1 octobre, 2013

Les investisseurs doutent et, plutôt que de simuler la reprise, la France ferait bien de s’en inquiéter

Les grands investisseurs mondiaux se sont retrouvés la semaine dernière à Hong Kong dans le cadre d’une réunion organisée par CLSA, société de courtage qui était contrôlée par le Crédit Agricole et qui l’est maintenant par le broker chinois CITIC Securities.

Aux Etats-Unis, le Quantitative Easing de Ben Bernanke ( politique monétaire très favorable et quasi taux zéro ) n’a réussi après quatre ans ni à faire remonter l’inflation au niveau souhaité par la Fed, ni à provoquer un véritable redémarrage de la demande de crédit. La dynamique de la reprise américaine n’est donc pas encore suffisante pour justifier une diminution du QE (achat de 85Md$ par mois d’obligations émises par le Trésor US et de grandes institutions financières). Russell Napier, le stratégiste de CLSA à Hong Kong, est très inquiet comme d’habitude. Il estime qu’à 23X le CAPE (Cyclicaly Adjusted P/E), les valeurs américaines n’offrent plus un potentiel de hausse important. L’indice S&P 500 a d’ailleurs baissé de -1,1% cette semaine pour la première fois depuis un mois.

Pour Chris Wood, patron de la recherche de CLSA, la nouvelle qui aura le plus d’impact sur les marchés dans les prochaines semaines, c’est le nom de celui ou celle qui succédera à Ben Bernanke. En attendant, l’agenda entre les démocrates et les républicains va rester chargé. La fermeture d’une partie de l’administration américaine, la dix huitième en une trentaine d’années disent les statistiques, est une illustration du chaos dans lequel se trouve la politique américaine. On se moque souvent des Italiens, mais les Etats-Unis sont sur le plan politique dans une situation quasi comparable …

En Europel’Allemagne est toujours le marché préféré de Christian Mueller- Glissmann, stratégiste chez Goldman SachsLa Suède offre maintenant un rendement sur ses obligations d’Etat supérieur à celui de la France. C’est une situation qui ne reflète pas la situation et les perspectives de leurs économies respectives. La seule explication est, selon Charles Gave de GaveKal à Hong Kong, peut-être que les investisseurs s’attendent à une dépréciation significative de la Couronne Suédoise.

Le Portugal va mal. Pedro Passos Coelho, le Premier ministre, est dans une situation très difficile. L’Espagne sort lentement de la récession. Mariano Rajoy, Premier ministre depuis 21 mois, a réussi à stabiliser la situation, puisque le chômage a cessé d’augmenter.

En France, les très nombreux mauvais signes s’accumulent semaine après semaine. On a beaucoup de mal à comprendre comment on peut continuer à prendre des décisions aussi mauvaises pour l’économie française et donc pour le marché de l’emploi.

Jean Marc Ayrault, le Premier ministre, prend le risque avec ses leçons de morale de faire renaitre l’économie dite souterraine. Elle représentait l’année dernière environ 10% du PIB contre 25% en Grèce, 22% en Italie, 20% en Espagne… C’était le résultat de décisions intelligentes, comme la création du chèque emploi service, la baisse de la TVA à 5,5% sur les travaux, la création du statut d’autoentrepreneur… Les nombreuses mesures prises depuis 18 mois vont amener davantage de français à replonger dans l’économie parallèle…

Michel Sapin, le ministre de l’Emploi en charge d’en créer, laisse se dégrader le dossier Sephora qui oblige le distributeur de produits cosmétiques et de parfums à fermer son magasin à 21h. Il faut savoir que les astreintes payées par les entreprises « pour non respect de la loi » seraient selon BFM payées directement aux syndicats, qui ont déposé plainte ! Cela constituerait maintenant une source de revenus récurrentes pour des organisations syndicales qui n’ont pas beaucoup de militants à jour de leur cotisation…

On avait bien compris que les statistiques du chômage seraient « manipulées » pour la fin de l’année (voir nos commentaires du 10 septembre dernier « La récession de l’économie mondiale est terminée mais pas la crise »). Il s’agissait de pouvoir présenter une « inversion de la courbe du chômage » pour la fin de l’année, comme l’avait annoncé le président de la République. L’amélioration a été tellement spectaculaire – 50 000 personnes en moins se seraient inscrites à Pôle Emploi en août – qu’elle n’a pas été jugée crédible. Heureusement, on a pu trouver un coupable qui n’était pas l’administration toujours irréprochable mais SFR…. !

Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie, avec sa nouvelle taxe sur l’Excédent Brut d’Exploitation, est en train de faire franchir le seuil de 40% à l’imposition des résultats des grandes entreprises. Celles qui sont particulièrement pénalisées sont les entreprises qui doivent beaucoup investir pour faire un euro de chiffre d’affaire. C’est notamment le cas pour l’automobile, la chimie, les infrastructures. De toute façon, cette nouvelle taxe supprimera en grande partie le bénéfice de la hausse du CICE. Pourquoi faire simple quand on peut faire en permanence du très compliqué… !

Marisol Touraine, ministre des Affaires Sociales et de la Santévient de prendre la décision de généraliser le tiers payant à la Sécurité Sociale. Cela signifie en clair que les Français ne paieront plus rien pour leur santé. Il s’agit d’un véritable coup de grâce porté à l’assurance maladie, car cela supprime totalement toute responsabilisation permettant de maîtriser un jour les dépenses de santé… !

Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif et grand partisan du Colbertisme participatif aurait du étudier de près le dossier Quaero qui, pour Jacques Chirac, était censé devenir le concurrent de Google. A partir de 2008, piloté par Jean Louis Beffa, à l’époque président de Saint Gobain, le projet a bénéficié de fonds provenant de l’aide à l’innovation, de subventions et d’avances remboursables. La seule trace qui reste de cet investissement est une somme de un milliard d’euros dépensée apparemment pour rien…

En France, on est dans une paralysie progressive des entreprises pour toutes les raisons que nous développons semaines après semaines. Tant que le gouvernement n’aura pour objectif que de lutter contre la richesse au lieu de lutter contre la pauvreté, il fera fausse route. Au total, le déficit du budget de l’Etat va encore se creuser en 2014 et la France restera très dépendante des marchés. Ce soutien des investisseurs étrangers peut comme on l’a vu de nombreuses fois dans l’histoire s’interrompre brutalement à tout moment…

L’Afrique du Sud est souvent mise en avant dans les performances des marchés émergents.  « Le marché » a progressé en monnaie locale de 40% depuis le début de l’année contre 28% pour l’Inde et 11% pour le Mexique. . Quand on regarde d’un peu plus près, cette performance est due à trois sociétés seulement qui font la quasi totalité de la progression de l’indice : SAB-Miller (bière), Richemont (luxe) et Naspers (media).

L’Asie a cédé du terrain cette semaine, avec des baisses de la Thaïlande (-5,1%), de l’Indonésie ((-4,6%) et de l’Inde (-2,1%)

Le c en Chine a été le secteur qui a le plus intéressé les investisseurs à Hong Kong la semaine dernière. Les sociétés les plus puissantes sont :  Alibaba, qui possède les marques Taobao /consumer to consumer, Tmall, Alipay/système de paiement en ligne, 360buy (B2C), Yihaodian (épicerie en ligne dont Walmart actionnaire), Dangdang, l’équivalent chinois de Amazon.

Le transport et la logistique font l’objet d’une recommandation d’achat de Sean Darby le Chief Global Equity Strategist de Jefferies. Pour participer à la poursuite de la croissance mondiale, il recommande des compagnies aériennes comme Cathay Pacific en Asie et Deutsche Lufthansa en Europe, et des sociétés de transport ferroviaire aux Etats-Unis comme Kansas City Southern.

Le charbon est recommandé par Neil Mehta, analyste chez Goldman Sachs. Les pays importateurs sont l’Europe 21%, la Chine 14%,  le Japon 14%, la Corée 12%, l’Inde 12% et Taiwan 7%. Obama avait  déclenché une guerre contre le charbon. Elle n’a pas été couronnée de succès car les producteurs de charbon ont monté de 20 à 30% depuis 2 mois. Les valeurs du secteur les plus souvent recommandées sont Consol Energy et SunCoke Energy.

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

6 Commentaires

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  • Poutine7

    7 octobre 2013

    Si vraiment tout va si mal, à ce que l’on peut en lire dans cet article, c’est que visiblement le mal est plus profond que la gestion à la Sarkosoft du Président Hollandouille et de son bras droit Calim’Ayrault.

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  • Poseidon

    2 octobre 2013

    le tiers payant pour la consultation chez le generaliste…. ou la nouvelle fosse des mariannes pour la sécu….. soit dit en passant… la france terre d’accueil…. vous etes Kosovar vous etes pere de famille vous arrivez en france avec 7 enfants vous ne travaillez pas (bien entendu….) vous avez un logement, des aides et le meilleur pour la fin vous avez un probleme cardiaque…. la france se charge de l’operation et des couts….. belle france…… vive la secu pour tous sans calcul sans devoir et sans responsabilites…. le bon français n’aura sous peu que ses yeux pour pleurer…. Le kosovar lui touche par mois plus qu’un retraité paysan qui a travaille toute sa vie 6/7 et peu pas utilisé la secu…..

    Messieurs Svp il n’y a plus rien à faire….. entre les taxes, la perte des avantages que la France aurait pu conserver avec un peu de rigueur…. des « anes » ou des « anes »

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    • Roger Duberger

      2 octobre 2013

      Poséidon,
      Votre bon sens s’accorde parfaitement avec le mien !
      Hélas cela fait longtemps que la France est une terre d’asile, avant de devenir un asile de vieux gauchos désargentés, qui auront dilapidé l’héritage de leurs ancêtres, et comptant bien facturer leurs dernières frasques à la génération montante. Le pays est sabordé, la notion de nation disparait et donne presque envie de vomir. Qui a envie de contribuer à la France ? Qui a envie de l’aimer ?
      ————————————————————————-
      Merci à JJ Netter pour son éclairage, sous un angle inhabituel
      Bien cordialement

  • Marius

    1 octobre 2013

    Aux Etats-Unis, le Quantitative Easing de Ben Bernanke ( politique monétaire très favorable et quasi taux zéro ) n’a réussi après quatre ans ni à faire remonter l’inflation au niveau souhaité par la Fed, ni à provoquer un véritable redémarrage de la demande de crédit.

    La dynamique de la reprise américaine n’est donc pas encore suffisante pour justifier une diminution du QE.
    ———————————————

    Que se passerait-il concrètement s’ils arrêtaient le QE ? Les taux de financements de l’Etat US augmenteraient, et puis ?

    Utiliser la création de monnaie ex-nihilo pour créer une reprise n’est-ce pas erroné ? Friedman voulait bien pour re-capitaliser les banques s’il y avait un risque systémique qu’elle ne puisse plus donner l’argent aux déposants mais il ne me semble pas qu’il préconisait de faire 80 milliards par mois pour soutenir le financement de l’Etat ou même du secteur privé. Si faillite il doit y avoir il faut bien qu’elles se passent dans une économie libre, sinon la destruction/créatrice ne se fait pas (elle serait peut-être terrible mais faut bien repartir sur des bonnes bases un jour). non ?

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  • BA

    1 octobre 2013

    Italie :

    Entre 1980 et 2012, l’Italie a payé 3101 milliards d’euros pour les intérêts de sa dette publique.

    3101 milliards d’euros pour payer les intérêts de la dette publique, c’est 198 % du PIB de l’Italie.

    En 2013, la dette publique atteindra 2080 milliards d’euros, soit 132,9 % du PIB.

    http://www.rischiocalcolato.it/2013/07/scenarieconomici-litalia-ha-pagato-3-100-miliardi-di-euro-di-interessi-fra-il-1980-e-il-2012.html

    Mardi 1er octobre 2013 :

    Italie : 40,1% des jeunes actifs italiens pointent au chômage.

    667.000 jeunes italiens, âgés de 15 à 24 ans et qui aimeraient travailler, étaient sans emploi au mois d’août selon les premières estimations de l’Institut national des statistiques italien.

    40,1% : voilà le taux de chômage des jeunes italiens pour le mois d’août 2013. L’Istat, l’Institut national des statistiques italien, publie ce mardi une estimation provisoire des chiffres du chômage qui correspond à une hausse de 5,5 points en un an.

    667.000 jeunes actifs de 15 à 24 ans seraient donc sans emploi.

    C’est d’aillleurs le chef du gouvernement italien qui avait demandé début mai que le Conseil européen du mois de juin se concentre sur le chômage des jeunes.

    Ainsi, le 27 juin dernier, les chefs d’Etat des 27 pays membres de l’Union européenne s’étaient mis d’accord sur un Fonds européen pour l’emploi des jeunes : 6 milliards d’euros doivent être débloqué sur deux ans, à partir de ce 1er octobre 2013, pour améliorer l’accompagnement des moins de 25 ans.

    Plus globalement, d’après ces estimations provisoires de l’Istat, 12,2% des actifs italiens étaient au chômage en août, soit une augmentation de 0,1 point comparé au mois précédent et de 1,5 point sur un an.

    Le chômage est revenu au même niveau qu’en mai, un record depuis la création des statistiques mensuelles il y a 9 ans et trimestrielles en 1977.

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  • gidmoz

    1 octobre 2013

    Un euro d’impôt, ou d’endettement de l’Etat, c’est entre deux et quatre euros d’appauvrissement du pays. Oui, aux prêts aux agents économiques privés. Mais, si c’est l’Etat qui bénéficie des prêts, les destructions de production seront supérieures à la production des agents économiques privés.

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