14 novembre, 2012

Les marchés plombés par un nuage global d’incertitudes

Aux Etats-Unis, la victoire confortable de Barack Obama à l’élection présidentielle américaine a surpris. L’extrémisme des partisans de Mitt Romney sur de nombreux sujets a précité son échec et il n’a pas su cristalliser les oppositions au président Obama. Cette réélection est toutefois loin de résoudre le problème du « fiscal cliff » (= mur de la dette). Rappelons que la fin de l’année verra la fin de toute une série d’exemptions fiscales datant de la présidence Bush, auxquelles s’ajouteraient des coupes budgétaires d’envergure dans les budgets sociaux si aucun accord n’était trouvé.  

Les investisseurs ont maintenant besoin de comprendre comment le virage de la fin de l’année va être négocié par Barack Obama avec les républicains, qui sont toujours majoritaires à la Chambre des Représentants. La négociation devrait être rendue probablement un peu plus facile puisque Barack Obama, n’ayant pas à se préoccuper cette fois de sa réélection, sera en mesure de moins tenir compte de sa base électorale.Toutefois, dans les deux camps, les modérés ont souvent été remplacés par des proches du Tea Party pour les républicains et par des quasi socialistes chez  les démocrates… Mohamed El-Rian, le CEO de Pimco, numéro un mondial de la gestion d’obligations pense que la probabilité d’arriver à un compromis satisfaisant entre les deux parties est actuellement de 70%.

En Chine, la révélation du patrimoine des membres de la famille de Wen Jibao, Premier ministre, valorisé par le New York Times à 2,7Md€ a jeté un froid probablement avant l’ouverture du XVIIIème Congrès du Parti Communiste Chinois. Tout cela devait bien évidemment être tout à fait programmé, mais le décryptage est encore difficile à faire.

Sur le plan militaire, sept des douze membres de la Commission Militaire Centrale devront céder leur place à une nouvelle génération d’hommes. L’incertitude règne quant au maintien de Hu Jintao, le Président chinois à la présidence de la plus haute institution militaire. La décision qui sera prise permettra d’essayer d’anticiper ce que pourrait être la montée en puissance de la Chine et la logique de sa stratégie.

On a vu au cours de ces derniers mois, la rivalité sino japonaise se déployer autour des îles Senkaku/Diaoyu.  A la mi-octobre, la marine chinoise s’est approchée des côtes contestées lors de manœuvres militaires, tandis que le porte avion américain « USS George Washington » faisait une démonstration de force en mer de Chine méridionale…

Pour Edward Luftwak qui vient de publier « The rise of China. The logic of strategy », la Chine aura beaucoup de mal à dominer l’ensemble de l’Asie, car l’opération « Asia Pivot » menée par Barack Obama a permis de renforcer les liens de l’Amérique avec le Vietnam, les Philippines, Singapour, et la Birmanie….

Au Moyen Orient, on voit bien  les efforts entrepris par l’arc chiite (Iran/ Syrie/ Liban : Hezbollah) pour faire monter la pression en face des autorités internationales et du camp sunnite dirigé par l’Arabie Saoudite, qui veulent le départ de Bachar el Assad président de la Syrie. Comme d’habitude, le meilleur moyen pour débloquer la situation devrait consister à impliquer Israël dans un conflit qui ne le concerne pas, pour le rendre responsable de tout ce qui ne va pas dans la région.

Sur le terrain, de très importantes manœuvres israélo-américaines viennent d’avoir lieu pendant trois semaines pour démontrer l’efficacité du dispositif anti missiles Patriot AC12. De leur côté, les Iraniens ont eux aussi organisé des manœuvres impliquant 8000 personnes, des chasseurs et des missiles et en particulier le « Shahin ». On voit mal comment l’épreuve de force avec l’Iran pourra être évitée…

La croissance mondiale devrait atteindre 3% en 2013 contre 2,7% en 2012 estime Larry Hatheway économiste de UBS dans sa dernière note qui est une des premières à s’inscrire dans la perspective 2013-2014.  C’est pourquoi, Chen Zhao le Managing  Editor de BCA pense que le marché haussier sur les actions n’est pas terminé. Il en conclut que les rapports cours bénéfices prospectifs sont encore modérés : marchés émergents 10 ; Chine 9,2 ; Europe 10,4 ; US 12,7

Europe : Il faut surveiller l’Italie

L’embellie qui se dessinait en Europe est compromise pense BNP Paribas.  Entre la temporisation espagnole, les inquiétudes grecques et le freinage allemand, les incertitudes restent nombreuses.  Mario Draghi, Président de la BCE,  a redit que pour sa part, il ne voyait pas de signe de reprise avant la fin de l’année.

Il faudra également suivre l’Italie. Les nouvelles des prochains mois risquent de ne pas être bonnes. A droite on a du mal à imaginer que Luca Cordero di Montezemolo, Président de Ferrari, puisse succéder à Silvio Berlusconi. A gauche, Matteo Renzi, 37 ans, maire de Florence, brigue la direction du Parti Démocrate en souhaitant bousculer la vieille garde incarnée par Pier Luigi Bersani. On connaitra le vainqueur le 2 décembre prochain. En marge,  Beppe Grillo est le nouveau Coluche qui arrive à faire 20% des voix à certains endroits dans les sondages. Le « mouvement « Arrêter le déclin » n’est pas encore vraiment lancé dit Guido Manca de Independant Strategy à Londres.

France : pour stimuler la compétitivité des entreprises il aurait mieux valu éviter un choc fiscal sans précédent

Le « choc de compétitivité » recommandé par le Rapport Gallois a beaucoup occupé l’ensemble des media. On ne peut que se féliciter de la leçon de lucidité prodiguée par l’ancien Président d’EADS. Comme le fait remarquer Erik Izraelewicz dans Le Monde,  le gouvernement a brisé trois tabous de la gauche : celui du coût du travail, celui de la baisse des dépenses publiques et surtout celui de la TVA. Mieux vaut tard que jamais, mais en lisant de près les mesures qui ont été retenues, on a l’impression que le plan est dans son ensemble peu lisible.

Comme le dit Denis Kessler Président de SCOR, avant de parler de choc de compétitivité, il aurait été préférable d’éviter que les entreprises et les ménages français ne soient soumis à un choc fiscal sans précédent. Les choix français de réduction du déficit par application de l’austérité aux entreprises et à certains ménages- ceux qui les gèrent et les développent- sont parfaitement opposés à ce qu’il aurait fallu faire pour accélérer la sortie de l’austérité.


Il faut maintenant tout faire pour réconcilier les Français avec leur économie en leur expliquant clairement la situation dans laquelle se trouve leur pays,  suggère Jean Pierre Robin du Figaro.  Faute de le faire rapidement, la France va s’enfoncer clairement dans la récession car le rythme des réformes est beaucoup trop lent et inadapté à la situation.

« Le monde entier est devenu persuadé que la France est devenue un coupe gorgepour les riches » dit Lionel Zinsou Président de PAI Partners. Sous la pression de leurs actionnaires, de nombreuses entreprises se posent la question de leur délocalisation.Cela prend de telles proportions que le MEDEF a pris la semaine dernière l’initiative d’organiser dans ses locaux, une conférence du Groupement Français de l’Association Fiscale Internationale consacrée au sujet « La localisation des centres de décision des entreprises : critères et enjeux » ! Les participants qui y assistaient ont compris en écoutantVéronique Bled-Charreton, Directrice de la législation fiscale à la DGFIP, et Alexandre Gardette, Chef du service du contrôle fiscal à la DGFIP, que de nouveaux textes allaient être publiés sur le sujet pour essayer de mettre fin au flou se dégageant des textes existants.  

Le choc de compétitivité proposé aux entreprises devrait aussi être appliqué à l’Etat qui va dépenser 376Md€ cette année et surtout les collectivités locales qui auront dépensé 240Md€ en 2012. Leurs dépenses sont examinées de près dans un article « Le grand gaspillage » signé notamment par Jean-Baptiste Diebold de Challenges. Il montre clairement comment on pourrait relativement facilement diminuer les dépenses publiques si la volonté politique était là…

Pour bien montrer l’incohérence de certaines décisions récentes, le gouvernement peut en matière immobilière s’agiter d’un côté en menaçant de réquisitions certains immeubles pour le moment inoccupés à Paris et reconduire la niche fiscale de la défiscalisation dans les DOM qui coûte 260M€…

Aux Etats-Unis, l’économie américaine va rebondir légèrement au premier trimestre 2013. En revanche il n’y aura pas de croissance en Europe pendant cette période pense Jan Loeys de JP Morgan. C’est une année où il faudra garder la tête basse pense Jeremy Grantham, patron de Grantham MayoIl recommande aux investisseurs de relire leurs livres d’histoire en rappelant que la première année de réélection d’un président est rarement une bonne année boursière. En attendant, les autorités américaines n’appliqueront le dispositif de Bâle III, que le 1er janvier 2013. Selon la FED, ce retard est dû «  aux inquiétudes de nombreuses banques qui estiment ne pas avoir assez de temps pour comprendre la nouvelle réglementation … ». Les banques européennes qui ont été obligées de céder des actifs et des lignes de métier dans de mauvaises conditions apprécieront…

La remontée des taux du 10 ans américain semble inévitable pour Bettina Muller de DWS, la société de gestion filiale de la Deutsche Bank. Ils devraient passer de 1,75% actuellement à 2,32% à la fin de l’année 2013. Quant à Jeffrey Rosenberg de BlackRock,le numéro un mondial de la gestion d’actif, il se concentre en priorité sur les obligations corporate (=les obligations émises par des sociétés privées) et les actions payant un dividende généreux à leurs actionnaires.

Le Japon est au bord de la récession. La croissance sera modeste pendant les deux prochaines années. Cela devrait inciter selon Gregory Peters  de Morgan Stanley, la Banque du Japon à prendre de nouvelles mesures de stimulation.

Secteurs : BNP Paribas résiste très bien

Dans le secteur des banques américaines, on a enregistré de fortes ventes sur les banques américaines, le lendemain de l’élection de Barack Obama. Pour les banques européennes, on a eu toute une série de résultats. BNP Paribas a gagné 1,3Md€ pendant le T3montrant que le modèle a une capacité à passer les crises… Il faut dire que la France ne représente plus que 25% de son allocation de fonds propre. Ces résultats contrastent avec ceux du Crédit Agricole qui a annoncé une perte de 2,8Md€ pour le trimestre… Société Générale en baisse de 86% sur le trimestre correspondant de l’année dernière. Dexia, qui a sorti une perte de 2,4Md€, en est à son troisième plan de sauvetage avec une couverture médiatique très modeste et aucune remise en cause publique de la politique des anciens dirigeants. Commerzbank va se séparer de 6000 personnes…

Dans le Transport aérien, Ryanair a annoncé de très bons résultats. Michael O’Leary, son président, explique que dans les périodes de récession que les « low cost » réalisent de bonnes performances. Il a réussi à augmenter son chiffre d’affaires de 15% au T3. Alors qu’Iberia est en train de lutter pour sa survie en programmant 4500 suppressions d’emplois.

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

4 Commentaires

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  • BA

    16 novembre 2012

    Vendredi 16 novembre 2012 :

    La Grèce va rembourser vendredi sans difficultés 5 milliards d’euros de créances.

    La Grèce va pouvoir rembourser vendredi 5 milliards d’euros de titres à court terme grâce à la levée de fonds menée en début de semaine pour compenser le retard de ses bailleurs de fonds UE et FMI à reprendre leur perfusion financière, a indiqué l’Agence de gestion de la dette publique (PDMA).

    C’est la deuxième fois depuis août que le pays doit lever des montants exceptionnels à court terme pour tenir ses échéances. Mardi, il a levé 4,062 milliards d’euros en titres à un et trois mois, ensuite portés à 5 milliards par les offres non-compétitives, à des taux respectifs de 3,95% et de 4,2%.

    Le ministre des Finances, Yannos Stournaras, a toutefois prévenu mardi que ces acrobaties financières avaient leurs limites, mettant en garde contre un risque très élevé de faillite du pays si UE et FMI continuaient à tergiverser pour débloquer le versement de prêts gelés depuis juin.

    http://www.romandie.com/news/n/_La_Grece_va_rembourser_vendredi_sans_difficultes_5_mds_EUR_de_creances_43161120121014.asp

    « Acrobaties financières » : c’est un euphémisme.

    Lundi 12 novembre : la Grèce déclare qu’elle n’a plus un seul euro dans ses caisses : la Grèce annonce qu’elle sera incapable de rembourser un prêt de 5 milliards qui arrive à échéance le 16 novembre.

    Mardi 13 novembre : la Grèce lance un emprunt exceptionnel de 5 milliards d’euros.

    Trois jours après, vendredi 16 novembre : grâce à cet emprunt exceptionnel de dernière minute, la Grèce peut rembourser les 5 milliards d’euros.

    En Grèce, le gouvernement navigue à vue : il n’a aucune visibilité au-delà de trois jours.

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  • BA

    15 novembre 2012

    Luc Coene est le gouverneur de la Banque Centrale belge. Il est membre du conseil des gouverneurs de la BCE.

    Jeudi 15 novembre 2012 :

    Luc Coene estime qu’une partie de l’ardoise grecque doit être effacée.

    Le gouverneur de la Banque Nationale Luc Coene s’attend à ce que les différents bailleurs de fonds renoncent à une partie de l’imposante dette publique grecque, rapporte le quotidien De Standaard jeudi.

    Luc Coene s’est ainsi exprimé lors d’un échange à l’Université de Gand. Il se place ainsi sur la même ligne que celle adoptée par le Fonds Monétaire International, qui craint que la Grèce ne puisse pas réussir à ramener sa dette sous les 120% de son PIB pour 2020 sans un abandon partiel des prêts d’urgence consentis à son égard.

    L’année passée, des banques privées avaient déjà marqué leur accord pour un abandon partiel de leurs créances. Les autorités publiques doivent maintenant suivre, estime le FMI. Berlin s’oppose cependant à cette solution.

    http://www.7sur7.be/7s7/fr/1536/Economie/article/detail/1534377/2012/11/15/Luc-Coene-estime-qu-une-partie-de-l-ardoise-grecque-doit-etre-effacee.dhtml

    En 2013, la dette publique de la Grèce sera de 346,2 milliards d’euros.

    Sur ces 346,2 milliards, les Etats européens et la BCE ont prêté 242 milliards d’euros à la Grèce.

    Problème : la Grèce est insolvable. Les Etats européens et la BCE vont devoir subir ces pertes.

    – Quel est l’homme politique courageux qui va annoncer aux contribuables européens qu’ils vont payer 242 milliards d’euros ?

    – Quelle est la femme politique courageuse qui va annoncer aux contribuables européens qu’ils vont payer 242 milliards d’euros ?

    – Concernant la France, combien de dizaines de milliards d’euros les contribuables français vont-ils devoir payer pour le deuxième défaut de paiement de la Grèce ?

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  • BA

    15 novembre 2012

    Dette publique de la Grèce :

    2012 : dette publique de 175,6 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec. La dette augmente, augmente encore, augmente toujours, alors que le premier défaut de paiement de la Grèce a effacé 107 milliards d’euros de dettes.

    2013 : dette publique de 189,1 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

    2015 : dette publique de 207,7 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

    2016 : dette publique de 220,4 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

    La Grèce fonce vers un deuxième défaut de paiement.

    En 2013, la dette publique de la Grèce sera de 346,2 milliards d’euros.

    Sur ces 346,2 milliards, les Etats européens et la BCE ont prêté 242 milliards d’euros à la Grèce.

    Problème : la Grèce est insolvable. Les Etats européens et la BCE vont devoir subir ces pertes.

    – Quel est l’homme politique courageux qui va annoncer aux contribuables européens qu’ils vont payer 242 milliards d’euros ?

    – Quelle est la femme politique courageuse qui va annoncer aux contribuables européens qu’ils vont payer 242 milliards d’euros ?

    – Concernant la France, combien de dizaines de milliards d’euros les contribuables français vont-ils devoir payer pour le deuxième défaut de paiement de la Grèce ?

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  • BA

    14 novembre 2012

    Mercredi 14 novembre 2012 :

    Grèce : le PIB chute de 7,2% au troisième trimestre.

    Le produit intérieur brut (PIB) de la Grèce a chuté de 7,2% sur un an au troisième trimestre 2012, a annoncé mercredi l’Autorité des statistiques grecques publiant ses premières estimations pour cette période.

    « Sur la base des données disponibles non révisées, le PIB a chuté de 7,2% au troisième trimestre 2012 par rapport au même trimestre de 2011 », ce qui marque une accélération de la récession après un recul de 6,3% du PIB au deuxième trimestre, selon un communiqué.

    http://www.lavoixdunord.fr/economie/grece-le-pib-chute-de-7-2-au-troisieme-trimestre-ia0b0n827071

    Dette publique de la Grèce :

    2012 : dette publique de 175,6 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec. La dette augmente, augmente encore, augmente toujours, alors que le premier défaut de paiement de la Grèce a effacé 107 milliards d’euros de dettes.

    2013 : dette publique de 189,1 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

    2015 : dette publique de 207,7 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

    2016 : dette publique de 220,4 % du PIB, selon la prévision du gouvernement grec.

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