13 septembre, 2016

Le capitalisme démocratique est menacé

Cela fait quatre ans que la Banque Centrale Européenne multiplie les mesures pour essayer de relancer l’activité avec un programme d’achat de 80Md€ mensuel de dettes publiques et privées, le fameux « quantitative easing ». Aujourd’hui elle se trouve à la tête de 1026Md€ d’obligations. Au début, il s’agissait d’obligations souveraines, puis on est passé aux obligations émises par des sociétés, avant comme au Japon, de procéder à des achats d’actions par l’intermédiaire d’ETF. Un Etat qui possède tout, cela a un nom qui est « communisme ». Cela devrait inciter les nombreux économistes hétérodoxes, invités sur les radios et les plateaux de télévision,  à modérer leurs commentaires autour de « Cela va mal car la politique menée est trop libérale ». Rappelons une fois de plus, qu’un Etat, qui comme en France contrôle près de 60% du PIB est tout sauf libéral…

 

Cette politique qui consiste à effondrer les taux d’intérêts a déjà un effet très négatif sur les banques, les compagnies d’assurance et les systèmes de retraite. Cela aura pour conséquence, que tout le monde devra épargner plus, travailler plus longtemps pour une pension de retraite qui sera nettement plus faible qu’aujourd’hui.

La politique monétaire ayant trouvé ses limites, Elle doit désormais être prolongée par des actions politiques et budgétaires pour produire de la croissance dans l’économie réelle. C’est ce que demande depuis de nombreux mois Mario Draghi, le président de la BCE, aux mauvais élèves de l’Europe. En attendant, le rendement des obligations allemandes à 10 ans est redevenu positif cette semaine comme si l’on assistait à la fin d’une séquence…

 

La France fait partie des mauvais élèves de l’Europe

 

Parmi les pays qui ne respectent pas leurs engagements figurent l’Espagne  avec un déficit budgétaire supérieur à 3% du PIB à 3,9% et une  dettes publique de 100,3% du PIB, La France (3,4% et 96,4%) et la Grèce (3,1% et 182,8%)

 

L’Espagne peut se retrouver dans une situation exceptionnelle ingérable

Le bipartisme ne fonctionne plus. Après deux scrutins en moins d’un an, le pays est sans gouvernement depuis huit mois. Les espagnols faute d’accord pourraient être amenés à voter une troisième fois en décembre. Mariano Rajoy chef du Parti Populaire (PP) est toujours candidat. Albert Rivera à la tête des conservateurs est prêt à soutenir « tout candidat viable ». Pedro Sanchez du Parti socialiste (PSOE) cherche une alternative à une coalition avec le PP. Pablo Iglesias à la tête de Podemos, le parti anti austérité risque de perdre encore des voix lors du prochain scrutin.

Podemos et Ciudadanos détiennent donc les clefs de toute coalition. Sans leur soutien ou leur abstention aucun gouvernement ne sera possible.

 

En Grèce, les tensions montent entre le gouvernement d’Alexis Tsipras et ses créanciers du Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Il faudra que La Banque Centrale Européenne, le Fonds Monétaire International se mettent d’accord pour le déblocage d’une nouvelle tranche d’aide de 2,8Md€ et l’ouverture de discussions sur la restructuration de la dette. C’est loin d’être acquis dans une économie où le pourcentage d’activités réalisées au noir ne cesse d’augmenter.

 

L’Italie a un déficit budgétaire de 2,4% qui respecte la limite de 3%, mais une dette publique de 132,7% avec un système bancaire qu’il faut complètement recapitaliser. Elle est aussi en danger,  car le prochain referendum constitutionnel sera une consultation à haut risque. Matteo Renzi avait tout misé sur cette réforme  qui devait permettre une majorité forte et un pouvoir stable. Sûr de lui il avait promis de démissionner en cas d’échec dans les urnes. Mais les pronostics se sont dégradés.

Le cœur de la réforme porte sur la suppression du  bicamérisme, ce qui simplifierait le vote des lois. Le Sénat ne serait plus l’égal de la chambre mais une assemblée plus petite composée de représentants régionaux et dotée de pouvoirs plus faibles. La nouvelle loi électorale vise à renforcer la majorité à la chambre : le parti qui obtiendrait 40% des voix recevrait une prime qui le mènerait à 55%. Si le oui l’emporte, les pouvoirs du sénat seront substantiellement réduits et une grande part des pouvoirs des régions seront récupérés par Rome. La probabilité du oui serait de 35%. Ces mesures qui étaient destinées à renforcer le camp Renzi pourraient bien renforcer l’ascension du « Mouvement Cinq Etoiles ». Si le non l’emporte le gouvernement de Matteo Renzi pourrait tomber

 

En France, on assiste à une grande pagaille présidentielle. Depuis plusieurs mois, les sondages nous indiquent que Marine Le Pen sera au second tour, qu’Alain Juppé devance Nicolas Sarkozy et que François Hollande est loin derrière. Emmanuel Macron pourrait rebattre les cartes.

La France a complètement décroché en matière économique depuis l’élection de François Hollande. Le choc fiscal de 2012 a complètement tétanisé l’épargne et l’investissement au moment où le maintien de la compétitivité nécessitait de lourds investissements. L’insécurité en France est beaucoup trop grande.  Avec plus de 230 morts et plus de 800 blessés depuis janvier 2015 la France est devenue le troisième pays le plus touché par le terrorisme. Enfin, la France est la championne toutes catégories du déclassement de la jeune génération avec le taux de pauvreté le plus élevé qui se trouve parmi les jeunes âgés de 18 à 24 ans…

 

En Grande Bretagne, l’impact du Brexit sur la bourse a été effacé deux mois après. La bourse de Londres s’est offert un bel été. L’actuel chef du parti travailliste, Jeremy Corbyn, très marqué à gauche devrait être reconduit en septembre à la tête du Labour grâce au soutien des plus jeunes membres du parti

 

En Allemagne « ça va bien comme jamais »

 

L’Allemagne de son côté vient d’annoncer une baisse d’impôts de 15Md€ sur cinq ans et un budget à l’équilibre. La liste des performances du pays est impressionnante : le taux de chômage est au plus bas depuis cinq ans avec une population active de 43,(M de personnes. Les salaires réels augmentent ainsi que les retraites.  La croissance économique reste donc solide en dépit des nuages qui s’amoncellent. Tout cela a permis à Wolfgang Schaüble, le ministre des finances de dire au Bundestag qu’en Allemagne « ça va bien comme jamais ». Cependant, le parti d’Angela Merkel,  la chancelière a été devancé dans son fief du  Mecklembourg par l’extrême droite, lors de l’élection du 4 septembre dernier. L’avenir d’Angela Merkel se jouera lors des prochaines élections de l’automne 2017. Elle est la candidate préférée des marchés pour la stabilité, la visibilité et son pragmatisme.

 

Le capitalisme démocratique, le moins mauvais des systèmes,  est donc partout en péril, en Europe et aux Etats Unis. Tous ceux qui comptent se présenter devant les électeurs devraient bien en tenir compte dans leurs programmes en corrigeant les excès qui ont été commis depuis une trentaine d’années…

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

12 Commentaires

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  • gal

    20 septembre 2016

    Voui et vu le scandale Wells fargo (où personne ne s’est fait licendier et voit meme ont eu des bonus de 125 millions d’USD !!!), quand on constate l’odeur de pourriture putride qui s’échappe du systeme bancaire US,je me dit que comme en Islande, les banquiers devraient tous être foutus en prison.
    Banquiers = Pourris

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  • Christophe

    18 septembre 2016

    Si l’on peut toujours déplorer les évolutions de notre modèle économique et son manque de libéralisme … (C’est vrai du reste, que notre monde moderne a toujours été plus ou moins libéral … et depuis un certain temps de moins en moins !) … Il ne faudrait pas pour autan oublier que le libéralisme, au delà d’être une organisation, un « modèle » économique, possède aussi « génétiquement » un projet, une vision politique et que celle-ci mène naturellement au mondialisme ! « Mondialisme » que nombre de vrais libéraux verraient différemment ! ? … Dés lors, je me rappelle les propos d’un ami, (catholique éclairé, érudit, et qui n’avait rien d’un communiste), qui avait conclu notre discussion sur ces mots : « vois-tu, le communisme est le meilleurs des systèmes et ce système parfait est fait pour des hommes parfait … mais la nature des hommes en est si éloignée que cela n’a aucune chance de marcher ! » Je sais aujourd’hui qu’il en va de même pour le libéralisme politique ! Si les mots tel que : « états-nations », « réglementation », « régulation », « plan économique national » … etc. sont insupportables aux libéraux et ne parlons pas du mot : « protectionnisme », je reste persuadé que le libéralisme en roue libre conduit invariablement à ce que ces mêmes libéraux dénoncent comme une « économie de connivence ».

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    • idlibertes

      18 septembre 2016

      Le libéralisme n’est ABSOLUMENT PAS UNE ORGANISATION (sic))
      Ni un modéle économique

      mais bien une BRANCHE DU DROIT visant à faire reconnaître les droits individuels et à circonscrire les limites du pouvoir politique.

    • Christophe

      19 septembre 2016

      Tout ce qui contribue à la construction, à l’élaboration du droit est éminemment politique ! Prendre position sur l’étendue des libertés (et donc ses limites), implique nécessairement une proposition de règles sociales. Pour toutes ces raisons (et d’autres), il y a bien un « libéralisme politique », ne vous en déplaise ! … Et d’ailleurs c’est heureux ! Car cela participe aussi à la construction de notre société. Le reste n’est qu’un exercice de casuistique !

    • idlibertes

      19 septembre 2016

      Loin de moi l’idée de nourrir le débat, mais je réfute, sur le principe du droit naturel, le fait que le droit soit éminemment politique. Si vous admettez comme Aristote qu’il existerait des droits naturels et donc justes (ie la liberté au hasard), de facto, ils échappent à tous pouvoirs politiques en ce qu’ils priment toute organisation de l’homme. Je n’ai pas besoin des règles sociales ni de la société pour naitre libre et égal en droit. Ces droits naturels existent non pas du fait de l’homme mais parce qu’ils sont. Mais , encore une fois, loin de moi l’idée d’ouvrir un débat positiviste…. Argh argh

      Par la suite, personne n’a dit ici qu’il n’existerait pas de libéralisme politique, on a vécu sous Reagan et Thatcher, mais le libéralisme en tant que courant philosophique, reste une essence du droit.

      « 

    • Christophe

      20 septembre 2016

      Monsieur,
      Quand nous ne plaçons pas les mêmes choses derrière les mêmes mots, nous ne pouvons nous comprendre !

    • idlibertes

      20 septembre 2016

      C’est la raison pour laquelle les avocats commencent toujours un contrat par plusieurs pages de définitions pour savoir ce que l’on entendra par.

      Par définition, chacun part avec son bagage intellectuel ainsi, il est souhaitable parfois de redéfinir, ce que Charles Gave fait très souvent dans ses article du reste, justement pour cette raison.

      Qu’est ce que c’est déjà « ne pas nommer les choses, c’est accroitre la misère du monde » ou quelque chose de cet acabit 🙂

  • goufio

    18 septembre 2016

    Répartition du PIB (%) de l’Allemagne en 2015:
    Industrie de transformation 22,6 ;
    Commerce, Secteur hôtelier et Transport 15,5;
    Immobilier 11,1 ;
    Services aux entreprises 11,2;
    Industrie du bâtiment 4,7 ;
    Information et Communication 4,9 ;
    Finances et assurances 3,9 ;
    Autres 26,1

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  • Nicolas

    15 septembre 2016

    Allemagne : 12,5 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, un record.

    En effet, en Allemagne ça va bien comme jamais.

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    • goufio

      18 septembre 2016

      L’indice de Gini mesure l’inégalité de revenus, ainsi lorsque l’indice est à 0, tous les revenus sont égaux, Haïti 59,1. S’il est égal à 1, c’est l’inégalité totale.

      D’après l’OCDE, l’Allemagne a un indice de 0,289 (données 2012 dernières connues) en France il est de 0,308.

      Le taux de pauvres régresse considérablement dans le monde depuis la fin de la seconde guerre mondiale grâce au capitalisme individuel (liberté économique) plus de 2 milliards d’individus en sont sortis, il en reste environ 800 millions. Quel fantastique progrès.
      Pourvu que tous les égalitaristes, taxeurs et réglementeurs mondiaux ne mettent pas à mal cette salutaire évolution.

  • Quel_avenir

    14 septembre 2016

    Cela devrait inciter les nombreux économistes hétérodoxes, invités sur les radios et les plateaux de télévision, à modérer leurs commentaires autour de « Cela va mal car la politique menée est trop libérale ».
     
     
    Aucun risque.
     
     
     
     
    Le cœur de la réforme porte sur la suppression du bicamérisme, ce qui simplifierait le vote des lois.
     
     
    Enlever du contrôle pour rendre le vote des lois plus facile, cela ressemble à s’y méprendre à de la démocratie… Oups, à moins que ça ne soit le contraire?
     
     
     
     
    Je ne peux que pleurer avec vous sur votre constant de la France.
     
     
     
     
    Tous ceux qui comptent se présenter devant les électeurs devraient bien en tenir compte dans leurs programmes en corrigeant les excès qui ont été commis depuis une trentaine d’années…
     
     
    Hélas, mille fois hélas, ils sont amoraux et ils ne vont pas se tirer une balle de le pied.

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  • sassy2

    13 septembre 2016

    excès de globalisme.

    suppression de la concurrence chez les elites (par le globalisme) => communisme.

    ce qui ont le plus a perdre sont les allemands car il sont decalés dans le cycle
    (mis à part que l’immo y est plus modéré je ne vois rien de bon, certes il ont récupéré toutes les usines -comme en 40- mais pour vendre quoi? et à qui? comment? lol

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