23 janvier, 2014

Non,le soldat Hollande ne sauvera pas la France, pas seul.

Pour faire face aux dépenses croissantes de l’État, l’équipe au pouvoir a accentué la pression fiscale et augmenté les prélèvements sur l’appareil de production et sur la consommation. Bien sur, ce qui devait arriver, arriva. Le cycle des affaires, plombé par des marges de plus en plus faibles, devint moins rémunérateur, limita les investissements et les embauches. Pire encore, le rendement fiscal se mit à plonger (moins dix milliards en 2013).

Un choix préféré à celui, indispensable,  de rendre l’État plus léger et moins consommateur de ressources financières désormais confisquées à la dynamique des affaires. Ce sujet qui a fait reculer bien des gouvernements est devenu la proie de tous les commentateurs engagés désormais dans une belle cacophonie. Et chacun de poser le sac de ses idées préconçues pour le vendre à l’encan dans un pays à la faible culture économique, où la majorité des enseignants, des fonctionnaires, des syndicalistes et bon nombre d’élus considèrent l’entreprise comme un lieu d’exploitation avant que d’être un moteur de la richesse nationale. On est mal barré !

Et puis, comment rectifier durablement la situation ? De gauche comme de droite, les élus de tous bords et les petits camarades aux affaires vivent majoritairement de ces ponctions invraisemblables qui anémient notre économie. De droite comme gauche, la France est au régime de l’irresponsabilité collective. Il ne faut pas longtemps au citoyen un peu curieux pour trouver sur le terrain moult exemples de ces dérives venues de tous les horizons politiques. Ne vous avisez pas de les mettre en question. Les fautifs vous démontreront bien vite que « d’autres » font bien pire. Cette dérive généralisée de la vie publique française nous amène droit à la catastrophe. Bien sur, l’élite du Tiers Etat et ses élus n’a pas un visage uniforme. Partout dans les troupes de la haute fonction publique de grands cadres, des dirigeants, des fonctionnaires et quelques élus plus lucides et courageux que d’autres tentent de sauver un pays qui se laisse aller à la démagogie et au refus de l’effort douloureux. Des femmes et des hommes qui vous racontent les pièges que l’on ne cesse de mettre devant leurs efforts pour moderniser leur pays, faire évoluer des idées d’un autre siècle, pour introduire à la place d’un idéalisme chauvin et souvent sectaire, un peu de pragmatisme. Ils vous disent l’impossibilité de réduire les coûts à cause de la résistance des petits élus accrochés à leurs prérogatives. Ils vous racontent aussi le refus d’un ministre ou de son équipe à faire évoluer ses analyses et ses actions par fierté mal placée, par peur de se déjuger, de déjuger son camp ou son idéologie en oubliant cet avertissement de Tony Blair, prononcé dans l’enceinte même de notre Assemblée Nationale : «L’économie n’est ni de droite, ni de gauche. Elle est bonne ou mauvaise. ».

Il est vrai que le contraste est consternant entre l’activisme militaire de notre commandant en chef des armées et la procrastination du chef de l’État. Quelles qu’en soient les justifications, celle-ci ne peut plus durer. La presse ne cesse d’en faire des titres et les opposants, des têtes de gondoles pour leurs programmes respectifs, mais fait-on une politique sur la seule base du refus de celle de l’adversaire !? Comment ne pas renvoyer dos à dos les protagonistes d’un duel fratricide mettant la France en péril. Masquée par les chamailleries parfois sordides des élus de tous horizons politiques, notre pays va droit vers une catastrophe mainte fois annoncée. Comment ne pas voir dans le contrat de gouvernement entre le CDU, parti d’Angela Merkel, et le SPD de Sigmar Gabriel, un exemple du pragmatisme politique de nos voisins allemands. Malgré la domination du CDU d’Angela Merkel, qui avait obtenu 41,5% des voix contre 25,7% pour le SPD, la chancelière a su  faire les concessions indispensables pour inventer un contrat de coalition garantissant l’efficacité du fonctionnement de l’appareil d’Etat Allemand.

Nous ne nous sauverons pas par des doses homéopathiques et des discours sans réalité concrète alors que notre lente descente aux enfers se poursuit. Pour l’immédiat, la situation actuelle me fait penser à la fuite à Varennes de Louis XVI… courage, fuyons ! Ça va mal finir !  La dette de la France continue de croitre quoi qu’en dise Bercy[1]. La faiblesse des investissements due aux coûts d’exploitation trop importants de l’entreprise France, mais aussi à une redistribution – couvrant plus de 50% de la population – qui s’est emballée depuis des décennies, pour cause  de clientélisme, aliène littéralement toute possibilité de rebond. Il ne faut rien attendre de partenaires frileux et égoïstes mais imposer sans faiblesse une politique de restructuration de l’État et de son fonctionnement. Chaque heure qui passe, ce sont des dizaines et des dizaines de millions de déficit supplémentaire, ce sont des magouilles de plus en plus grosses pour manipuler le déficit officiel que l’on planque dans les comptes de différents organismes para-étatiques (Santé, retraite, EDF, SNCF etc..) et qui n’est pas compté selon les critères de Maastricht. Ce qui accentue encore notre dette réelle. De leur côté, la plupart des entreprises ayant l’État dans leur tour de table ou qui en attendent des subsides, doivent forcer sur l’embauche et les investissements, même s’ils savent que cela dégrade leurs marges et les fragilise face à la concurrence.  Tous les indicateurs nous montrent un pays au bord de la faillite… mais n’est-elle pas d’abord morale quand on voit que la représentation nationale, toutes tendances politiques confondues, n’arrive pas à se mobiliser pour un sursaut indispensable. Il me parait clair que la France vit plus qu’une crise politique et économique : une grave crise des corps constitués dont la presse ne dit rien, ou pas grand chose. Situation que résume cruellement Margaret Wente dans le Globe and Mail du 6 juillet 2013 : La France est gouvernée par une minuscule élite incestueuse du monde politique, des affaires et des médias, qui mange, boit et couche ensemble sans avoir l’ombre d’une idée sur les moyens de résoudre les terribles problèmes du pays. Non, le soldat Hollande, seul, ne pourra pas sauver la France. Les français l’ont compris qui, s’ils blâment sa politique, ne sont pas pressés de voir ses adversaires aux manettes.

Denis Ettighoffer


[1] En 2012, des recettes prévues de 290,8 milliards d’euros pour une dépense de 372,2 milliards, et en 2013, une recette prévue de 298,6 milliards d’euros (qui ne sera pas atteinte pour cause de mauvaises rentrées des taxes) pour une dépense prévue de 395,5 milliards d’euros. On notera que contrairement au discours officiel, il n’y a pas de diminution de la dépense d’une année sur l’autre, ensuite que le déficit entre les entrées et les dépenses est passé de 82,4 à 96,9 milliards. Il sera  à nouveau financé par des emprunts pour couvrir une dette toujours croissante.

Auteur: Denis Ettighoffer

Denis Ettighoffer, 68 ans, est une figure connue des spécialistes en technologies de l’information et de la communication et en sciences sociales et économiques. On lui doit les premières réflexions avancées sur L'Entreprise Virtuelle, son premier livre début des années 90. Denis Ettighoffer, ex-directeur de Bossard Consultants, conseil en management & organisation, est intervenu auprès de grandes sociétés, d’administrations centrales et de nombreuses collectivités territoriales. En 1992, il a fondé Eurotechnopolis Institut avec pour ambition d'étudier les impacts de la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) sur notre société, l'économie, la compétitivité de nos entreprises et sur nos façons de concevoir le travail.

9 Commentaires

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  • Robert Marchenoir

    23 janvier 2014

    « La France est gouvernée par une minuscule élite incestueuse du monde politique, des affaires et des médias. »

    Est-on sûr, justement, qu’elle soit minuscule ? Où sont les frontières de l’élite ? Si elles s’arrêtent aux élus, elle comporte, tout de même, 400 000 personnes (de mémoire), plus les représentants des affaires et des médias. Si elles englobent la fonction publique au sens strict, et plus encore au sens étendu, on est très loin d’une minuscule élite.

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    • Poutine7

      23 janvier 2014

      « La France est gouvernée par une minuscule élite incestueuse du monde politique, des affaires et des médias. » on pourrait dire la même chose des Etats-Unis, de la Chine, la Russie etc. Sauf qu’elle est dangereuse aux Etats Unis, particulièrement nulle en France, efficace en Chine et en Russie

    • T.

      25 janvier 2014

      Parfaitement résumé…. avis partagé….

  • Strauss Patrick

    23 janvier 2014

    Il y a bien longtemps que tous les diagnostiques sont faits, avant même Mitterrand, MAIS que rien ne change.Ou sont les hommes d’honneur prêts à donner leur vie pour éliminer les prévaricateurs? Quelles méthodes employer pour que la critique devienne enfin efficace?

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  • Gerald Muller

    23 janvier 2014

    Le drame, c’est que le seul parti qui se présente contre cet UMPS est encore plus étatiste que ceux qu’il critique.
    Nous sommes mal barrés.

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  • Poutine7

    23 janvier 2014

    Bonjour,

    Mouais mouais, mouais :
    – la politique de la grande coalition allemande a tout de même conduit à une sortie du nucléaire et à la mise en place de subventions délirantes des énergies renouvelables ce qui est en train d’asphyxier le secteur électrique allemand (manipulation des prix, centrales classiques devenues artificiellement non rentables, menace de black-out etc). Par ailleurs Merkel2 est de plus en plus socialisante (mise en place d’un salaire minimum),
    – duel droite-gauche ? d’abord il faudrait qu’il y ait vraiment duel autre que verbal. Tout le monde est copain comme cochon et cochonne. Droite et gauche ne veulent plus rien dire en France. Economiquement, ils sont tous 2 étatistes, « sociétalement » ce sont les enfants de mai 68. Pour le coup, quelqu’un profite de cette formule qui résume bien « l’UMPS ».

    Seul un vrai renouveau en profondeur de TOUTE la classe politique peut améliorer les choses

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    • alberto1

      25 janvier 2014

      Il est vrai que l’abandon par l’Allemagne du nucléaire au profit des énergies renouvelables est une catastrophe financière, mais n’est-ce pas là le prix à payer pour le consensus politique dont l’absence coûterait encore plus cher? Surtout dès lors que les Allemands revenus à l’équilibre budgétaire ont les moyens de payer….

    • kelepokepick

      25 janvier 2014

      La France des centrales nucléaire est la principale importatrice de l’électricité allemande. ;-(

  • Faik Henablia

    23 janvier 2014

    Comme l’a dit justement Charles Gave, une assemblée de garçons coiffeurs fera une politique pro garçons coiffeurs. Imposons donc aux fonctionnaires de démissionner avant de solliciter un mandat électif et vous verrez comment les choses s’amélioreront.

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