma Compagnie d’Assurance se retrouverait en fâcheuse posture (notamment dans le cadre d’un défaut de la dette Française qui mettrait à mal les portefeuilles d’obligations libellées en euros que détiendrait l’Assureur), celle-ci dispose d’une mesure d’exception, à savoir endiguer les sorties précipitées des épargnants, elle peut limiter les montants des rachats que je souhaiterais effectuer, voire les « geler » tout simplement quitte à les étaler dans le temps ensuite.

    Ce scenario, certes catastrophique, serait pourtant le meilleur remède pour ne pas spolier les épargnants qui avaient anticipés la crise de la dette en privilégiant massivement l’allocation d’actions dans leurs unités de compte. Cependant, j’ai des doutes sur la faisabilité d’un tel scénario, car les pertes provenant des obligations Françaises seraient tellement gigantesques que la compagnie d’assurance serait asphyxiée.

    Si ma compagnie d’assurance fait faillite, mon sort dépendra alors du bon vouloir des états à la renflouer. Si en plus l’état censé « garantir » se trouve en défaut de paiement, j’ai alors peu de chances, quand bien même mes contrats seraient investis à +80% en actions, de récupérer les sommes logées dans mes contrats d’assurance vie. En effet, les détenteurs d’unité de compte se retrouveraient dans le même bateau que les détenteurs de fonds en euros, et au même rang que les divers créanciers de la compagnie. De plus, je crois savoir que la créance est estimée en montant nominal et non en fonction du support (unités de compte ou fonds en euros) sur lequel cette créance était investie et libellée dans les livres de la compagnie.

    Il s’agirait donc d’une spoliation « effective » des compagnies d’assurances sur leurs clients qui résulterait de leurs faillites, les créanciers se trouvant tous au même niveau et au même rang pour être indemnisés en fonction des actifs restants dans le portefeuille de l’Assureur. Dans ce cas précis, de faillite de ma compagnie d’assurance vie, j’ai tout intérêt à anticiper, dés à présent, la sortie progressive des fonds qui sont logés dans mes unités de compte. J’avoue être complètement perdu. Dois-je clôturer mes contrats (qui ont +8ans) et tirer une croix définitive sur l’exonération des droits de succession ? Ou dois-je prendre le risque de rester avec ma compagnie d’assurance et d’assurer la transmission de mon patrimoine ? Quelle est à la probabilité qu’une compagnie d’assurance Française fasse faillite (à savoir Cardif)?

    Mille mercis pour le temps que vous vous voudrez bien consacrer à me donner votre avis sur cette situation qui me préoccupe énormément.

    William

    Répondre
    • jepirad

      10 décembre 2011

      Pour ce qui me concerne je préfère encore et maintenant toujours prêter à L’Etat français (via un système d’assurance vie) plutôt qu’au privé (via des FCP ou autres systèmes dont profitent des spécultateurs et pour lesquels l’avenir est incertain).
      Je pense que ce n’est pas demain la veille que le pays sera dirigé dans l’anarchie la plus totale (via un libéralisme absolu). L’Etat a pour rôle de collecter de l’argent pour mener des missions qui se traduisent par des programmes et des actions dans l’intérêt de tous.
      C’est ainsi que la richesse est répartie le plus équitablement même si de gros progrès restent à faire.
      C’est la vraie démocratie de notre société à laquelle j’adhère totalement.

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