5 novembre, 2012

« Kick the can » vue de New-york

Comme certains d’entre vous j’ai connaissance récemment des conclusions du Conseil Européen des 18 et 19 octobre à Bruxelles. On croit rêver!

Apres  six pages de généralités pétries de bonnes intentions généreuses, on entre enfin dans le vif du sujet avec un paragraphe consacré à l’Union Economique et Monétaire. Mais c’est pour apprendre que le Conseil « Attend avec intérêt la feuille de route précise et assortie d’échéances…qui doit être présentée lors de sa réunion de Décembre 2012.. »

Suivent un certain nombre de vœux pieux et de considérations de bon sens  qui définiront le cadre  de fonctionnement du Mécanisme de Surveillance Unique (MES).On parle ensuite d’égalité de traitement, de solution acceptable et équilibrée, de processus non discriminatoire et efficace.Pour terminer par un renvoi en Commission, en l’espèce l’Eurogroupe.

Et une affirmation gratuite selon laquelle après la mise en œuvre d’un mécanisme de surveillance,  unique effectif, le MES pourrait avoir la possibilité de recapitaliser directement les banques.Dans la foulée, le Chancelier a cru devoir préciser que, bien évidemment , il ne saurait être question de  recapitalisation par le MES pour couvrir les pertes antérieures (???)

Parlons clair, du fait de l’action vigoureuse de soutien dans les marches secondaires par la BCE, la dette souveraine des Etats se traite de manière plus favorable ce qui diminue les « spreads » sur les émissions nouvelles

.Le calme avant une nouvelle poussée de fièvre des marchés.

Au prix de l’injection de liquidité et du gonflement du bilan de la BCE par des actifs toxiques ou a tout le moins sur valorises.

En outre Mario Draghi est sous tutelle étroite de la Bundesbank qui reste traumatisée par le précédent de Weimar et l’hyper inflation provoquée par les achats massifs d’obligations d’Etat.

J’étais récemment dans un déjeuner de travail à New York avec un groupe d’investisseurs institutionnels, « hedge funds » principalement,  qui tous parlent un langage réaliste sur des solutions envisageables à la crise européenne, à savoir en l’absence de croissance et de mécanisme de dévaluation, des initiatives encourageant une baisse de l’Euro face au $, et une dose d’inflation.Hélas, ils ne comprennent pas que l’horizon de temps des politiques est celui de leur prochaine échéance électorale.

Les banques européennes sont sous capitalisées et reconstituent progressivement leurs fonds propres par mise en réserve des résultats opérationnels, après réduction sensible des rémunérations variables des personnels, et des distributions aux actionnaires.

Comme ceci ne suffit pas, elles réduisent leur présence à l’international, notamment hors de la zone Euro, ou elles ont des difficultés d’accès à la liquidité des monnaies telles que le $ ou qui lui sont liées.

Pour les mêmes raisons, elles se dégagent ou limitent leur production nouvelle dans les financements export ou du négoce international ainsi que dans les projets. Et les entreprises européennes sont beaucoup plus dépendantes des crédits bancaires que celles d’outre Atlantique, qui utilisent principalement les marchés de capitaux. Les dirigeants de nos PME le savent bien, et n’approchent plus leurs banques pour des concours additionnels quelle que soit la solidité de leur projet.

En outre dans un contexte de récession ou de croissance nulle, les opérateurs économiques doivent supporter des accroissements massifs de charges, telles les hausses fiscales de 25% frappant en France particuliers et entreprises, et bien au-delà des pseudo riches.

Avec un crédit de fait inaccessible.

Mais dans un certain nombre de cas emblématiques, telle la situation de PSA, le retour – était –elle jamais partie ? – de l’économie administrée.

Garantie par l’Etat de plusieurs milliards d’Euro de concours nouveaux à PSA par le truchement de sa captive financière, contrainte sur le système bancaire pour qu’il étende ou maintienne ses concours, en échange de l’entrée » d’un administrateur au Conseil, et d’un « aménagement » du plan de restructuration.

Il n’est dans ses conditions pas difficile de prédire que la loi de finances pour 2013, assise sur une prévision de croissance annuelle de 0,8%, qui prévoit un retour a 3% de déficit sur PIB ne remplira pas ses objectifs.

Conséquences immédiates sur la notation de la France, que j’envisage pour le deuxième trimestre 2013, renchérissement du coup de la dette, qui devrait être largement au dessus de 90% du PIB.

Le gouvernement sera alors confronté à une crise qui mettra en cause notre statut dans la zone Euro, c’est le scenario cauchemar des Allemands qui ont une élection prévue pour Septembre 2013.

Un changement de ligne politique avec les reformes nécessaires et différées notamment de notre législation du travail et de notre protection sociale sera une quasi obligation au prix de troubles sociaux soutenus par les extrêmes politiques, c’est le scénario Melanchon.

Je laisse libre cours à votre imagination pour la suite.

 

« Come on France, Kick the can can then »

NDLR: Kick the can est une expression américaine signifiant méthaphoriquement procastiner. Litteralement, c’est un jeu enfantin.

 

Auteur: Jean-Claude Gruffat

Jean Claude Gruffat est depuis Avril 2020 Managing Director chez Weild and Co, banque d’affaires indépendante présente dans plus de 20 États aux États Unis. Après une carrière dans la banque internationale chez Indosuez, puis Citigroup. Jean Claude Gruffat est le Chairman de Competitive Enterprise Institute, et un board member de Atlas Network, toutes deux think thanks libertariennes domiciliées à Washington DC. Il est également gouverneur de L’American Hospital de Paris. Titulaire d’un doctorat en droit public, et d’une maîtrise de science politique de l’Universite de Lyon, ainsi que ancien participant au Stanford Executive Program, GSB, Stanford University, CA.

4 Commentaires

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  • BA

    7 novembre 2012

    Mercredi 7 novembre 2012 :

    Espagne : la production replonge.

    La production industrielle espagnole replonge en septembre et affiche un repli de 7% sur un an.

    http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2012/11/07/97002-20121107FILWWW00375-espagne-la-production-replonge.php

    Espagne : le chômage atteint 25,02 %.

    L’Espagne a enregistré en octobre 128.242 chômeurs (+2,73%) de plus qu’en septembre, tandis que sur un an la hausse est plus prononcée, avec 472.595 demandeurs d’emploi supplémentaires (+10,84%), pour arriver à 4.833.521 chômeurs.

    Selon l’Institut national de la statistique (Ine), qui utilise une méthode de calcul différente, le taux de chômage a franchi au troisième trimestre la barre historique des 25%, avec 25,02% (plus de 52% chez les 16-24 ans), le niveau le plus élevé, après la Grèce, dans l’ensemble du monde industrialisé.

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  • jcgruffat

    6 novembre 2012

    Cher Monsieur,
    Ne perdons pas de vue que la France, et maintenant l’Europe, interdisent les couvertures « naked » cad l’ acquisition d’un CDS sans detention du sous jacent…

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    • Sirius

      7 novembre 2012

      Cher Monsieur,
      Merci beaucoup de votre précision, je ne savais pas cela.

      Du coup, plus généralement, quels seraient sur le marché le ou les premiers signes annonciateurs (sur quel instrument ?) de la materialisation proche d’un défaut de l’état français (à part une remontée des taux qui précipiterait ce défaut) ?
      un krach obligataire ?

      En clair, par où arriverait la première voie d’eau dans le navire surchargé !

      Merci et bonne soirée « résultat des élections » !

  • Sirius

    6 novembre 2012

    Cher Monsieur,
    Merci pour cet article.

    De votre fenêtre, anticipez vous ou voyez vous déjà des mouvements du marché à l’achat sur les CDS de l’état français, bon termometre pour mesurer le risque de défaut de la France ?
    Car lorsque le risque de défaut va commencer à se matéraliser, les investisseurs qui ont des positions illiquides en France pourraient en prendre pour se couvrir tant bien que mal, ainsi que les fonds spéculateurs flairant un défaut proche et inéxorable ?
    merci

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