21 février, 2018

Le marché de la tomate est un très mauvais exemple de fonctionnement de la mondialisation

 

 

Le marché de la tomate est un très mauvais exemple de fonctionnement de la mondialisation

 

Nous nous efforçons de regarder à la télévision presque tous les documentaires consacrés à l’économie. Nous avons été suffisamment critique dans notre dernier papier « La télévision montre toujours ce qui se passe mal dans l’économie libre »  pour saluer le dernier documentaire de Jean Baptiste Malet « L’empire de l’or rouge » passé sur France2 le 13/02/2018.  Il décrit le fonctionnement du marché mondial de la tomate à l’heure de la mondialisation.

 

La sauce tomate permet de décrire le fonctionnement d’une partie de la  mondialisation économique. Les acteurs sont des gouvernements, des sociétés,  des traders, des gagnants et des perdants. Derrière les bouteilles de ketchup se livre une guerre commerciale planétaire  car tout est permis pour gagner des parts de marché.

 

La Chine triche

 

En Chine, dans la province du Xin Jiang l’armée chinoise a construit il y a une quinzaine d’années des usines qui produisent des millions de barils de concentré de tomate. L’opération a été menée par un ancien général de l’armée chinoise chargé de mettre au pas les « Ouigours » qui sont des musulmans chinois. Ce sont les italiens notamment la société <Rossi Catelli> qui a fourni à la société <Gaotai Sinochen> des usines clef en main. La chine a payé en concentré de tomate, ce qui a permis à des entreprises italiennes comme « Gino » de produire du concentré de tomate « italien » en rajoutant un peu de marjolaine.

Pas longtemps après, la société chinoise <Jintudi> s’est mise à vendre du concentré de tomate sous la marque « Gina » reproduisant à l’identique le packaging de la marque « Gino » !

Ensuite pour augmenter les marges, certains fabricants chinois se sont mis à ajouter de la fibre de soja qui joue un rôle d’épaississant qui peut aller jusqu’à 50% du contenu de la boite. Bien évidemment l’additif ne figure pas parmi les contenus mentionnés sur l’étiquette. Tout cela permet au port de Tanjin d’exporter 1MT de concentré de tomate par an.

 

Les Etats Unis développent des usines sans personnel

 

Aux Etats Unis, en Californie, une société  avec des usines robotisées est le numéro un mondial du concentré de tomate. Il s’agit de la société <Morning Star> fondée en 1970 par Chris Rufer qui était chauffeur de poids lourd. Aujourd’hui il produit 25% du concentré de tomate produit en Californie fournissant 40% des besoins américains. On le présente souvent comme « le Steve Jobs de la tomate » car il est arrivé à faire fonctionner des usines dans lesquelles tout le personnel a disparu. Cela n’a été possible qu’avec un coût  du capital proche de zéro.

 

<Heinz>, <Campbell> , <Ingomar Packing Company> propriété de Greg Pruett à Los Banos en Californie sont obligés d’adopter les mêmes méthodes pour rester compétitives.

 

L’Europe réintroduit l’esclavage

 

En Europe ce sont des migrants venus d’Afrique qui assurent la cueillette des tomates dans le sud de l’Italie. A Foggia dans les Pouilles, 30 000 migrants sont payés 2€ de l’heure en étant « logés » dans des conditions effroyables. On peut dire que comme à l’époque des latifundia,   l’esclavage a fait sa réapparition en Europe dans le sud de l’Italie. Tout cela est possible grâce à un écosystème qui comprend les mafias en Lybie et en Italie, les organisations qui prétendent s’occuper des migrants, le tout fonctionnant avec la bénédiction des autorités européennes.

 

En France, le consommation de tomate est de 13kg par personne et par an. La société <Savéol> possède 10% de part de marché. Pour produire une tonne de tomates en plein champ il faut 94,6kg d’équivalent pétrole (engrais, arrosage etc…). Il en faut dix fois plus que quand on les fait pousser sous serre. Une tomate cultivée à Agadir sous une simple bâche coûtera malgré les 3200km parcourus jusqu’à Rungis 13 fois moins d’équivalent pétrole que la tomate du Finistère cultivée sous serre chauffée.

 

La Hollande est ainsi le premier producteur de tomates en Europe, alors que c’est un pays qui a peu d’espace et pas beaucoup de soleil.  Leur prochain objectif est de faire pousser de la vanille sous des serres chauffées, ce qui permettra de ruiner rapidement l’économie de Madagascar qui est le premier producteur mondial de vanille !

 

L’Afrique s’enfonce un peu plus

 

En Afrique, au Ghana les paysans africains subissent la concurrence de la tomate made in China. La dernière usine de transformation de tomate locale a fermé. L’Afrique est devenu le champ de bataille de l’or rouge. Les ouvriers ghanéens sont payés quatre fois moins que les chinois. Le Ghana ne peut pas mettre de droits de douane sur ses importations chinoises comme le ferait un état souverain, car il dépend de la Chine pour la construction de ses infrastructures.

 

La mondialisation devra se réinventer.

 

A partir du simple exemple de la tomate, on comprend que la mondialisation montre les difficultés de la libéralisation des échanges commerciaux. Le documentaire pointe du doigt les grands acteurs de ce marché que sont les deux traders mondiaux de concentré de tomate qui tiennent le marché mondial. Ce  sont Armando Gandolfi en Italie et Juan Jose Amezaga aux Etats Unis.

 

On nous explique que le grand responsable est la mondialisation prôné par le Fonds monétaire international, la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale du commerce (OMC). D’ailleurs, la mondialisation appauvrit les pauvres des pays riches et enrichit les riches des pays pauvres. On n’est pas dans le libre échange mais dans une économie de prédation violemment anti sociale qui développe la mondialisation des inégalités.

 

Le libéralisme ne fonctionne qu’avec des Etats souverains

 

Après avoir fait ce constat on nous explique que c’est le libéralisme sauvage qui serait  responsable du dérèglement des marchés, du déclin industriel, des délocalisations et du chômage. On nous sert sans arrêt les clichés qui rendent le libéralisme détestable depuis trente ans aux yeux des intellectuels du camp des bien-pensants.

Le libéralisme n’a jamais été « le renard dans le poulailler qui mange toutes les poules ». Le libéralisme sans un état souverain cela ne peut pas  fonctionner. Il n’y a pas de contradiction entre le libre échange et la souveraineté.  Certains se mettent à  vanter alors les bienfaits du protectionnisme, ce qu’aucun économiste de renom à l’exception de Maurice Allais vieillissant n’a fait depuis très longtemps.

 

Il faudrait d’abord prendre conscience de l’échec des idées socialo keynésiennes.

Pour la suite, le problème est que la droite classique française est anti-libérale.  Elle se laisse dicter ses valeurs par la gauche, délaissant les siennes qui sont pourtant celles du véritable humanisme. Dans cette semaine précédant le Salon Agricole de Paris, si rien n’est fait pour faire mieux fonctionner le marché de la tomate et d’autres matières premières agricoles, il ne faudra pas s’étonner que les perdants soient attirés par les extrêmes de gauche et de droite.

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

12 Commentaires

Répondre à Sebaba

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  • Prolux

    1 mars 2018

    Il y a de nombreuses erreurs ou confusions dans cet article
    Ex: la Hollande n’est pas ( et de loin! ) le premier producteur d’Europe de tomates ( c’est L’Espagne). La hollande n’est pas compétitive pour les tomates car les serres doivent être chauffées ( à la différence de l’espagne qui a de simples plastiques). La Hollande produit essentiellement des fleurs dans ses serres ( mieux valorisé que la tomate)Lorsque le plein champ est comparé aux serres il faudrait rappeler que le rendement est 10 fois supérieur en serres ( 40kg/m2, soit 400 tonnes/ hectare). Les 1 tonne d’équivalent pétrole / hectare de serre ne traduisent pas la réalité ( la Hollande n’étant évidemment pas la bonne référence)
    il y a aussi confusion pour le jus de tomate car celui-ci ne se fait pas en plein champ et ne se récolte pas manuellement avec des  » migrants « (!!) : tout est récolté à la machine.
    La récolte manuelle ne concerne que le marché du frais ( très majoritairement produit en serres).

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    • Prolux

      4 mars 2018

      réponse à Madeleine
      Non, les tomates ne sont pas produites par des  » forçats africains « ( dans des camps sans eau…). Ceci ne traduit pas la réalité et le site Terraéco autodéclaré humaniste, engagé et militant n’est pas une bonne référence pour savoir ce qui se passe sur ce marché. L’Europe produit plus de 15 millions de tonnes de tomates et l’essentiel est produit avec énormément de technologie ( et de capital) même si il est facile de trouver sur 1% de la production des contre exemple.

  • Axel

    28 février 2018

    Merci M. Netter pour cet article fort intéressant.
    Si je puis me permettre une ou deux remarques:
    Maurice Allais était certes vieillissant quand il défendait le protectionnisme, il n’en était pas moins brillant.
    Il me semble également que Jacques Sapir, économiste de renom (à mon très humble avis) milite pour la réintroduction du protectionnisme comme outil économique.
    Du côté des Allemands, l’un des théoriciens du protectionnisme, Friedrich Lizst, me semble lui aussi être un économiste de premier plan.
    Quant à la validité de idées keynésiennes, l’économiste et banquier Hjalmar Schacht, libéral s’il en est, a reconnu qu’elles étaient applicables… sous certaines conditions. Il déplorait d’ailleurs d’avoir eu à les mettre en pratique (voir ses mémoires et son livre Magie des Geldes).

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  • Maurice

    26 février 2018

    Cette histoire de tomate est une suite au Hamlet à Horacio d’un article IDL précédent.
    Nous sommes encore dans le cadre de la réduction du réel au connu, et plus précisément dans la réduction du vivant au physico-chimique.
    En effet, notre tomate pousse sur le sable à la faveur d’une solution équilibrée NPK, l’élément chimique nourrissant directement la plante sans passer par le sol, plante rendue alors inodore et sans saveur.
    La réaction à ce constructivisme moderniste est venue des propriétaires de grands crus en aménageant l’écosystème, et non pas en le créant de toute pièce, avec pour résultat le goût fonction du terroir.

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  • Sebaba

    22 février 2018

    Les petits Etats doivent être protectionnistes dans les débuts s’ils veulent acquérir une forme de souveraineté.
    L’histoire économique nous apprend qu’il faut d’abord dégager des rentes par l’agriculture, avant de pouvoir investir dans d’autres secteurs.

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  • McBen

    22 février 2018

    Bravo pour cet article très concis !

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  • LKS

    22 février 2018

    Pour celles et ceux qui -amateurs comme moi- souhaitent suivre les recommandations de Mr JJ Netter, voici un certain nombre de codes ISIN que j’ai trouvés :

    AIR LIQUIDE FR 0000120073-AI

    Ishares gold trust ISIN US4642851053

    Ishares TIPS bond ETF ISIN US4642871762

    Vanguard Real Estate Index Fund ETF ISIN US9229085538

    OLED US91347P1057

    HXL US4282911084

    FN US40227Q2049 DKS1

    ZBH US98956P1021 / Nyse

    RDS A GB00B03MLX29 RDSA

    FCX US35671D8570 / Nyse

    Intel : US4581401001

    Samsung Eletronics : US7960508882

    Toshiba : JP3592200004

    Renesas Eletronics : JP3164720009

    Qualcomm : JP3164720009

    ST Microelectronics : NL0000226223

    Hynix Semiconductor : KR7000660001

    Micron Technology : US5951121038

    Infineon Technologies : DE0006231004

    Nvidia : US67066G1040

    Barrick Gold Corporation : CA0679011084

    Newmont Mining Corp : US6516391066

    Yamana Gold : CA98462Y1007

    Randgold Resources : GB00B01C3S32

    Kinross Gold Corporation : US496902AJ65

    Sous toute réserve et sans engagement,
    Bonne réception !

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    • idlibertes

      22 février 2018

      Merci beaucoup

      c’est très gentil

  • Nom *marc

    22 février 2018

    Moi je ne vois pas la même chose que vous en Chine:

    Le Xinjiang est une région pauvre semi désertique, mais ils ont du soleil. La Chine a donc développée cette région, pour en faire un gros exportateur de sauce tomate. Et pour exporter, la Chine a crée des infrastructures, route chemin de fer, ponts … et toutes les personnes vivants dans la région en profite, même les ouïghours (chinois musulmans). La chine aurait très bien put faire la même chose dans le Guangdong, sans le concours de l’armée (pas de religieux tares dans le coin), mais le climat l’été avec la mousson n’est pas propice a la culture des tomates, 10 cms de pluie tous les jours n’est pas bon pour les tomates, sans compter la densité de population du Guangdong, pas assez de grands terrains pour le faire, par contre le Xinjiang est parfait.

    Donc les Chinois ont réussi a crée une industrie, dans une région pauvre et sans pétrole, contrairement a l’Afrique, ou ils ont du soleil et du pétrole, et comme Charles Gave l’a dit : si vous enlevez le pétrole , l’ensemble du PIB de toute l’Afrique est inférieur a la Hollande, ils ne produisent rien.

    Même chose en Europe, pourquoi la Grèce est a la traine ? “Patras” en 2018, 3eme plus grande ville du pays, ne possède pas d’autoroute direct et de chemin de fer, la reliant a la capital Grecque: Athènes. C’est comme si il y avait pas d’autoroute et de trains pour faire Paris -Marseille. Pas de voie de communication = pas d’échange de bien = pas de commerce.

    Qu’on fasse pas poussez des tomates en France, parce que pas assez de soleil, ça se comprends, ce n’est pas du libéralisme prédateur. Mais délocaliser les usines de voitures française dans les ex-pays de l’URSS pour les réimporter en France, ça c’est du libéralisme prédateur. (du aux socialisme-communisme qui sévit en France depuis 50 ans).

    Répondre
  • Paul

    21 février 2018

    Un documentaire très bien résumé !

    Répondre

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