25 septembre, 2013

L’inversion du cours de l’histoire par Arnaud Montebourg laisse les investisseurs sceptiques

Arnaud Montebourg, le Ministre du Redressement Productif s’est exprimé cette semaine devant les investisseurs en grande majorité étrangers, invités pour trois jours par la maison  Kepler Cheuvreux à Paris.

Après avoir cité Jean Paul Sartre et Napoléon pour expliquer sa conception de « la Bataille du Made in France », on pouvait avoir envie de sourire, mais la suite de ses propos a véritablement surpris la majorité de son auditoire.

 

« Nous attirons beaucoup de cerveaux la preuve c’est que vous êtes là ». Il ne savait peut être pas que la majorité de ceux qui l’écoutaient étaient des gérants étrangers non fiscalisés en France. En leur recommandant de surtout ne pas lire le Financial Times et The Economist qui est selon lui « Le Charlie Hebdo de la City » il n’a pas véritablement convaincu son auditoire !

 

« Les accords Renault ont permis de relocaliser  200 000 emplois » de Nissan à Flins. Ce n’est pas tout à fait le sentiment que l’on avait en écoutant, pas longtemps après son intervention, David Thormann le directeur financier de Renault !

 

« Les impôts vont diminuer de 20Md€ pour les entreprises ». Les gérants présents avaient vraiment le sentiment d’être considérés comme des ignorants en matière économique et financière. Ils ont eux bien compris que le gouvernement, après avoir voulu surimposer les « riches entreprises », surtaxé le coût du travail et réduit les marges avait voulu avec le CICE alléger un peu la note. Parallèlement, tous les investisseurs constatent que  les « riches ménages » quittent la France par centaine. Les jeunes aussi, 40% des jeune diplômés ont actuellement envie de quitter la France, car notre pays a cessé d’être attractif. Ce qui est nouveau, c’est que les classes moyennes sont aussi largement ponctionnées constatent ils avec inquiétude.

Pratiquement chaque semaine, est annoncé une nouvelle taxe, un impôt, une redevance, une contribution, voire un malus. La semaine dernière c’était la taxe sur l’excédent brut d’exploitation (EBE), cette semaine c’est la taxe carbone (4Md€ en 2016) qui sera compensée paraît il par des chèques énergie ! Ces nouveaux impôts sont sortis de nulle part. Ils n’ont apparemment fait l’objet d’aucune simulation.

Bercy qui est en situation d’innovation permanente sur le front fiscal en vient même à peiner pour trouver un nom aux nouveaux impôts créés. Les propriétaires de leur appartement qui paient déjà la taxe foncière, la taxe d’habitation et souvent l’ISF, devraient désormais avoir à acquitter « un droit d’usage de leur logement ». Faudra t il l’appeler loyer implicite, loyer virtuel, loyer fictif, taxe de droit d’usage du logement… ?

 

Tout cela se traduit par le fait que pour les investisseurs internationaux, la politique fiscale du gouvernement est un échec total. Le déficit se creuse, le chômage augmente et rien n’a été mis en ordre jusqu’à aujourd’hui pour faire repartir les deux moteurs de la croissance que sont l’investissement et la consommation.

 

L’ambition du gouvernement dont fait partie Arnaud Montebourg est « d’assurer la prospérité et le pain quotidien des français ». Il va avoir beaucoup de mal, car le texte de « La loi Florange » envoie encore un très mauvais signal aux investisseurs étrangers. Le droit du travail en France était déjà extrêmement contraignant. Arnaud Montebourg contribue à rajouter une couche supplémentaire au moment où le gouvernement parle de simplification administrative. Ce texte aggrave la judiciarisation excessive de la négociation des plans sociaux. Tout plan pouvait déjà être contesté devant le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal Administratif, les prud’hommes. Maintenant il sera possible de le contester devant les Tribunaux de Commerce. Tout le monde a bien compris qu’une société ne pouvait ajuster ses effectifs que si elle était en faillite !

D’ailleurs la réalité, c’est que depuis le début de l’année, le nombre de nouvelles usines installées en France est selon les chiffres du cabinet Trendeo en baisse de 25% !

 

Sur les  34 projets d’avenir les grandes envolées lyriques sur le thème de « La France qui lance l’offensive contre les géants du net » laisse les gérants perplexes.

Le retour du dirigeable pour transporter écologiquement de lourdes charges, le catamaran des airs et la voiture sans chauffeur sont considérés par les analystes financiers comme des lubies qui consistent à partir des fonds publics à faire du dirigisme, du saupoudrage et du gaspillage. En attendant Arnaud Montebourg qui a été en 2007 le porte parole de Ségolène Royal n’a pas commenté publiquement la gestion du dossier Heuliez dans la région Poitou Charentes,  qui en est à sa troisième faillite en six ans. Dans un grand moment de réalisme, il a tout de même déclaré quelques jours après « Nous ne sommes pas là pour mettre des ressources rares dans des entreprises qui n’ont pas d’avenir » !

 

Ayant débuté son intervention par « c’est un plaisir de comprendre l’autre », c’est exactement ce que n’a pas fait Arnaud Montebourg, puisqu’il n’a pas pris le temps d’écouter les chefs d’entreprise invités par Kepler Cheuvreux. C’est dommage car écouter les grands patrons qui vivent dans la réalité et doivent se battre tous les jours à l’international pourrait probablement donner beaucoup d’idées à un ministre en charge des entreprises.

Jean-Dominique Sénard le CEO de Michelin,  a expliqué comment on pouvait  avec succès mobiliser tous les acteurs d’une entreprise pour se battre sur les marchés de la mondialisation…

Thibaut de Tersant le directeur financier de Dassault Systèmes a présenté le nouveau système « 3D Experience » qui permet d’optimiser la rentabilité des décisions qui sont prises dans une société. L’Etat pourrait s’en inspirer avec énormément de profit…

Gilles Labossiere le directeur financier de Parrot, société spécialisée dans le traitement du signal et  la reconnaissance vocale. La société qui compte 850 personnes dont 500 ingénieurs est en pointe sur « l’infotainement ». Ayant manqué la présentation, le ministre peut se rendre dans les bureaux de la société Quai de Jemmapes, ce n’est pas loin de Bercy…

Michel-Alain Proch le directeur financier d’Atos.  Cela lui aurait permis de constater que le service de paiement en ligne Worldline avait de réelles possibilités de se développer face à PayPal de eBay.

Luc Oursel, président d’Areva qui a présenté avec succès les points forts de sa société qui est le premier acteur mondial du nucléaire, avec une présence sur toute la chaine de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables..

 

Finalement la grande inquiétude des gérants, c’est que  la France doit emprunter 800Mpar jour. Pour le moment 200M sont apportés par les Français et 600M par les étrangers qui pratiquent une fragile clémence à l’égard de la politique économique de la France. D’ailleurs, la France a pu refinancer sa dette depuis le début de l’année à un taux moyen de 1,49% grâce à trois effets d’aubaine : les achats d’obligations françaises par la Suisse, par le Japon ensuite et surtout par les Compagnies d’assurance françaises qui n’investissent plus dans les obligations des pays de l’Europe du Sud…

 

La rubrique des mauvais signes est toujours riche cette semaine : 

Sylvia Pinel, Ministre de l’artisanat incite toujours les autoentrepreneurs à cesser leur activité. Un sondage montre que 40% d’entre eux n’exerceront plus d’activité rémunérée dans ce cadre juridique,  si la réforme actuelle va à son terme. C’est vraiment dommage car grâce à eux l’Etat avait perçu près de 3Md€ de recettes fiscales et de cotisations sociales..

Michel Sapin, Ministre du travail, semble trouver que la victoire de l’Intersyndicale Clic-P qui impose la fermeture obligatoire des magasins à 21h est une bonne chose. La encore on a du mal à comprendre qu’un ministre ne comprenne pas que les amplitudes horaires créent de l’emploi. Entre les Champs Elysées et le Boulevard Haussmann plusieurs milliers d’emplois pourraient être facilement créés s’ils pouvaient rester ouverts le soir.

 

Aux Etats Unis, la décision de Ben Bernanke de ne pas diminuer ses achats de papier (le fameux « tapering » qui signifie arrêter le robinet) émis par le gouvernement et de grandes institutions hypothécaires, a surpris les marchés. Elle a provoqué une secousse sur les marchés obligataires.  Le taux des emprunts hypothécaires ont donc beaucoup remonté à 4,57%. Cette décision  anticipe très certainement la prochaine bataille sur le « Fiscal Cliff (plafond de la dette autorisé par le Congrès). En effet les Républicains ont décidé de voter pour l’augmentation du plafond uniquement si le président Obama n’investit pas un dollar de plus dans « Obamacare ». La discussion risque d’être plus difficile que d’habitude, car c’est pour le moment un des rares « succès » qui peut être imputé au crédit des démocrates.

 

Les marchés émergents ont profité de la décision de la Fed, car la pression sur leurs devises va diminuer au cours des prochaines semaines. La Turquie a repris 8,7% dans la semaine, la Thailande 6,1% et l’Indonésie 4,8%

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

10 Commentaires

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  • Poutine7

    7 octobre 2013

    Les patrons complices de Montebourg ? A moins que l’économie réelle se fiche comme de sa première chemise de l’avis des « gérants » ?

    Arnaud Montebourg a présenté lundi les personnalités du monde industriel qui piloteront les 34 plans de réindustrialisation de la France, dont le PDG de Renault Carlos Ghosn ou encore celui de Veolia Antoine Frérot.
    Ces 34 projets sont censés au cours des 10 prochaines années positionner la France sur des secteurs stratégiques d’avenir comme les transports du futur ou la robotique.

    « Aujourd’hui, je réunis les 34 chefs de projet qui sont tous issus des secteurs industriels concernés et avec lesquels nous avons l’intention de mener 34 courses contre la montre, 34 plans de bataille », a déclaré aux journalistes le ministre du Redressement productif à l’issue d’une rencontre à Bercy.

    « C’est une équipe de France et j’ai bien l’intention qu’on marque des buts », a-t-il ajouté face à ces personnalités du monde industriel, souvent issues de grands groupes français.

    Les 44 chefs de projet – certains comptent deux responsables – devront jouer un rôle de pivot entre l’Etat et les entreprises concernées et faire remonter les besoins financiers ou réglementaires de chacun, a dit Arnaud Montebourg, soulignant qu’il défendrait leurs intérêts devant la Commission européenne.

    Le plan vise notamment à accélérer la transition énergétique et à faire rattraper aux usines françaises leur retard sur leurs concurrentes européennes dans le domaine de la robotique, une technologie jugée essentielle pour maintenir la compétitivité.

    L’AUTOMOBILE ET L’ÉNERGIE

    Mais les secteurs où la France est déjà en pointe se réservent une place de choix parmi les 34 priorités, le PDG de Renault Carlos Ghosn coordonnant ainsi le projet de véhicules à pilotage automatique, une technologie sur laquelle s’est positionné Nissan, l’allié du constructeur français.

    « C’est une filière qui fonctionne bien et pour laquelle il y a des projets d’avenir très importants, la voiture de demain c’est important pour l’ensemble des constructeurs et équipementiers », a déclaré Véronique Dosdat, qui représentait Carlos Ghosn lors de la rencontre.

    « Le véhicule consommant 2 litres aux 100 km, l’objectif c’est 2020, ce n’est même pas 10 ans. Le véhicule autonome, c’est un peu prématuré pour le dire, on est vraiment au démarrage. »

    La voiture consommant deux litres aux 100 km sera promue par deux responsables de PSA et de Renault, Gilles Le Borgne et Jean-Michel Billig.

    Les entreprises de l’énergie et de l’environnement, autres secteurs clés en France, sont également représentées par plusieurs personnalités comme le PDG de Veolia Antoine Frérot ou Dominique Maillard, président de RTE, filiale d’EDF.

    Le président du Centre national d’études spatiales Jean-Yves Le Gall pilotera le projet de satellites à propulsion électrique tandis que l’ancien ministre de l’Economie Thierry Breton sera chargé du cloud computing.

    L’industrie a perdu 750.000 emplois ces dix dernières années. Le gouvernement espère que ce plan pour l’industrie permettra d’en créer 475.000 au cours des dix prochaines.

    François Hollande a lancé mi-septembre ce plan basé sur une logique de partenariat public-privé, où l’Etat jouera un rôle de stratège en participant au financement et à la recherche mais en laissant le rôle de « chef de file » à l’industrie elle-même.

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  • Le corbeau

    26 septembre 2013

    Arnaud Montebourg est un charlot (au milieu d’une bande de charlots, d’accord) à qui consacrer un papier de l’Institut des libertés est un bien trop grand honneur. Puisse-t-il au moins (votre article) ouvrir les yeux sur l’incompétence crasse de actuels dirigeants !

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  • Jules

    26 septembre 2013

    Montebourg donne de plus en plus l’impression de se préparer à tenter « Actors Studios » !

    Un peu de brillantine l’aiderait peut-être… Et l’analyse de Groucho Marx l’encouragerait sûrement :

    « La politique, c’est l’art de chercher les problèmes, de les trouver, de les sous-évaluer et ensuite d’appliquer de manière inadéquate les mauvais remèdes ».

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    • Bois Anne Marie

      27 septembre 2013

      Excellent!

    • Jules

      28 septembre 2013

      🙂

  • vxlv

    25 septembre 2013

    Etait-il vraiment indispensable d’inviter A. Montebourg à ces prestations pour investisseurs étrangers? Comment a-t-on pu croire, depuis près de 18 mois qu’ on le subit comme ministres qu’il avait le moindre potentiel d’avoir une action incitatrice auprès de ces personnes?

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  • david

    25 septembre 2013

    Honnêtement, le seul ancien ministre de l’industrie que je regrette est Francis Mer.
    Ce type était vraiment au dessus du lot, mais il faut aussi avouer que ce n’était pas un politique.

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    • Bois Anne Marie

      27 septembre 2013

      Pour ma part,je regrette Alain Madelin qui avait dit que son objectif était qu’il n’y ait plus besoin d’un ministre de l’industrie après lui!!on voit ce qu’il en a été….

  • Poutine7

    25 septembre 2013

    Faisons au moins le crédit à Montebourg de parler de l’industrie et la promotion du « fabriqué en France ».

    Certains crétins comme M. Tchuruk était autrefois encensé par les marchés pour nous avoir venter le modèle de l’entreprise sans usine.

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  • jeanpy

    25 septembre 2013

    la secousse provoquée sur les taux obligataires a été baissière sur les taux gouvernmentaux et hypothécaires et non haussiers

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