9 juillet, 2013

Le « best of » du Cercle des Economistes à Aix en Provence

Jean Hervé Lorenzi et le Cercles des Economistes ont organisé pour la treizième fois cette année « Les Rencontres d’Aix en Provence ». Cet événement important dure trois jours. Il permet d’écouter et de rencontrer de nombreux acteurs de la vie économique, politique et universitaire. Le Président du Cercle des Economistes, maitre des horloges, avait convié cette année 225 intervenants pour s’exprimer sur le thème : « Le choc des temps, l’économie mondiale entre urgence et long terme ». Le soleil a fait,  comme d’habitude, partie de l’organisation, ce qui montre que la météo est une science infiniment plus fiable que la prévision économique.

L’année dernière, les intervenants avaient abusé des citations de Winston Churchill en nous invitant à nous préparer pour du  sang et les larmes. Cette année on était dans la citation de  Jean Claude Junker Président de l’Eurogroupe « Nous savons tous ce qu’il faut faire pour préparer l’avenir, mais nous ne savons pas comment le faire pour être réélu »

La crise est plus durable et plus violente qu’anticipé. Les politiques contra cycliques mises en œuvre sont usées et inefficaces. Il n’y a pratiquement plus de progrès de productivité. Sommes nous toujours dans une grave crise financière ou tout simplement dans la crise d’un modèle de croissance qu’il convient d’adapter ? Comment définir les actions prioritaires et faire en sorte que l’action dans l’urgence serve aussi une stratégie de long terme ?

Les investisseurs sont devenus shootés au « Quantitative Easing » (=politique monétaire très accommodante des banques centrales) qui a été beaucoup plus efficace pour faire monter le prix des actions que pour créer de la croissance économique. On est dans l’addiction et le manque de conviction

Les économistes sont dans l’incertitude  et la modestie. Ils ont perdu une partie de leur crédibilité, car dans  la finance moderne,ils sont sans arrêt confrontés l’illusion de la maitrise de l’économie. L’ingénierie financière qui repose sur l’efficience des marchés et la vérité des prix ne fonctionne pas.  D’ailleurs, comme aimait le rappeler John K Galbraith auteur notamment du livre « La crise de 1929 »,  « La science économique est d’une extrême utilité car elle fournit des emplois aux économistes »

Les politiques vont devoir privilégier la gestion sérieuse par rapport au spectacle médiatique. Nous avons  absolument besoin d’une industrie compétitive si nous voulons continuer à vivre dans une Europe forte. Le temps de la finance n’est pas celui de l’éducation et  le temps du politique n’est pas celui de l’industriel. Il faudra beaucoup de temps pour désendetter des économies gavées de dette publiques et privées. On n’est plus dans la sortie de crise ou le rebond de l’économie.

 

 

 

 

 

 

Ne pratiquons pas en permanence le Euro Bashing

 

La zone Euro entre dans son septième trimestre de récession. On peut très bien aboutir à une explosion de la zone Euro avec une banqueroute des pays faibles. C’est ce que craint Yanos Papantoniou ancien Ministre des Finances de la Grèce. Il y a le feu à la maison européenne pense Eric Lombard de BNP Paribas Cardif . Pour lui il faudrait que la BCE intervienne sur le prix du temps en faisant baisser les taux longs qui sont encore trop élevés. Il n’y a eu que Jean Claude Trichet ancien président de la BCE pour exhorter les participants à ne pas pratiquer en permanence le dénigrement de l’Europe, le « Euro Bashing ».

 

L’Europe est un laboratoire des déséquilibres que l’on constate sur le plan mondial a dit Benoit Coeuré de la BCE. Les politiques qui ont la responsabilité de mettre en œuvre les réformes doivent gérer simultanément le temps de la finance, le temps de l’économie et le temps de la politique.

 

En France ce n’est pas la croissance mondiale qui sortira la France de sa mauvaise passe a rappelé Patrick Artus de Natixis.  Tout ceux qui attendent ce moment seront déçus.

Les réformes structurelles doivent être entreprises le plus vite possible par le Président de la République et son gouvernement.  Comme il faut remettre complètement à plat l’Etat Providence,  Philippe Aghion, professeur à Harvard, propose deux routes : celle qu’il baptise de façon  caricaturale de « conservatrice néo libérale » qui estime que le poids de l’état est une entrave à la liberté et à l’initiative individuelle. En face, la route qu’il propose,  qui est celle des « sociaux démocrates » qui sont convaincus que l’état stratège est la seule solution. Tout le problème auquel aucun des participants n’a apporté de solutions est que les réformes structurelles ne doivent pas trop dégrader le court terme.

 

Elsa Fornero ancienne Ministre du Travail dans le gouvernement Monti a eu la pratique de la prise de décision sous la forte contrainte. Elle eu Vingt jours pour mettre en place la réforme des retraites en Italie. Elle l’a fait, ce qui a permis à l’Italie d’éviter une véritable débâcle financière. En France on pratique un rythme différent qui est celui de la « grenélisation » de la vie politique. Il oblige à consulter tout le monde très longtemps pour aboutir généralement à des solutions temporaires. Comme l’a dit très bien Louis Gallois Commissaire Général à L’Investissement, c’est une pratique que la France est arrivée à exporter avec beaucoup de succès à Bruxelles !

Pour le moment, l’obsession française pour les relances à court terme n’a d’égale que notre incapacité collective à construire un horizon de long terme….

 

 

L’entreprise doit être remise au cœur de la stratégie gouvernementale.

 

Il faut absolument dit Louis Gallois Commissaire Général à l’Investissement créer un consensus sur ce qui est bon pour l’entreprise. Il faut avoir le courage de modifier le

CICE qui est une usine à gaz trop compliquée a dit Jean Hervé Lorenzi .  Quant à Christophe de Margerie Président de Total, il pense qu’il faut très vite remettre l’entreprise au centre. Utilisons les pour remonter la pente. Soutenir les marges des entreprises à court terme permet de préparer l’avenir en améliorant leur capacité à investir dans la productivité et l’innovation.

Philippe Camus de Alcatel Lucent souhaite que l’on évite désormais le cycle à quatre temps : 1/ on augmente les impôts 2/ on met en place un dispositif pour compenser une grande partie de la pression fiscale 3/ on supprime le dispositif mis en place qualifié de niche fiscale 4/ on revient à la situation de départ. Pierre-André de Chalendar président de Saint Gobain a reproché à l’équipe gouvernementale d’être passée en un an du déni de réalité au zigzag. Il faut avoir une vision claire et être pragmatique sinon on ajoute la défiance à l’incertitude.

 

Pierre Moscovici, ministre de l’économie, avait dit l’année dernière, dans l’amphi Montperrin de l’Université d’Aix Marseille, avec un peu d’arrogance « il y a dans cette salle beaucoup d’économistes qui ont travaillés avec nous et je les salue ». Visiblement cette année,  les rangs ont du s’éclaircir, car  pour une raison tout à fait inexplicable, il à pris à partie l’ensemble de l’amphithéâtre qui était devant lui en lui reprochant sa défiance à son égard !

 

Il aurait été plus utile qu’il exprime sa vision :  sur sa stratégie pour que la France retrouve une trajectoire de croissance au moins équivalente à celle des autres pays de l’OCDE ; sur le  temps qui sera selon lui nécessaire pour réduire les dettes et reconstruire les capacités à créer des richesses ;  sur le modèle qu’il choisit pour quelle Europe ; sur  la perte de compétitivité de l’industrie française ; sur l’explosion du déficit du commerce extérieur ; sur l’articulation entre les politiques de compétitivité de court terme et de long terme qui pose un problème d’affectation des moyens publics.

 

Finalement,  c’est Laurent Berger Secrétaire général de la CFDT qui a porté un des constats les plus lucides de ces rencontres. En France, l’ensemble des acteurs de la vie économique, politique et syndicale  est incapable d’anticiper. On ne procède aux réformes que le dos au mur. Quand un accord comme celui du 11 janvier dernier qui  commence à laisser un peu de  souplesse aux entreprises en matière de droit du travail personne n’ose même en faire la pédagogie !

 

La déclaration finale de cette année contenait un plan jeune probablement pour rappeler au Président de la république dans ce domaine ses promesses de campagnes oubliées. Le taux de sous emploi des jeunes se rapproche dangereusement de celui des pays du sud de l’Europe. La période que nous traversons laisse beaucoup trop de jeunes sur le bord de la route. Il s’agit bien évidemment de mettre en œuvre une autre politique que celle des contrats aidés et de génération. Financés par le secteur marchand cela conduira inévitablement à accélérer un peu plus la désindustrialisation de la France.

 

Les erreurs de l’Europe dans l’énergie, l’automobile et probablement la banque

 

 

La politique  énergétique de l’Europe est un véritable champ de ruines comme l’a décrit Gérard Mestrallet Président de GDF Suez. Depuis Kyoto les émissions de CO2 ont monté car on a substitué du nucléaire par du charbon, la compétitivité des entreprises européennes est handicapée par la non exploitation des gaz de schistes, la sécurité des approvisionnements de l’Europe a diminué et enfin on a créé des capacités en énergies renouvelables au moment où on en avait pas besoin !

 

 

Dans le secteur automobile, Jacques Attali président de Planet Finance a rappelé que les réponses apportées à la crise des deux côtés de l’Atlantique ont été diamétralement opposées. Aux Etats Unis on s’est attaqué aux problèmes de surcapacité structurelle de certains constructeurs.  En Europe on a fait le choix de solutions principalement conjoncturelles avec des plans temporaires de soutien de la demande.

 

Les banques européennes détiennent beaucoup trop d’obligations souveraines dans leur bilan. La politique monétaire a déjà fait beaucoup. Elle n’est pas en mesure de prendre les mesures de réformes structurelles à la place des politiques  a rappelé Jan Weidman Président de la Bundesbank.

 

En marge de cette réunion, on constate que certains investisseurs sont extrêmement pessimistes sur les perspectives des marchés au cours des prochains mois, c’est notamment le cas de Chris Wood, le stratégiste de CLSA. Pour un fonds de pension, il recommande de détenir 50% de l’actif en or physique, 30% en Asie ex Japon et 20% en mines d’or. A suivre…

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

7 Commentaires

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  • jpr

    31 juillet 2013

    Nous voyons bien que cette position dogmatique sur les gaz de schistes est intenable.Le principe de précaution appliqué à l’extrême, est nuisible à la société toute entière. S’il avait été appliqué de cette façon à l’époque de la révolution industrielle, nous en serions encore au moyen age. Faisons des essais, analysons objectivement les risques, mettons des garde fous pour éviter des pollutions nuisibles,modifions le code minier, indispensable pour que la population accepte cette technologie.Ces essais de forage et d’exploitation sont indispensables pour que les politiques, les techniciens et l’opinion publique puisse se faire une idée objective de cette source d’énergie nouvelle.
    Cette source d’énergie nouvelle si elle était exploitable serait une révolution pour la FRANCE et redonnerait un espoir formidable pour les nouvelles générations, car les retombées économiques en terme d’emploi sont gigantesques.
    Je suis certain q’un facteur politique, économique ou technique permettra de lever ce blocage psychologique.La suite, j’entend parler de compagnie nationale des gaz de schiste, ceci est une autre histoire…

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  • Viviane Paqué

    12 juillet 2013

    Bonjour,
    Je ne vois aucune allusion dans vos propositions « au revenu de base inconditionnel » et aux » monnaies alternatives locales » qui sont de très bonnes solutions pour sortir de la « crise »; surtout celle du travail car l’on sait très bien que à l’avenir , vue les performances de l’industrie il n’y aura plus du travail pour tous; Dieu Merci voici venu le temps de vivre « sa vie » en ayant le choix et la liberté de se réaliser et d’apporter au monde la particularité et la différence merveilleuse que chaque être humain à a découvrir et à donner!! (« on » le lui avait caché!!)
    Les avancées de l’industrie doivent profiter à toute l’humanité afin que plus personne ne meure de faim et de soif et cela a été calculé et démontré par des économistes évolués comme parfaitement réalisable.
    Nos parents, grand-parents etc… ont travaillés assez dur pour que cela soit possible et aujourd’hui c’est possible; alors parlez-en!!
    Très cordialement
    Viviane Paqué

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  • jcgruffat

    11 juillet 2013

    Ne confondons pas gaz de schistes et methodes d’exploitation.
    Le principe de precaution a la francaise a conduit a refuser les permis pour faire des sondages afin d’evaluer les reserves..
    Vous pouvez avoir des objections a certaines methodes d’extraction, telles le « fracking », avec, selon certains des risques – contestes par d’autres – de pollution de nappes phreatiques.
    Soyez conscients toutefois que le rejet a la francaise penalise notre industrie en terme de couts energetiques.
    JP Clamadieu, president de Solvay, ancien du cabinet Martine Aubry, donc tout sauf un liberal ultra, a declare il y a quelques mois que les couts d’approvisionnement de ses implantations industrielles europeennes seraient divises par 3 s’il delocalisait aux Etats Unis pour beneficier des nouvelles sources energetiques.
    Pour entendre aussi un autre son de cloche que la pensee unique europeenne – francaise surtout – sur ce sujet, allez sur le site du Competitive Enterprise Institute et prenez connaissance d’autres etudes et analyses.
    Cordialement.

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  • jepirad

    10 juillet 2013

    Merci pour cette synthèse.
    Un point sur lequel il ne faudra pas lâcher (qu’on soit libéral ou pas) : l’exploitation des gaz de schistes.
    Ce qui se passe aux USA dans ce domaine mettra à mal et de façon irréversible les réserves d’eau naturelle des Etats du pays.
    Un drame est en préparation.
    Il semblerait que les politiques commencent à prendre au sérieux les méfaits de cette industrie, certes créatrice d’emplois, mais dévastatrice pour l’environnement et les populations.

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    • idlibertes

      12 juillet 2013

      Suaf que cela ne se passe pas comme cela en France. les riches fuient, leur consommation avec, reste les fonctionnaires, les retraités et les demandeurs d’aides. De là, oui, tout le monde est plus pauvre puisque les anciens riches ne consomment plus (donc ne créent plus d’emplois). les fonctionnaires restent à cout immuables mais calculés sur une base d’impot d’avant (que les riches ne partent) et les allocations elles… bref.

      Et voila

    • Anonymous

      12 juillet 2013

      Homo Sapiens Sapiens survit depuis 300 000 ans, car le travailleur peut vendre jusqu’à son sang et sa vie contre une rémunération.

      Le socialiste veut interdire au travailleur de pouvoir vendre son risque, son sang ou sa vie (principe de précaution).

      Le libéral veut nourrir la consommation, non pas avec le sang du travailleur qui vend son risque, mais avec le sang des innocents (nucléaire, schistes, OGM), qui ne vendent aucun risque, mais qui en paient le prix.

      Les libéraux sont les ennemis du libre marché car ils veulent de faux prix, ils ne veulent plus payer le prix du sang, il veulent que le sang et la vie des gens soient gratuits lorsque qu’ils ne rapportent rien.

      Les libéraux ne veulent pas acheter les refus, sans quoi le prix serait plus élevé, la production et la consommation moindre ou des marchés entiers disparaitraient (nucléaire, schistes, OGM etc.).

      Les libéraux veulent de faux prix, en contraignant par la force des républiques socialistes, toute l’espèce humaine à souffrir un risque de sciences sans conscience, qui est refusé et qui sur le libre marché aurait donc un prix exorbitant, qui rendrait ce risque irréalisable.

      Les socialistes veulent gérer le risque à la place du marché.

      Les libéraux veulent nous imposer des risques inacceptables qui ne sont pas soumis au marché, qui sont payés par d’autres, par le sang versé des autres.

      Le libéral d’hier, défendait contre le socialisme, le droit pour l’individu de vendre sa vie et son sang, mais il condamnait le fait de contraindre l’individu à vendre ou à perdre sa vie et son sang.

      Le libéral d’aujourd’hui, défend le droit pour la minorité hédoniste, de consommer la vie et le sang, sans consentement, ni salaire, ni retour, de tout le vivant, jusqu’à l’extinction totale de l’espèce Homo Sapiens Sapiens et de la vie sur terre.

  • jcgruffat

    10 juillet 2013

    Excellent, merci, l’emploi des jeunes est effectivement le sujet et les emplois jeunes ne sont pas la solution.

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