25 juin, 2014

La quasi nationalisation d’Alstom masque l’échec du patriotisme économique.

L’Etat faible a de plus en plus de mal à résister aux divers corporatismes français qui disposent d’un pouvoir de nuisance considérable sur l’économie tout en étant absolument pas représentatifs. Un petit nombre salariés de la SNCF prend en otage la France entière, les intermittents du spectacle menaçent d’annuler tous les festivals de l’été, les aiguilleurs du ciel veulent se mettre en grève, et bientôt on peut s’attendre à ce que les salariés de la SNCM, assurant la liaison Corse Continent, se mettent une fois de plus en grève. Ils sont les véritables naufrageurs de la France.

 

Pendant ce temps, l’Elysées et le gouvernement se sont mobilisés sur le dossier Alstom pour éviter la démission d’Arnaud Montebourg Ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Toutes les solutions retenues sont le contraire de ce qu’Arnaud Montebourg préconisait depuis deux mois, ce qui ne l’a pas empêché de crier victoire,  car François Hollande lui a accordé la nationalisation partielle d’Alstom. Celle qu’il n’avait pas obtenue pour Florange ! Au passage on notera que les principes les plus élémentaires de la gouvernance de toute entreprise privée et en plus côtée en bourse n’ont absolument pas été respectés !

On a également, pour le moment, du mal à bien comprendre les contreparties obtenues par Bouygues pour mettre à disposition de l’Etat ses titres Alstom sans les avoir vendus. Quelle est la contrepartie ? On ne devrait pas tarder à avoir la réponse, lors des prochaines décisions sur le passage à la TNT de LCI et le rachat de plus en plus probable de Bouygues Telecom par Orange. Au total, l’Etat entre à 20% dans le capital d’Alstom, ce qui revient à une quasi nationalisation et à une addition qui pourrait atteindre 2Md€….

 

Toute cette histoire est une fois de plus la démonstration de l’incapacité de la France à développer de grandes filières industrielles. L’industrie ne pèse plus que 12,9% du PIB de la France contre 15,6% en 2006.

 

Le Conseil d’Analyse Economique dont Agnès Benassy-Quéré est la présidente déléguée a invité l’Etat à repenser sa politique industrielle et surtout cesser de protéger l’existant pour financer des projets innovants. La puissance publique devrait adopter une vision plus schumpétérienne de la politique industrielle explique Lionel Fontagné, un des rapporteurs du document intitulé « Pas d’industrie, pas d’avenir ? ». Il faut cesser d’aider systématiquement ce qui est visible et en difficulté ou assez proche des élites dirigeantes pour susciter leur écoute. Il faudrait savoir stopper les projets qui ne marchent pas ou plus. On en est très loin. D’ailleurs, pour Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS le prochain Alstom c’est Alcatel. La société survit car elle a mis tous ses brevets en gage auprès de Goldman Sachs. Elle est en train d’abandonner les infrastructures mobiles qui sont le cœur des réseaux car elle est dépassée par Huawei société chinoise qui est devenue le champion de la future 4G.

 

En France, le déficit public pourrait dépasser cette année les 4% du PIB contre les 3,8% promis par le gouvernement. Ceci est la conséquence du fait que la baisse des dépenses publiques est pour le moment une totale illusion. La Cour des Comptes préconise une fois de plus une réduction drastique des effectifs de la masse salariale de l’Etat. Au lieu de s’y employer le gouvernement a cédé sur les intermittents, sur l’écotaxe soit une addition de 4Md€.

Après le « cagnoting » de la semaine dernière qui consistait à redistribuer les rentrées fiscales de l’ISF et de la lutte contre la fraude fiscale supérieures à ce qui était prévu, une partie importante des députés socialistes frondeurs réclament maintenant de « faire pause » dans la diminution des dépenses publiques.

Devant les nouveaux essais de la France d’obtenir encore du temps pour diminuer ses déficits Angela Merkel a recadré sèchement Paris et Rome. Elle refuse toute remise en cause du Pacte de Stabilité. L’écart se creuse avec nos partenaires européens. Les derniers chiffre d’activité enregistrés selon les premières estimations de Markit pour le moi de juin sont très mauvais. Le monde sans croissance, sans usines et donc sans emploi avance à grands pas. Il n’y a pas de fonds de pension car l’argent c’est sale. Il est détesté à la fois par la gauche t par la droite. Résultat :les investisseurs institutionnels achètent peu d’actions , les particuliers matraqués par la fiscalité pénalisante ne bougent plus. Heureusement avec la coupe du monde de football la machine médiatique va mouliner du vide pendant trois semaines

 

Aux Etats Unis la croissance est remise en question par le FMI. Janet Yellen la présidente de la Fed a encore réduit de 10Md$ le montant des actifs rachetés chaque mois par la banque centrale américaine. On est désormais à 35Md$ contre 85Md$ il y a un an.

 

Les matières premières agricoles à surveiller : porc, riz et sucre

 

Le prix du porc est en train de s’envoler aux Etats Unis à la suite d’une épidémie de diarrhée qui a touché plus d’un million de porcs répartis sur trente états américains. La production devrait baisser de 3% à 4% in 2014. Le prix évolue autour de $80 à $85 pour 100 livres, comparé à $55/$60 il y a un an. Les principales sociétés concernées sont : Hormel Food qui abat 10 500 porcs, et Hillshire Brands.

 

En Chine, on avait détecté à Shanghai un circovirus de type 2 (PCV2) appelé syndrome de dépérissement post sevrage. Des cadavres avaient été repêchés dans le Huangpu la rivière qui traverse Shanghai .Les sociétés les plus importantes sont China Yurun Food et WH Group.

 

L’Allemagne est maintenant le numéro un en Europe. Les abattoirs allemands traitent 60M de porcs par an contre 25 M en France. la filière a su investir pour valoriser ses coproduits avec des outils de méthanisation. La vente de gaz rapporterait maintenant autant que la vente de viande.Les sociétés concernées sont : Tönnies le n°1 avec 25% de part de marché. Livre les chaines discount Aldi et Lidl. A racheté zur Mühlen le n°6, Vion Food , PHW , WestFleisch.

 

La France a du mal à profiter de cette évolution, car les exploitations sont trop petites (183 truies contre 573 aux Pays Bas), les abattoirs sont vétustes et les produits sont trop moyen de gamme. Il y a peu d’innovations commerciales et la filière est désunie.

Les principales sociétés sont des coopératives comme Cooperl-Arc-Atlantique (4,8M de porcs abattus en 2012), Bigard-Socopa Viandes (4,6), Groupe Gad (2,3), Kermené (1,8 /Groupe E Leclerc), Groupe Jean Floc’h (1,7), Gâtine Viandes(1,1 Mousquetaires), Tradival (1), Abera (1/Groupe Glon).

 

Le cours du riz ne cesse de baisser. C’est une donnée très importante car 3,5Md de personnes dans le monde obtiennent 20% des calories qui leur sont nécessaire avec du riz.

La Thailande n’est plus le premier exportateur de riz (6,9MT). Madame Yingluck Shinawatra ex premier ministre avait mis en place un système de subventions pour les producteurs de riz qui a obligé son gouvernement à acheter 17MT de riz 50% au dessus du prix international. A la suite du dernier coup d’état intervenu en Thailande le système a été supprimé. Il reste à vendre les stocks ce qui pèse bien évidemment sur les cours.

 

Le royaume est devancé par l’Inde (9,5MT) avec REI Agro, Kohinoor Foods et le Vietnam (7,6MT)

 

Les stocks de sucre sont au plus haut depuis dix ans. La consommation baisse sous la pression des lois sur la santé qui s’attaquent à la consommation excessive de sucre combinée avec des matières grasses et du sel. Compte tenu du développement exponentiel de l’obésité dans le monde, l’Organisation Mondiale de la santé ient de déclarer le sucre ennemi numéro deux pour la santé après le tabac. Elle recommande de diminuer la consommation de sucre quotidienne par deux. Paradoxalement les cours, autour de 18,75 cents la livre à New York renouent avec un niveau qu’il n’avait plus atteint depuis huit mois. Toutes les valeurs qui sont liées au sucre sont vulnérables à ces campagnes.

 

En France, Tereos est le n°4 mondial avec les marques Béghin Say, La Perruche, L’antillaise. La société est une coopérative dont les résultats ont baissé de 29% au cours de l’exercice 2013-2014. Les sucriers français sont devenus les plus compétitifs d’Europe. Tereos fabrique du sucre à partir du maïs, du blé, de la pomme de terre et du manioc

 

Aux Etats Unis,  la production est pratiquement toujours excédentaire. Le gouvernement a même été obligé de racheteren 2013, 400 000 tonnes de sucre aux transformateurs pour leur éviter la faillite.Les principales sociétés américaines sont :American Crystal Sugar, Amalgamated Sugar Co, US Sugar Corp, International Flavor and Fragrances (substitut de sucre)

 

En Ukraine,le cours du sucre a progressé de 47% en 2013. Astarta est le numéro un avec 19% de part de marché. La valeur est côtée sur le marché polonais.

 

En Inde,le gouvernement avait été obligé avant les élections de subventionner les exportations pour faire diminuer les stocks qui s’élevaient à 9MT soit un plus haut depuis cinq ans.

 

Le Crédit Suisse propose aux investisseurs la possibilité de vendre à découvert les valeurs du secteur. Les principales valeurs du panier CSERSUGA Indexshort sont  aux Etats Unis : Archer Daniel Midland (produits agricoles), Coca Cola Company(soft drinks), Dr Pepper Snapple (soft drinks), Ingredion (Produits agricoles), Pepsico (softdrinks); en Grande Bretagne: ABF (produits alimentaires), Tate & Lyle (sucre et amidon); en Allemagne: Suedzucker (produits alimentaires); au Brésil : Cosan (éthanol), Sao Martinho (produits alimentaires); au Mexique : Arca Continental (soft drinks), Coca Cola Femsa (softdrinks), Culiba (softdrinks), Fomento Economico (softdrinks), Grupo Bimbo (produits alimentaires); en Afrique du Sud : Illovo (produits alimentaires), Tongaat (produits alimentaires); au Chili: Embotelladora Andina (softdrinks)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

6 Commentaires

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  • Bruno

    14 juillet 2014

    L’AMF a rappelé la semaine dernière que M. Montebourg n’etait clairement pas un grand professionnel du M&A. En effet vouloir monter a 20% du capital d’une société cotée par un accord avec un actionnaire détenant presque 30%(Bouygues) en oubliant le droit boursier pour une société cotée au CAC40…c’est assez amateur!

    Tout les commentateurs parlent de la montée au capital d’Alstom…mais jusqu’a preuve du contraire rien n’est fait (il faut obligatoirement déclarer les franchissements de seuils en droit boursier…) et l’Etat bénéficie d’option qu’il peut exercer dans les 2 ans suivant le closing du deal GE. Ce closing devant se passer dans les 6 prochains mois, rendez-vous au printemps 2017 (cela ne vous rappelle rien comme échéance?)

    En réalité l’objectif était principalement de donner un hochet politico-médiatique à M. Montebourg, le grand gagnant de l’histoire étant GE qui rempli tous ses objectifs.

    Par contre il sera intéressant de voir lors des élections de 2017 comment se portera Alstom, ou ce qu’il en restera, à cette échéance et si l’Etat rentrera bien au capital comme prévu…

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  • Gerldam

    26 juin 2014

    Comment parler de quasi nationalisation d’Alstom avec 20% des actions? Surtout quand on sait que les administrateurs nommé par l’état sont souvent des fonctionnaires incompétents et qui ne re coivent aucune consigne de leurs supérieurs.

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  • emmanuel

    25 juin 2014

    L’affaire Alstom et sa conclusion, avec rachat des parts vendues en 2006 a Bouygues je la considère comme cela:

    « Pitoyable, navrante, ubuesque, triste à pleurer, tragique et comique, consternante, déconnecte de la réalité etc… »

    Et alors les pénalités par emploi non crée c’est a « mourir de rire ».
    Cela revient à dire que l’état redevenu actionnaire est prêt a se tirer une balle dans le pied…
    C’est une grande specialite de l’UMPS. Souvenons nous du CL a present dans le Groupe CA (la premiere banque systemique de France).

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