25 juin, 2013

La Chine et la Fed déstabilisent les marchés

En Chine, le taux de l’argent au jour le jour, facturé aux banques qui ont besoin d’emprunter pour 24 heures, est monté la  semaine dernière jusqu’à 25%. Everbright, une institution financière chinoise importante, a fait défaut sur une partie de sa dette.

Pour certains, cela ressemblait à un moment de marché « à la Lehman », qui est la grande banque américaine qui a fait faillite en 2008 et a été le point de départ de la crise que nous connaissons depuis. En fait, les autorités chinoises ont voulu lancer un signal très fort pour que les banques cessent d’accorder du crédit beaucoup trop facilement.

En fait, le nouveau gouvernement chinois ne veut plus d’une croissance entièrement provoquée par des injections de capitaux à des taux trop bas, ce qui entraine toujours de mauvaises allocations d’actif. Il a décidé de s’attaquer sérieusement à la corruption, qui atteint des niveaux sans précédents. Il doit enfin déréguler considérablement les secteurs de l’énergie et de la finance. Il faut donc se préparer au ralentissement de l’économie chinoise. Au Japon, la guerre des changes qui a été déclarée par Shinzo Abe, le premier Ministre, aura des effets déflationnistes importants d’abord sur l’Allemagne, ensuite sur la Corée la Chine et l’Inde. Aux Etats Unis, la Fed a fait entrer les marchés dans un autre cycle.

Depuis cinq ans, les investisseurs n’avaient pas beaucoup de questions à se poser : il suffisait d’anticiper les politiques économiques très accommodantes de la Chine et des Etats Unis. Ben Bernanke, le président de la Banque centrale américaine, a annoncé qu’il enlèverait son pied de la pédale d’accélérateur si l’économie atteignait une vitesse de croisière convenable avec un niveau de chômage en baisse.

A court terme, les résultats trimestriels des entreprises américaines seront moins bons que prévu. En Europe, la Zone euro est toujours en danger, pourtant l’euro attire les investisseurs en quête de refuge …. L’Espagne pourrait sortir de la récession, mais les banques espagnoles sont toujours confrontées à la montée des débiteurs insolvables qui représentent maintenant 10,87% des encours. L’Irlande commence à s’affranchir des aides d’urgence. En France, en faisant preuve d’un petit peu d’optimisme, on pourrait imaginer que l’on assiste à un début de prise de conscience par François Hollande, président de la République, de l’importance des entreprises. Malheureusement, son gouvernement ne cesse d’envoyer des mauvais signes que nous décrivons chaque semaine.

La transition va donc durer encore longtemps, car nous partons d’un système éducatif et de médias qui sont dans leur grande majorité anti-entreprise. D’ailleurs, il n’y aurait plus que 10% des français qui « feraient confiance aux politiques pour nous sortir de la crise », mais en revanche, plus de 70% pensent que ce sont les chefs d’entreprise qui ont la solution… La rubrique des mauvais signes est encore très fournie cette semaine. Pour qu’un début de retour de la confiance commence à se manifester dans les entreprises, il faudrait que ces commentaires hebdomadaire disparaissent de cette rubrique. Nous en sommes encore très loin. François Hollande n’a réuni que 2,8 millions de téléspectateurs lors de son passage du 16 juin dans l’émission « Capital » de M6. C’est un niveau d’audience qui est inférieur à celui d’une émission normale sans invité exceptionnel…

Le Premier ministre Jean Marc Ayrault, en présentant dans le cadre de la conférence sociale le rapport Moreau sur les retraites, a soigneusement évité de parler du déficit du régime des retraites des fonctionnaires. Il n’y a pas de déficit, puisque c’est l’état qui paie. On reste donc dans l’irresponsabilité et la démagogie anti-secteur privé… Michel Sapin, ministre du Travail, pense que l’Insee se trompe en disant que la courbe du chômage ne s’inversera pas en France en 2013. Les chiffres officiels pourraient baisser grâce  « au traitement social du chômage » qui comprend 490 000 « contrats aidés » plus 100 000 « emplois d’avenir » (33% des objectifs seulement atteints à ce jour ), plus 75 000 « contrats de génération ».

Comme la boîte à outils du président ne fonctionne pas, l’état voudrait rajouter un système de compensation pour les entreprises afin de leur permettre d’engager des chômeurs, en les rémunérant moins que le Smic avec l’état compensant la différence. Pierre Moscovici a décidé de durcir les conditions du plafonnement de l’ISF en intégrant dans le revenu pris en compte les intérêts des fonds en euro. L’augmentation frénétique des impôts et des taxes se poursuit donc allègrement… Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, avait dit après l’attaque d’une rame de RER à Grigny que « la justice devait être exemplaire ».

Le résultat est clair : le meneur jugé à Evry est relaxé. Quand aux mineurs qui participaient à l’attaque, ils bénéficient d’un sursis, ce qui leur a permis après avoir insulté la justice de quitter en triomphe le tribunal. Quand on voit le nombre de patrons qui sont mis en examen et bénéficient souvent d’un non lieu une dizaine d’années après, on peut avoir l’impression que la justice ne fonctionne pas convenablement… Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a expliqué que la montée du Front National dans les élections partielles était due à Gabriel Barroso, chef de la Commission européenne. Il ne semble pas établir le moindre lien entre le vote des électeurs et la politique de son gouvernement en matière de lutte contre le chômage, la fiscalité, l’insécurité et l’éducation nationale….

Plus aucun secteur n’est épargné Le secteur du luxe souffre. Il anticipe un ralentissement de  la croissance en Asie. Le bon exemple qui montre que la fête est terminée est celui des prix des Bordeaux Primeurs qui étaient montés à des niveaux stratosphériques depuis cinq ans. Dans le cadre de l’offre de primeurs 2012, ils ont nettement chuté cette année. L’agro alimentaire en France est confronté à une baisse historique de son activité. C’est la première fois que l’on assiste à un décrochage à la fois en matière d’emploi et de chiffre d’affaires…L’acier est en forte surcapacité dans le monde… Dans le solaire, les industriels sont dans le creux de la vague… L’ambiance est nerveuse dans les services pétroliers après  la forte chute de Saipem cette semaine. La société italienne a annoncé un deuxième avertissement sur les résultats. Problèmes au Canada, au Mexique et en Algérie Une nouvelle directive européenne baptisée MIFID va obliger les banques à renforcer leurs fonds propres.

Analysée de près par Mc Kinsey cela aurait pour résultat de diminuer le résultat des banques de 25%. Dans l’automobile,  il y a dix usines de trop en Europe. Le mois de mai 2013 a été terrible pour l’industrie : immatriculations en baisse de 37% par rapport à mai 2012 aux Pays Bas, 22,6% en Irlande et 10, 4% en France. On est peut être en voie de stabilisation. Parallèlement, on assiste au décollage des marchés russes (Avtovaz, Kamaz) et indonésiens (LCGC, Astra International, Indomobil Sukses International). On va assister à un rebalancement de la croissance entre pays émergents et pays développés Les marchés ont été très sensibles aux commentaires de Ben Bernanke, président  de la Fed. Les obligations du Trésor US ont regagné 8 points de base offrant un rendement de 2,5%.

Elles sont au plus haut depuis deux ans. Ce sont les bourses des pays émergents qui ont le plus souffert. Depuis le 21 mai dernier, la Thailande a baissé de  -16,1% ; les Philippines de -15,1% ; l’Indonésie de  -8,4% contre -3,6% pour l’indice mondial FTSE World. Le seul marché en hausse cette semaine a été le Japon, qui a remonté de 4,3% L’or a baissé de 6,4% en dessous de 1300$.

On est revenu au niveau de 2010. C’est le moment de la décision… Un rebalancement de la croissance entre pays émergents et pays développés va se produire. Il devrait en profiter en priorité aux marchés asiatiques qui, contrairement à l’Europe, auront encore de la croissance en 2013 et 2014.

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Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

3 Commentaires

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  • roger duberger

    26 juin 2013

    Très instructif. Merci

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  • Bruno_B

    25 juin 2013

    Quel est votre sentiment pour l’amérique Latine ?

    Répondre

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