14 mars, 2018

Le risque politique en Europe n’a pas disparu

Les actions européennes sous performent les actions américaines depuis le début de l’année avec respectivement -3,9% pour l’Eurofirst 100 et + 3,1% pour le S&P 500.  Une fois de plus le consensus qui recommandait au début de l’année de privilégier l’Europe par rapport aux Etats Unis et à l’Asie a été pris à contrepied.

 

Pourtant, le redémarrage de la croissance a eu lieu. Les résultats des entreprises sont dans l’ensemble plutôt bons. Les taux d’intérêts sont restés bas, la hausse des matières premières n’a pas été trop violente, et surtout la demande a été au rendez vous. En dépit de la baisse du chômage les salaires ne se redressent en revanche que très lentement dans l’Union Monétaire. Tout se passe comme si les investisseurs pensaient que la croissance économique allait se maintenir à un bon rythme, que les taux n’allaient remonter que lentement et que surtout l’Union Européenne n’était pas menacée…

 

On a même eu droit cette semaine à une critique en règle des « économistes classiques » (keynésiens bien sûr) expliquant que les signaux fournis par les marchés ne peuvent pas constituer la source d’information qui oriente les décisions du secteur privé. A les lire, on a l’impression qu’ils pensent que des fonctionnaires qui n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise sont les plus qualifiés pour expliquer à des chefs d’entreprise ce qu’ils doivent désormais faire.

 

Les risques politiques n’ont cependant pas disparu en Italie, en France, en Allemagne et encore moins en Europe de l’Est.  Une révolution est en train de se  passer sous nos yeux car personne ne maitrise pour le moment comment l’islam va transformer la France et l’Europe.

 

L’Italie n’est pas gouvernable

 

Les actions italiennes (+4 % pour l’indice FTSE MIB) ont réalisé la meilleure performance des marchés européens depuis le début de l’année, alors que les dernières élections montrent que la social démocratie est arrivée au terme de son histoire. Les représentants de la « Centrosinistra » et de la « Centrodestra », respectivement Matteo Renzi et Silvio Berlusconi rêvaient de se retrouver aux affaires avec la bénédiction de l’Union Européenne. Mais l’homme de la rue a refusé ce scénario. Il a rejeté les partis traditionnels au profit des formations eurosceptiques et populistes avec  54% des votants qui se sont portés sur des partis eurosceptiques sans désigner de vrai vainqueur. Le mode de gouvernement qui reposait sur des politiques de redistribution est  à bout de souffle.

 

Le réformisme de Macron est pour le moment un trompe l’oeil

 

Les actions françaises baissent de 0,7% pour le CAC 40 depuis le début de l’année. Ce ne sont pas les performances économiques et financières qui ne sont pas au rendez vous. C’est plutôt l’image de Macron réformateur qui pâlit. L’opinion se montre plus dubitative sur la frénésie de changement du président.

 

Le progressisme réformiste n’a pas encore fait ses preuves. Il est relativement facile de se confronter aux retraités, aux cheminots et aux agriculteurs. C’est plus compliqué de s’adresser aux Salafistes et aux Frères Musulmans des banlieues.  L’immigration massive est vécue au quotidien par de très nombreux français comme une véritable  menace.

 

Le centrisme radical « au delà de la droite et de la gauche » n’a pas encore fait la preuve de son efficacité. Il suffit de regarder ce qui se passe en Italie où le centre qui a échoué a été laminé par les partis se réclamant d’un populisme de droite ou de gauche. Comme l’Italie a souvent dans l’histoire environ une dizaine d’années d’avance sur ce qui se passe en France, on peut facilement imaginer que cela pourrait aussi se produire France.

 

La diminution des dépenses publiques n’a pas commencé.

Les investisseurs ne croiront durablement à la baisse de la pression fiscale que si elle est accompagnée d’une diminution des dépenses publiques. Pour le moment les efforts sont repoussés pour la fin du quinquennat.

 

La droite incarnée par Laurent Wauqiez  se trompe de stratégie. Elle s’est mise à défendre ce qu’elle présente comme « la vraie France, celle qui souffre ». Le président d’un parti qui revendique l’héritage, certes lointain du Général de Gaulle, se veut le défenseur des perdants de la mondialisation marginalisés par la mondialisation et le progrès technologique.  En fait, il s’agit d’une stratégie pour récupérer le vote Front National. Il semble difficile dans le monde d’aujourd’hui d’aspirer à devenir le président d’un pays à partir d’une base sociologique qui est celle des perdants.

 

Les actions allemandes sont en baisse de -4,4% pour le DAX. Après presque six mois d’attente, il y a un nouveau gouvernement. Angela Merkel est arrivée à se maintenir au pouvoir grâce à un accord de coalition. Mais l’AfD (Alternative für Deutschland ) est devenu le premier parti d’opposition. Face aux turbulences en Europe et dans le monde, il faudrait que Berlin parle d’une voie forte. Elle n’est pas du tout sûr d’y arriver, car l’union de l’Europe ne fait plus sa force mais sa faiblesse. Certains, autour d’Emmanuel Macron recommandent de faire une fusion entre la France et l’Allemagne. C’est vraiment mal connaître l’Allemagne qui ne considère plus la France comme un interlocuteur crédible.

 

 

On est entré dans une nouvelle guerre est-ouest qui pourrait déchirer l’Europe

 

Les actions polonaises et hongroises ont été touchées avec  respectivement une baisse de 11% et 13% sur leur plus haut du mois de janvier. Les pays d’Europe Centrale refusent les  leçons de morale de la Commission Européenne données  à la Pologne, la Hongrie et la Roumanie.  Les régimes de l’Europe de l’Est  ne se reconnaissent pas dans les valeurs démocratiques de l’Europe de l’Ouest. Ce qui est compliqué est que ils sont à la fois les plus pro-européens  et les plus pessimistes sur l’avenir de l’Euro.

 

 

En attendant, sur quinze pays sept sont gouvernés par des populistes. Leurs objectifs identitaires heurtent de front les valeurs défendues par la technocratie Bruxelloise.  Il ne faut pas oublier que la Pologne est la première bénéficiaire. Elle perçoit des  milliards d’Euros  de fonds structurels. Elle a opté pour le modèle chinois c’est à dire celui du développement économique sans garanties démocratiques. Ils restent marqués par les séquelles de leur histoire, c’est pourquoi ils ont une perception radicalement différente.

Les pays de l’Est ne constituent toutefois pas un groupe idéologiquement homogène,  mais vingt huit ans après la chute du mur, le rideau de fer semble toujours là. Ils refusent de se laisser dicter leur conduite par Bruxelles ou par Washington.  Les dirigeants hongrois (Viktor Orban) et  tchèque (Milos Zeman) se sentent d’ailleurs plus proches de Poutine

Les pays de l’Est européen ont basculé en majorité dans le souverainisme. Même si  Emmanuel Macron n’aime pas les « souverainistes de repli » le problème est bien là…

L’allocation d’actif est donc particulièrement compliquée en ce moment. C’est pourquoi il ne faut pas oublier que le cash est aussi une classe d’actif.

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

10 Commentaires

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  • Francis

    15 mars 2018

    « car personne ne maitrise pour le moment comment l’islam va transformer la France et l’Europe »

    IdL a-t-il une idée à ce sujet?

    Répondre
    • idlibertes

      15 mars 2018

      Oui, cf la peste blanche//Article de Charles Gave de septembre.

    • Francis

      16 mars 2018

      Merci, comment ai-je pu oublié un aussi bon article et le lien très interessant qui y était donné à la fin?

  • Donatello

    15 mars 2018

    « Les actions polonaises et hongroises ont été touchées avec respectivement une baisse de 11% et 13% sur leur plus haut du mois de janvier.  »

    Votre directeur de rédaction nous recommandait idéologiquement d’acheter leurs marchés financiers …

    Répondre
  • sassy2

    14 mars 2018

    Toutes les choses dont vous avez récemment parlées et plus encore:
    Part 1 of Planet Ponzi’s (Mitch Feierstein) interview on The Keiser Report on financial markets. partie 1 et 2.
    Looking into the manipulation of the VIX index…
    & notamment le
    PUMP (stocks)
    DUMP
    TRUMP (blame it all on trump)

    https://storia.me/@liarpoliticians/planet-ponzi-interview-on-2v1rgr

    Répondre
  • sassy2

    14 mars 2018

    L’un des problèmes, rédhibitoire pour Laurent Wauqiez à mon avis.

    Il est fondamentalement plus intelligent & capable que Macron, (henri 4 je pense un an(?) d’écart avec Einthoven ..).
    Le problème n’est pas qu’il soit mal entouré ou pour le moment à côté de la plaque (& et on ne regarde pas forcément la même plaque).
    Son problème, sauf grosse faute de ma part, est qu’il n’a / aura pas de gosses.
    C’est un piège pour lui et pour les électeurs.

    C’est fini, il faut un 100% « trad ».
    (cf article monarchie/démocratie)
    Dans la crise systémique/NWO les superbes implants capillaires sont aujourd’hui gage de succès: Berlusc (dont l’expérience va jouer un rôle clef malgré son petit score), Trump.
    (sans oublier roger stone)

    Car c’est le retour de la monarchie.
    Pour le passé, les électeurs/les créanciers veulent un track record et pour le futur la garantie que les héritiers dynastiques seront ducroire sur leurs biens personnels ou leur réputation.

    (hitler & mussolini sont des bonapartismes(?) dans la crise des 30’s)

    Répondre
    • Dyr'

      15 mars 2018

      Bonjour,

      Je reprends vos propos :

      « Son problème, sauf grosse faute de ma part, est qu’il n’a / aura pas de gosses.
      C’est un piège pour lui et pour les électeurs. »

      Laurent Wauquiez a deux enfants. D’ailleurs, il a dit que le dimanche après midi c’est sacré dans sa famille, tous ensemble avec les enfants. Il a été de fait l’arroseur arrosé à propos du travaille dominicale.

      A moins que vous ne parliez de Macron ?

    • idlibertes

      15 mars 2018

      Je crois, oui.

    • sassy2

      15 mars 2018

      alors je me suis trompé
      c’est quand même curieux car ma source a été au lycée avec lui et un ami à lui habitait dans l’immeuble de sa mère (Madame W)

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