18 juin, 2018

La question fondamentale

LA question fondamentale

 

 

Comme me l’avait dit il y a bien longtemps l’un de mes mentors lorsque que j’ai commencé à réfléchir sur les marchés financiers :

 

 

« Charles, la seule question est de savoir s’il y a plus d’idiots que d’argent (les marchés baissent) ou plus d’argent que d’idiots (les marchés montent) ».

 

Le principe est simple et très juste, son application dans la réalité est, et reste, oh combien difficile, hélas.

 

Revenons un peu en arrière, au moment de la grande crise de l’Euro de 2011-2012.

La BCE, suivant en cela la Fed décide de jeter son bonnet par-dessus les moulins et se met à acheter des obligations d’état et cet exemple sera rapidement suivi par la banque du Japon. Et donc, de 2012 à 2017, nous avons eu beaucoup plus d’argent que d’idiots et les marchés en conséquence se sont fortement appréciés.

 

Changement de décor en 2017. La Fed annonce qu’elle va réduire la taille de son bilan, alors même que la BCE et la banque du Japon maintiennent leurs politiques « expansionnistes ». La quantité d’argent « dollar » va donc commencer à baisser et les optimistes (autre nom donné aux idiots) de me dire que cela n’est pas très important puisque la BCE et la BOJ vont continuer à imprimer à tout va. Voilà qui montre que ces optimistes ne comprennent pas qu’en ce qui concerne les monnaies, le dollar est plus égal que les autres puisque la monnaie des USA est aussi la monnaie qui sert aux financements internationaux.

Explication.

 

Le rôle d’une banque centrale est de gérer la « liquidité « de l’économie qu’elle a sous son contrôle.

Si elle veut la faire croitre, elle achète des obligations émises par son ou ses états (dans le cas de la BCE) qui seraient détenues par les banques commerciales et ce faisant elle fait baisser les taux et fait monter un agrégat monétaire qui s’appelle la base monétaire. Que le lecteur imagine que cette base est la pointe de la pyramide du crédit dans un pays. Si la pointe s’accroit, l’ensemble de la pyramide devrait suivre. Et le contraire est vrai aussi… et la Fed nous dit donc depuis un an qu’elle veut réduire la taille de la pyramide, c’est-à-dire l’offre de dollars, ce qui devrait faire monter les taux aux USA, ce qui se passe…

Mais le dollar est -aussi- la monnaie dans laquelle le monde emprunte, c’est-à-dire la monnaie dans laquelle ceux qui ne disposent pas d’une épargne suffisante chez eux s’endettent s’ils veulent investir ou spéculer, qu’ils s’agissent d’Etats, de sociétés ou de particuliers.

Et donc, quand le dollar se fait rare, ces entités se retrouvent en difficultés et sont obligées de vendre leur monnaie nationale pour servir la dette en dollar , ce qui force la banque centrale locale à vendre les dollars qu’elle avait en réserve de change et du coup les réserves de change de ces pays se mettent à baisser, ce qui force la banque centrale à monter les taux…Et  donc les taux de changes de ces pays se mettent à baisser de plus en plus fortement au fur et à mesure que les réserves de changes locales s’épuisent, ce qui rend le remboursement des dollars de plus en plus onéreux…et cela se termine parfois avec le FMI.

 

Or il se trouve que la Fed publie chaque semaine son bilan dont ces réserves font partie, au passif, ce qui me renseigne sur la situation et me permet d’avoir une idée du stock de dollars inutilisés en dehors des Etats-Unis et donc mis « en réserves » par des banques centrales tierces.

 

En additionnant la base monétaire aux USA aux réserves de change déposées à la Fed pour le compte des banques centrales étrangères, j’ai donc une idée de la QUANTITE de dollars dans le monde, séparée entre dollars aux USA et dollars en dehors des USA. Et j’appelle cet agrégat « la base monétaire mondiale ».

 

Est-ce une mesure précise ? Certainement pas. Mais comme le disait Keynes, il vaut mieux avoir approximativement raison que précisément tort…  Et donc, si cet agrégat se met à baisser, je sais que nous nous trouvons dans un monde où la quantité d’argent baisse) … alors que le nombre d’idiots reste à peu près constant.

Et c’est là en général que les difficultés commencent, comme en témoigne le graphique suivant et c’est là aussi que nombre de pays se mettent à faire appel au FMI.

 

 

Chaque fois depuis 1972 que la base monétaire mondiale en dollars est passée en dessous de zéro, nous avons eu des problèmes, des gros problèmes. (La seule fois où nous avons eu des problèmes sans que nous soyons passés en dessous de zéro fût en 2008 quand Paulson, le ministre des finances US, laissa Lehmann Brothers faire faillite, écroulant non pas la base monétaire mais la pyramide du crédit elle-même, ce qui était une imbécillité incommensurable. A l’époque je pensais que tout le monde savait depuis les années trente qu’il ne fallait JAMAIS laisser faire faillite à une banque…je me trompais).

 

Or la base monétaire mondiale est en train de passer en dessous de zéro, ce qui revient à dire qu’il y a moins de dollars qu’il y a un an dans le système, et le Président Trump, en suivant une politique protectionniste rend l’acquisition de dollars par les non américains plus difficile qu’à l’accoutumée.

Et déjà, les pays endettés en dollar et qui souffrent d’un déficit de leur commerce extérieur sont en train d’aller au tapis les uns après les autres.

Citons la Turquie, dont j’ai déjà parlé deux fois récemment dans ces chroniques, mais aussi l’Argentine, le Brésil, l’Afrique du Sud, le Mexique…

Déjà aussi, les pays très dépendants de leurs importations de pétrole -qui sont bien sûr libellées en dollar- voient leurs taux longs monter…

Citons par exemple l’Italie et l’Espagne, ce qui démontre l’échec de la BCE et met en danger la pérennité même de l’Euro.

Mais après tout, l’un des objectifs de monsieur Trump est de se payer l’Allemagne avec ses excédents du commerce extérieur de plus de 8 % de son PIB, ce qui est monstrueux et ne s’explique que par la sous-évaluation de la monnaie allemande, elle-même conséquence de l’Euro.

 

Mais que cherche à faire monsieur Trump exactement ?

Monsieur Trump ne croit qu’en la Nation et il veut donc simplement sortir du monde multilatéral dans lequel nous vivons..

II veut que son pays redevienne le premier pays au monde et le proclame haut et fort « America first ». Et pour cela, il faut sortir du multilatéralisme et revenir au bilatéralisme.

 

Depuis 1990 et la chute du mur de Berlin, les hommes de Davos n’ont eu qu’une idée, enlever morceau par morceau sa souveraineté à chaque nation pour la transférer à des technocrates non-élus, et pour se faire ils ont inventé l’Euro, les traités de commerce multilatéraux, les cours de justice internationale, les traités sur le climat et que sais-je encore.

 

Le but était et reste toujours était de brider l’expression de toute volonté nationale et il fallait donc enchainer les électorats et rendre le vote inutile, un peu comme en URSS.

 

Le président Trump à l’évidence veut libérer Gulliver des chaines qui enserrent le géant américain et cela va passer par une crise de l’ordre international installé par les hommes de Davos depuis 1990, il ne peut en être autrement.

 

Le multilatéralisme est mort (quid de l’Otan ?)

Je ne dis pas que cela est bien ou que cela est mal, je dis simplement que c’est une évidence.

 

Le nouveau Président américain est en train de rappeler aux hommes de Davos ce que disait de Gaulle : « les Nations n’ont pas d’amis, elles n’ont que des intérêts » et c’est ce que pensent aussi toute l’Europe de l’Est, la Chine, la Russie et la quasi-totalité du reste de l’Asie.

 

Il s’agit donc d’un mouvement éminemment populaire, ce que les hommes de Davos traduisent par populiste. Et ce mouvement apparait inarrêtable.

 

Attachez vos ceintures car la construction européenne est au cœur même du multilatéralisme et ses représentants du style Delors, Bernard Lamy ou Jean-Claude Trichet en ont été les fers de lance. Le dernier survivant de cette classe encore au pouvoir est bien sûr notre cher Président, si jeune en âge et si vieux en pensée, sans grande légitimité car porté au pouvoir par un coup d’état judiciaire et médiatique et qui ne comprend que le monde qui est en train de disparaitre.

 

La diplomatie française est donc sans-doute à la veille de connaitre un véritable effondrement de ses principes directeurs car la France a à sa tête un homme qui ne semble pas avoir intégré que partout dans le monde les peuples veulent redevenir maitres de leurs destins. Et que les peuples n’aiment pas que les élites gouvernent contre leurs volontés.

 

Nous vivons la fin d’un âge technocratique et nul ne peut arrêter la marée quand elle se met à monter. Je ne saurai trop conseiller aux lecteurs de réfléchir par eux-mêmes tant il me semble évident que nous rentrons dans des temps troublés. Un seul conseil : restez flexibles.

 

 

 

 

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

43 Commentaires

Répondre à Faïk Henablia

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  • Marc

    27 juillet 2018

    Question d’un néophyte :
    1 faut-il mieux détenir des dollars cash ou de l’or physique ?
    Puisqu’en général l’or baisse lorsque le dollars s’aprecie !
    Ou bien les deux 50/50 ?
    Ou juste ouvrir du champagne comme sur le Titanic ?

    Répondre
  • Mezzo

    9 juillet 2018

    « restez flexibles »

    Je serai pour ma part bassement terre-à-terre : où mettre nos sous-sous en cas de grosse secousse sur l’Euro et l’Europe…?

    Répondre
  • vinia

    26 juin 2018

    Je ne comprends pas votre commentaire : « la base monétaire mondiale devient négative ». Faut-il comprendre : « l’évolution de la base monétaire mondiale devient négatif » ?

    Répondre
    • idlibertes

      26 juin 2018

      Oui c’est cela. Pardon pour son raccourci de langage.

    • Raphaël

      4 juillet 2018

      Bonjour,
      Merci pour vos contributions Monsieur GAVE.
      Pourriez-vous m’indiquer les données que vous additionnez dans le bilan de la Fed svp ?
      « En additionnant la base monétaire aux USA aux réserves de change déposées à la Fed pour le compte des banques centrales étrangères,(…) Et j’appelle cet agrégat « la base monétaire mondiale »
      Par avance merci
      Raphaël

    • idlibertes

      4 juillet 2018

      Hummm, je ne comprends pas la question?

      il additionne la base monétaire aux USA

      + les réserves de change etc etc

      peut être la question est elle « ou trouvez vous ces données » ?

      Si oui, la réponse est sur Macrobond.

  • Nicolas

    24 juin 2018

    Bonjour,

    Merci pour vos articles qui m’éclairent en partie malgré mon manque de formation (BAC ayant appris seul l’informatique, puis contre moi, en surcharge de travail, gérer le « marketing », cet univers de marketeux ne savant rien faire d’autres après 5 ans d’études sans une carte de crédit et un consultant pour tout, que de vous gaver les oreilles en 3 langues avec des sessions de brainstorming rendant contemplatif, avec un instant de jubilation lorsqu’à la fin de cette session, tous s’accordent, qu’effectivement, dans la majorité des cas, 1+1=2 tout en chaque matin, revenir vous annoncer leur nouvelle prophétie dans leur quête éternelle de réinventer la roue, avec l’arrogance de se croire d’une créativité sans limite.

    (les différents niveaux de conscience: par exemple, ceux qui ont conscience de ne pas savoir et que donc, ils doivent soit ne pas faire, soit apprendre; ceux qui ont conscience qu’ils sont compétents alors qu’ils ne savent pas et donc sont eux, un réel danger en fonction des postes qu’ils occupent; ou encore, et ce que je suppose être le cas de Monsieur C.G. ont conscience qu’ils sont bons, savent que leurs compétences sont un bon placement intellectuel, et qui, à ce niveau, sont des personnes qui doivent ressentir un sentiment de jubilation et satisfaction, sentiment sain).

    Cependant, de nature curieuse, serait-il possible lorsque par exemple, vous citez les rapports hebdomadaires des bilans de la Banque Centrale, d’en fournir également les liens internet afin de voir, où trouver ces documents? Je suis sûr que ces sources sont facilement accessibles si on sait où chercher, (voir même dire sans savoir trop ce qu’on cherche…).

    A partir de ces bases de documentation, de part la même occasion, je trouverai certainement d’autres ressources documentaires intéressantes.

    C’est de la simple curiosité.

    J’ai trouvé ce document, mais c’est un rapport trimestriel que je vais lire:
    https://www.federalreserve.gov/monetarypolicy/files/quarterly_balance_sheet_developments_report_201805.pdf

    Les sites gouvernementaux américains semblent fournir énormément de données, et leurs discours, même sur leurs vecteurs d’informations semblent moins dogmatiques, ou parlant d’une seule voix. Ce qui me surprend parfois en regardant leurs chaînes d’actualités.

    Malgré le côté pitoresque des présentateurs souvent dans l’émotionnel pur, au moins, leur mérite est, qu’en cherchant, eux semblent offrir une transparence disponible, du moins, ce qui fait défaut chez nous, rendre ces informations officielles accessibles pour qui le souhaite.

    Je vais commencer une liste de ce type d’organisme offrant des ressources documentaires par curiosité et apprentissage.

    Pour ceux que cela intéresse:
    – site internet de la FED: https://www.federalreserve.gov/
    – base documentaire de la FED: https://www.federalreserve.gov/data.htm

    De plus, ce qui est fort intéressant, c’est qu’il est également possible de télécharger les données brutes pour les insérer dans une base de donnée ou un simple tableur type Excel:
    https://www.federalreserve.gov/datadownload/

    Sur cette page de téléchargement des données en format brut standardisé, vous pouvez par exemple choisir le jeu de données que vous souhaitez télécharger, ainsi que son format d’exportation, par exemple, en .csv

    De plus, ils fournissent un flux RSS pour recevoir dès que mis en ligne, les derniers jeux de données disponibles pour les récupérer automatiquement.

    Je ne sais pas s’ils fournissent un(e) API (le truc pour par faire genre le mec qui gère qui permet de dire coucou toi au site internet qui réponds salut mon pote, tu veux quoi que je te donne; le but étant par programmation par exemple de rendre automatique les tâches, pour par exemple, ne pas télécharger manuellement des données puis les insérer manuelles dans le tableur, mais le faire de manière automatique, que ça se fasse tout seul pour gagner du temps).

    Dans tous les cas, je trouve leur site internet d’une très grande honnêteté, avec tout le nécessaire pour qui, sous une forme ou une autre, souhaite rester informer, par le biais d’une pléthore de fonctionnalités.

    Comprenant l’anglais, pas l’économie hors articles de vulgarisation de votre site, pour que l’idiot que je suis y comprenne un peu plus que moins, je vous remercie.

    J’ai quelques économies, je ne sais qu’en faire, j’ai déjà une télé (que je ne regarde pas sauf pour les vieux films), une voiture, un vieux téléphone et sais que, n’ayant pas les compétences, un réseau, des personnes pouvant de manière honnête me conseiller sur un éventuel placement, ou autre, que ces économies difficilement gagnées, et bien: je vais tout simplement les perdre.

    Mais tant pis, c’est comme ça, je suis un idiot, ne sais gérer mon argent, mais ce n’est en rien négatif de mon point de vue car je considère cet argent que j’ai gagné en travaillant, qui est dans des banques, peut-être car psychologiquement anormal, comme n’étant pas le mien, la propriété d’un autre, et que si le pire se produit, je préfère consacrer mon temps à d’autres activités, et « mon » argent, et bien, s’il n’y a plus, on verra le moment venu.

    Cordialement,
    Sébastien

    Répondre
  • Gerald Pasquier

    24 juin 2018

    Excellent article! Une question: a votre avis la fin du multilateralisme mettra-t-il egalement fin a l’emergence de legislations a portee extraterritoriales (fatca, gdpr, emir, mifid et consorts), qui constituent des aberrations juridiques dans le system neo-westphalien qui se dessine?

    Répondre
  • kingxvi

    22 juin 2018

    Mr Gave, je suis 100% ok avec votre analyse, mais vous omettez une chose : aux échecs ce qui compte c’est pas le prochain coup, mais celui d’après.

    Et si le retour au nationalisme (comme à la WWII) faisait partie du jeu pour planifier un mondialisme très puissant lorsqu’on aura constaté les « dégats » du nationalisme, que l’on aura bien aidé à réaliser ?

    Je pose juste une question… j’ai pas l’impression que le retour au nationalisme soit si inattendu ou si improvisible pour les dominants du monde. Quand on force trop sur l’ouverture on sait très bien ce que ça réalise comme dégat ici et là, et donc ce que ça provoque comme réaction chez les bipèdes.

    Répondre
    • kingxvi

      22 juin 2018

      Ce que je veux dire c’est que les Lamy, Delors, Junker, Trichet & co ne sont que des idiots utiles de gens bien plus fûtés. Ce ne sont pas les têtes pensantes ni les architectes du système en place. On leur a juste soufflé les idées et comme ils sont gentils ils ont répété sans comprendre.

  • Garofula

    21 juin 2018

    « tout le monde savait depuis les années trente qu’il ne fallait JAMAIS laisser faire faillite à une banque »

    Mais alors, les banques centrales ne peuvent pas remplir leur rôle de prêteur en dernier ressort responsable et ne sont que ces caisses ouvertes à tous les vents, avec pour contrepartie la dévaluation perpétuelle de monnaies plus du tout fiat.

    Voilà qui démontre sans doute possible l’absurdité de l’existence des banques centrales, incapables par construction de remplir une mission illusoire. Décidément, Friedman avait raison. Le meilleur banquier central est celui qui est en vacance perpétuelle, et le pire est celui qui se croit intelligent.

    La crise à venir sera conclue par la fermeture définitive des banques centrales, sans regret.

    Répondre
  • Ockham

    21 juin 2018

    Ayant lu vos critiques sur l’Euro, je reste sceptique sur l’imminence d’une catastrophe tout en entendant bien que la charrette de l’Euro fut est poussée et non tirée par des bœufs aveugles sur l’immédiat devant… Ce scepticisme, car l’Euro devait s’écrouler sui generis du fait de Maastricht peu après sa naissance 2002, se base sur le fait qu’il est difficile de comparer l’économie domestique « unitaire » en dollar depuis plus de deux siècles et internationale à dimension maintenant planétaire des USA avec l’Europe des 27 nations (GB requiescat in pace). Les entreprises européennes et les marchés sont toujours en voie d’intégration (fusion,privatisations, faillites etc. …) . L’Europe est aussi un processus de création d’infrastructures à taille et finalité européennes non nationales (route, chemin de fer -plus de cheminots fonctionnaires à vie marxistes-trotskistes- , canaux, ports, aéroports, spatial). Par ailleurs cette Europe essaye d’harmoniser les règles régissant les flux et stocks publics des cigales (chef de file France) et des fourmis (chef de file Allemagne) selon une ligne tracée de la Loire aux Balkans! Donc considérant l’inconnue énorme de ces évolutions dans les flux et les bilans (et non pas du commerce intracommunautaire connu) de l’alchimie de toutes ces opérations d’intermédiation financière de l’ensemble des agents et structures publiques et privés dans une nouvelle économie, je me demande si les critiques de base sur les masses monétaires M1, M2 etc. … et les bilans (dont les rachats de dettes via BCE) en se référant à ce qui est connu (USA) ne sont pas déplacées car incomparables. C’est une interrogation. Ceci ne signifie pas qu’avançant à l’aveugle depuis le début, il n’y ait pas une sortie de route. Toutefois l’histoire montre que l’économie jusqu’à l’invention du billet à cours forcé a toujours manqué de liquidité notamment pour intégrer les provinces en France. Or l’expérience européenne est unique en tentant via la logique du marché de reformater un ensemble d’institutions et de territoires en plus très divers. Sapiens le sait bien depuis qu’il a quitté le paradis … car nous avançons et continuons d’avancer à l’aveugle même si nous inventons des trucs pour ne pas avoir peur. Les goulets d’étranglement dans la variété des chromosomes Y masculins démontre sans contestation que nous avons passé des caps très difficiles! Mais nous sommes toujours là.

    Répondre
  • Gilles_HK

    21 juin 2018

    Bonjour Monsieur Gave,
    Pourriez-vous écrire un article expliquant la nécessite qu’ont deux pays a réaliser leurs échanges en US Dollar?
    C’est quelque chose que je n’ai jamais vraiment compris. J’ai toujours penser qu’il s’agissait simplement d’une manière pour les deux partis de se protéger contre des taux de change fluctuants, mais en vous lisant je réalise tous les autres problèmes que cela pose en termes de géopolitique, soumissions aux lois américaines, réserves de changes etc…
    Et du coup je ne comprends plus très bien ce qui empêche simplement les deux partis d’une transaction de décider ensemble de libeller leur contrat dans une autre devise.

    Merci d’avance ^_^

    Répondre
    • kingxvi

      22 juin 2018

      Heu rien n’empêche les pays de se passer du dollar, si ce n’est que les USA ne sont en général pas d’accord et ils ont des arguments de poids.

      D’autre part, cela impose aussi aux pays d’avoir des monnaies considérées comme fiables, donc avec peu d’inflation, ce qui n’est pas souvent le cas des pays dont les balances commerciales sont fortement négatives.

      Mais c’est surtout que les USA ne sont pas trop d’accord, parce que grâce à leur dollar ils peuvent contrôler le monde et aussi financer leurs énormes déficits commerciaux sans contrepartie.

    • Gilles_HK

      22 juin 2018

      Bonjour King16. Rien n’empeche les autre pays, certes, il n’empeche qu’en pratique cela ne se passe pas. Les gens continuent a echanger en dollars. Voyez la Chine qui commence a promouvoir le Yuan pour remplacer les echanges en dollars.
      Ma question a Mr Gave est plutot, pourquoi est-ce que cela prends tant de temps (sur plusieurs annees si l’on prends l’initiatuve du Yuan) plutot que 5 minutes et une poignee de main 🙂

    • leblanc

      27 juin 2018

      Les États-Unis ont une très puissante armée(1), de grandes compagnies pétrolières (les plus grandes hors aramco), blé-maïs et beaucoup de brevets.
      Ils ont donc les moyens de persuasions qui rendent la plupart des pays des nains devant obéir au géant sous peine d’être écrasés.

      Je connais un banquier qui ne comprend pas cette propension qu’on les commerçants à préférer le $. Cette monnaie de papier.

      (1) la Russie vient de se doter des moyens de se défendre des États-Unis (tant interception qu’attaque), elle n’est PLUS sensible au chantage étasunien grâce à des armements très rapides, encore non interceptables par les moyens actuels des États-Unis. Elle a donc aussi le pétrole/gaz/charbon et par là n’est plus trop soumise (reste l’autosuffisance en nourriture essentiellement comme petite faiblesse).
      Idem La Chine qui détient suffisamment de $ pour faire peur aux États-Unis.
      la plupart des autres pays sont des nains …

  • Faïk Henablia

    20 juin 2018

    Bonjour Charles,
    Si j’ai bien compris, »America first » c’est à peu près l’équivalent de l’intérêt national, ou de l’intérêt général, notions que j’ai toujours eu beaucoup de mal à saisir, en dehors du fait qu’elles débouchent souvent sur la tyrannie ou la raison d’Etat.
    « America first », avec un consommateur américain qui va payer plus chers un certain nombre de produits? Comment cela aide-t-il l’activité ou l’emploi? Et Bastiat dans tout ça?
    Il est vrai qu’en ne disant pas si « cela est bien ou mal », vous signifiez indirectement le mal que vous en pensez, tant il est vrai qu’une politique ne se juge pas sur les intentions.
    Amitiés.

    Répondre
    • sassy2

      20 juin 2018

      America First peut se comprendre aussi en opposition à Washington First ou Inspection des finances First
      ou Solferino First ou Simone Veil-UE First.

      En réalité ce slogan date d’avant WW2 et a souvent signifié une opposition à Wall st First:
      on ne prête pas à l’allemagne nazie
      on ne fait pas d’opération de pré bail aux débiles de l’URSS
      on n’entre pas en guerre comme après le Lusitania,

      afin de ne pas recommencer/financer une guerre mondiale qui pourrait causer X0millions de morts.

      Mais on construit plutôt des avions(Lindbergh) et développe des inventions.

    • Henry Devaux

      21 juin 2018

      L’intérêt national est une chose relativement bien identifiée, et en général assez légitime ; l’intérêt général, lorsque l’on creuse un peu, se retrouve souvent être la somme d’intérêts assez particuliers, voire très particuliers – dans le meilleur des cas.

      « avec un consommateur américain qui va payer plus chers un certain nombre de produits? »

      Il va certes payer un peu plus cher, mais ça sera un vrai prix, ce qui changera – et à partir du moment où son salaire suit, où est le problème ?

      « Et Bastiat dans tout ça? »

      Il n’a jamais préconisé le capitalisme de connivence.

      Il semble que le fait que D.Trump ait décidé de casser les moules de la compromission, des ententes illicites (et criminelles) et du shadow government vous chiffonne ; c’est bien souvent le cas chez les afficionados de macron, qui ont quelques difficultés avec la réalité de la vie (pléonasme voulut.)

      « vous signifiez indirectement le mal que vous en pensez, »

      C’est le lot de tous les salauds’d’kapitaliss, jamais francs du collier et toujours en quête d’un mauvais coup (enfin, vus par les socialauds.)

      « Amitiés. »

      Vraiment ??

  • Artiste

    19 juin 2018

    Bonsoir,comment interprétez vous le fait que la Russie se soit délestée de la moitié de ses obligations américaines et augmente en continu ses avoirs en or.

    Répondre
  • PHILIPPE LE BEL

    19 juin 2018

    Bonjour,
    Ainsi que je l’ai indiqué dans un post antérieur, De Gaulle n’était pas contre l’Europe. Elle ne pouvait avoir lieu que s’il n’y avait pas de « rivalité immédiate »…
    L’Allemagne profit clairement de l’UE, de l’Euro et de sa faiblesse… Si l’Allemagne avait ou revenait au Deutschemark, sa monnaie vaudrait 30% de plus, au bas mot… donc moins d’excédents commerciaux… et un équilibre (relations économiques, politiques internationales, avec les Etats Unis et entre partenaires européens, et nationales avec la montée de l’europhobie et de la germanophobie) beaucoup moins instable.

    Les Etats Unis sont libéraux pour les autres, pas pour eux. La politique étrangère des USA a souvent été dramatique (Vietnam, Irak, soutien de l’Arabie Saoudite et aux islamistes, chute du Shah d’Iran, soutien des islamistes au Pakistan et en Afghanistan dans les années 80…) et l’Europe a été passive.
    Les Etats Unis ont toujours fait passer leurs intérêts propres avant tout. Ils ont joué le Général GIRAUD contre DE GAULLE durant la 2ème guerre mondiale et ont essayé de mettre la France sous administration après la libération… mais DE GAULLE a résisté fermement. L’Histoire lui a donné raison.
    « Le dollar est notre monnaie mais c’est votre problème » comme disait John CONNALY, secrétaire au Trésor sous Nixon. Mais les Chinois risquent de leur répondre, « votre dette est notre créance, et si on la vend, on perd un peu mais vous trébuchez lourdement… ».
    L’Europe est nécessaire. Mais une Europe avec les mêmes règles : fiscales et sociales notamment. Dans le cas contraire, le mécano européen deviendra difficilement tenable… même avec l’aide de la BCE…
    L’Europe a été faible (suiviste des USA) et n’a pas su se rapprocher de la Russie à la chute de l’URSS.
    Certes, l’Europe actuelle n’est pas parfaite et les peuples européens sont sous la houlette de technocrates au petit esprit. Les peuples ne sont pas écoutés (cf le Référendum sur la constitution européenne de 2005 en France…).
    Nous avons besoin d’une Europe pour faire face à la Chine, l’Inde ou les USA. Mais une Europe qui a les moyens et la volonté : même règles fiscales, sociales, une politique étrangère, une défense des frontières extérieures notamment méditerranéennes, une politique migratoire, une politique relative aux infrastructures (même système ferroviaire, routier, maritime… donc économie d’échelle) et aux équipements (militaires…) mais nous n’avons pas les mêmes priorités, avis, histoires, c’est cela le problème (insurmontable ?)…
    Petit rappel, les élections européennes sont l’année prochaine… un raz de marée « populiste » ?

    Répondre
  • Taote

    18 juin 2018

    Je crois que la phrase que vous attribuez à De Gaulle est de sir Winston qui disait que l Angleterre n avait pas d amis mais que des intérêts .je ne vous dirai pas ce qu’il disait de De Gaulle…

    Répondre
  • Ryan El Housseini

    18 juin 2018

    « Bernard Lamy ». Ce serait pas plutot Pascal Lamy ? Car dans le genre ODS, c’est une pointure !

    Répondre
  • Yann

    18 juin 2018

    Bonjour Monsieur Gave,
    Je pense que vous faites à tord Grief au mathématicien philosophe « Bernard » Lamy de dérives mondialistes, ne serait-ce pas plutôt au fonctionnaire français héraut du mondialisme (cela devrait être un oxymore!) c’est à dire « Pascal » Lamy auquel vous faites allusion?

    Répondre
  • CharlesM

    18 juin 2018

    Si le dollar est plus rare, pourrait on en déduire :
    qu’ il va être plus cher ?
    que le 10 ans US ne va pas grimper?

    Répondre
    • antoine

      18 juin 2018

      1 – oui
      2 – pas certain, les Etats Chine et Russie ont largué ces derniers jours la moitié de leurs T-Bills à 10ans

      Corrigez moi bien sur

  • JeanBart

    18 juin 2018

    Monsieur Gave,
    Merci pour vos papiers, dont celui-ci qui m’amène à vous poser 2 questions, peut-être naïves :
    1/ Si l’on sauve systématiquement les banques de la faillite, ne crée-t-on pas un aléas moral qui renforcera la prise de positions hasardeuses ? Pourrez-vous préciser votre pensée dans un prochaine article ?
    2/ N’arrive-ton pas à un moment décisif pour le dollar, qui joue son va-tout ? N’est-il pas possible de voir les marchés financiers se tourner vers une autre monnaie ? Serait-ce possible dans un avenir proche ? Sous quelles conditions ?
    Merci d’avance !

    Répondre
    • sassy2

      18 juin 2018

      1/ oui même question sur ce passage,
      cependant c’est peut être cette précision à laquelle il faut attacher le plus d’importance:
      « écroulant non pas la base monétaire mais la pyramide du crédit elle-même »

      (D’ailleurs je pense que la seule carte de l’allemagne vs trump est de faire un chantage au dépôt de bilan anarchique de DB…)

    • Roger

      18 juin 2018

      L’aléas moral devrait pouvoir se traiter avec la prison quand il y a faute avérée; le problème c’est que certains semblent naviguer en toute impunité. Je n’ai pas le souvenir de condamnation de super patron banquier (ou pas banquier … voire Areva …) aller au trou malgré leurs exploits … bon en France, c’est un peu particulier, à la fin c’est le contribuable qui paie !!

    • sassy2

      18 juin 2018

      Je comprends aussi ce passage dans le sens où le dépôt de bilan de LEH est entaché de zones d’ombre (renflouement AIG+GS,paulson-obama, QE… on en reparle).
      D’ailleurs, en voyant Margin call je me suis fais la reflexion que l’un des banquiers les plus honnêtes&logiques en 2008, en quelque sorte, fut Dick Fuld.
      (ils lui ont fait la totale, revanche après LTCM lorsqu’il n’a pas remis au pot)

    • CharlesM

      18 juin 2018

      On peut très bien sauver les banques tout en virant les managers et en expropriant les actionnaires ( nationalisation). Je crois que ça s est passé en UK et en Islande.

    • Ryan El Housseini

      18 juin 2018

      Ne pas laisser les banques faire faillite ne signifie pas les proteger en toute impunite. Lors de la crise des Savings and Loans aux US a la fin des annees 80, plus de 1000 personnes ont ete emprisonnees, contre 0 en 2008. La bonne chose a faire est donc de sauver les banques, pas les banquiers ! Ce que l’Islande a d’ailleurs fait en 2008.

    • antoine

      18 juin 2018

      Le pb est qu on a permis les banques d affaires et celles de dépot des particuliers de n etre qu’une.

      Beaucoup de banques font faillite chaque année sans que cela pose le moindre probleme au niveau de la société ou du pays.

    • Charles Heyd

      18 juin 2018

      Le problème des banques est en effet d’abord un problème de taille (too big to fail) mais pas seulement et surtout pas en France;
      rappelez-vous l’épisode Kerviel (qui repasse en justice prochainement (mais je ne me fais pas de soucis pour la banque!)et à juste titre me semble-t-il et la Société Générale; en France on sauve les banquiers et les banquiers! Certes Michel Bouton (si je ne me trompe pas) a été viré (écarté, pour parlé pudiquement) mais quid des supérieurs directs de M. Kerviel qui savaient, qui devaient savoir, ce qu’il faisait?

    • dede

      19 juin 2018

      « N’est-il pas possible de voir les marchés financiers se tourner vers une autre monnaie ? »

      Laquelle? L’avantage du dollar est que les US sont en deficit commercial depuis quelques decennies : en consequence, les etrangers detiennent des dollars pour avoir vendu des trucs aux US.
      La Chine s’est engagee dans une course au remplacement du dollar mais elle reste mercantiliste et en consequence, les etrangers achetant plus de trucs a la Chine qu’ils ne leur en vendent, n’ont pas de RMB dans la poche. Tant que le gouvernement chinois ne comprend pas que c’est absurde, ils vont doucement internationaliser leur devise mais leur devise ne circulera jamais autant que le dollar.

      L’avenir etant incertain et Donald Trump s’agitant a tuer son commerce exterieur, cela pourrait changer, mais nous n’y sommes pas encore.

    • Dyr'

      19 juin 2018

      Lors du scandale Kerviel, celui-ci argumentait « qu’il était impossible que sa hiérarchie ne soit pas au fait des risques » qu’il prenait. Ma moitié de l’époque était à la CE en tant que guichetière, le niveau zéro à l’échelle bancaire donc.

      Elle disait que même au guichet il y avait des remontées d’événements sur les comptes des particuliers dès quelques milliers d’euros (montant ponctuels + suivi des flux). Alors pour ce qui est des traders qui jouent avec les fonds propres de la banque…

    • Kris

      20 juin 2018

      Il est question de sauver les banques, pas les banquiers. Si un banquier sait qu’il peut être ruiné à titre personnel, et éventuellement finir en prison, ne vous inquiétez pas pour l’alea moral.

      Seulement voilà, pour cela il faudrait un état de droit où les accointances politiques et réseaux d’influence dudit banquier ne puissent faire plier les décisions de justice (c’est d’ailleurs pour cela que j’aime l’Angleterre où la justice est bien moins pliable que dans bien d’autres démocraties).

    • Henry Devaux

      21 juin 2018

      @Kris : C.Q.F.D.

    • kingxvi

      22 juin 2018

      Je pense clairement que Mr Gave pousse un peu fort en disant qu’on ne doit jamais laisser une banque faire faillite, sinon on leur permet de faire n’importe quoi, ce qu’elles font déjà car celles proches du pouvoir savent qu’elles ne feront jamais faillites.

      Sa phrase n’est valable que si les banques sont fortement régulées pour les empêcher de jouer au casino car c’est improductif. J’imagine que c’est dans ce monde idéal là qu’il place sa phrase, sinon c’est incompréhensible pour un véritable libéral d’accepter que les requins puissent s’accoquiner avec le pouvoir pour être protégés.

    • idlibertes

      22 juin 2018

      Vous confondez deux choses: Empechez qu’une banque fasse faillite (pour protéger les épargnants entre autre qui n’y sont pour rien) et la sanction des coupables. Je n’ai lu nulle part que CG aurait écris cela.

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