12 novembre, 2013

Bons baisers de Hong Kong: les leçons à tirer des réussites asiatiques

Quand on s’efforce de décrire aussi objectivement que possible l’évolution de l’économie française, semaines après semaines, on a le sentiment de se répéter. La réalité donne raison à ceux qui étaient convaincus que la politique économique conduite par François Hollande ne produirait pas les résultats qu’il annonçait. Elle donne en revanche particulièrement tort à tous ceux qui pensaient qu’il suffisait de se rendre à Francfort pour obtenir des Allemands « des mesures de relance », qu’il était juste de « faire payer les riches » pour rééquilibrer les finances publiques et qu’il était simple de « créer des emplois aidés » financés par le déficit budgétaire pour faire baisser le chômage chez les jeunes…

La nouvelle dégradation de la notation de la dette française cette semaine par Standard & Poor constitue une nouvelle étape qui mène inéluctablement dans les mois qui viennent vers une crise de confiance envers la France. Il est très difficile de prévoir quand les rendements des OAT émis par la France monteront de 200 points de base dans la semaine, mais cela devrait logiquement se produire.

Dans cette période difficile pour la France, il faut essayer de prendre du recul et aller voir ce qui se passe dans les deux villes les plus dynamiques du monde. Cette semaine nous sommes à Hong Kong, et ensuite nous irons à New York.

La ville de Hong Kong arrive à la deuxième place mondiale, avec 75 milliardaires juste derrière New York (96) et devant Moscou (74). La ville de Pékin est septième avec 26 milliardaires, suivie par Shanghai (19) et Shenzhen (16). Ces chiffres sont extraits de la dernière étude UBS Billionaires qui recense le nombre de milliardaires dans le monde. Il a atteint le nombre record de 2170. Certes, le nombre de milliardaires dans une ville est loin d’être le seul critère d’appréciation, mais ce qui se passe ici est clair. Le centre de gravité de la richesse mondiale bascule rapidement de l’ouest à l’est du monde. Les Etats-Unis comptent 515 milliardaires, soit trois fois plus que la Chine (157), qui se trouve maintenant devant l’Allemagne (148).

Il devrait y avoir en 2018 plus de milliardaires en Asie qu’en Amérique. Le mélange de l’économie de marché avec l’autorité du Parti Communiste chinois, le tout sécurisé par un droit de tradition britannique, produit des merveilles. Certes pas pour tout le monde, mais il sera plus facile d’améliorer la situation de tous ceux qui en ont vraiment besoin avec de la croissance et de l’esprit d’entreprise qu’avec, comme en France, absence de croissance, des entreprises qui ferment et des jeunes qui ont envie de quitter après leurs études le pays qui les a formés.

Les autorités monétaires de Hong Kong font beaucoup d’efforts pour attirer des gérants de talent. Cela fonctionne très bien. L’industrie de la gestion se développe avec succès à avec plusieurs fonds qui figurent dans les portefeuilles de grands investisseurs et de fonds de pension : Hillhouse, géré par Zhang Lei, Janchor Partners géré par John Ho, Myriad géré par Carl Huttenlocher, Azentus géré par Morgan Ze, l’ancien patron de la gestion pour compte propre de Goldman Sachs. L’Europe, à coup de régulations, contrôles et fiscalité incite les sociétés de gestion et leurs dirigeants à s’installer ailleurs.

Les français installés à Hong Kong réussissent en général très bien et pas uniquement dans la finance et les produits de luxe. Il suffit d’aller le dimanche matin à l’école de rugby qui apprend ce sport aux enfants européens et chinois pour comprendre que les valeurs de « fighting spirit » du rugby peuvent très bien être partagées avec des Chinois (A lire sur ce sujet : l’article de Charles Gave publié ce lundi).

En Chine, le président Xi Jinping est sous la pression de la nécessité de faire des réformes. En s’attaquant au problème endémique de la corruption, certains au sein de son parti lui reprochent de ne pas aller assez vite. Sans réformes politiques, on voit bien que les acquis économiques des trente dernières années risquent d’être remis en question. Dans l’immédiat, pour Li Keqiang, le Premier ministre, une croissance de 7,2% par an est le minimum pour créer les 10M d’emplois dont le pays a besoin pour assurer la stabilité du marché de l’emploi. Le dosage délicat entre le bon rythme de réformes qui ne casserait pas la croissance économique est bien aussi le problème des autorités chinoises. Pour en débattre, le Parti Communiste chinois se réunit cette semaine à l’Hôtel Jingxi à Pékin dans le cadre de sa troisième réunion plénière.

L’indice Hang Seng devrait néanmoins être celui qui réalise une des meilleures performances dans l’année qui vient. Kinger Lau, le stratégiste de Goldman Sachs sur la Chine, pense que le marché chinois se classera juste derrière Singapour en terme de performance. L’indice qui avait baissé de 16% entre le 20 mai et le 24 juin a récupéré toute sa baisse et se retrouve en hausse de 5,3% depuis le début de l’année. Tout n’est pas rose pour autant. Le Hong Kong dollar étant accroché au dollar US risque d’être exposé à la hausse des taux américains. Cela pourrait provoquer une baisse des prix de l’immobilier. Parmi les mesures qui devraient être annoncées, on s’attend à un plan de convertibilité du Yuan.

Au Japon, il faut examiner de près les résultats de Toyota. Le numéro un mondial de l’automobile a vu ses résultats augmenter de 70% au cours du dernier trimestre. L’essentiel de la progression trouve son explication dans la baisse du Yen qui a cédé 12% par rapport au dollar pendant le trimestre. Pour que la politique mise en œuvre par Shinzo Abe soit un succès dans la durée, il faudrait maintenant que les salaires soient augmentés pour créer du pouvoir d’achat et que les industriels prennent la décision d’investir pour l’avenir. Sur ces deux points, rien n’est encore assuré. Au lieu d’augmenter les salaires, les entreprises japonaises préfèrent payer des bonus. Quand aux investissements en capacité et en R&D, le rythme ne sera pas augmenté. Si ce cercle vertueux n’est pas enclenché, les Abenomics risque de n’être qu’une mesure de court terme ne relançant pas l’économie japonaise.

Au Brésil, les résultats de Vale sont très importants pour prendre le pouls de l’économie chinoise. Le premier producteur de minerai de fer du monde a vu ses résultats augmenter pour la première fois depuis deux ans. Cette progression est due essentiellement à la demande chinoise. Ce qui est encore plus important, c’est que le prix de vente moyen de la tonne de minerai vendu a été de 105,58$ contre 93,90$ il y a un an. Pendant la même période, les ventes de Vale en Europe ont baissé!

 

 

Auteur: Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, titulaire d’une licence en droit de l’Université de Paris X. Il a été successivement fondé de pouvoir à la charge Sellier, puis associé chez Nivard Flornoy, Agent de Change. En 1987, il est nommé Executive Director chez Shearson Lehman Brothers à Londres en charge des marchés européens et membre du directoire de Banque Shearson Lehman Brothers à Paris. Après avoir été directeur général associé du Groupe Revenu Français, et membre du directoire de Aerospace Media Publishing à Genève, il a créé en 1996 Concerto et Associés, société de conseil dans les domaines de le bourse et d’internet, puis SelectBourse, broker en ligne, dont il a assuré la présidence jusqu’à l’ absorption du CCF par le Groupe HSBC. Il a été ensuite Head of Strategy de la société de gestion Montpensier Finance.

4 Commentaires

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  • jcgruffat

    12 novembre 2013

    Vous avez raison de souligner la reussite historique de HK, cocktail de democratie « a l’anglaise », de laissez faire economique, et lien avec la politique monetaire americaine..
    Mais tout ceci est bien fragile, la representativite politique patine, la Chine intervient en sous main au travers du CEO elu au suffrage censitaire, par des categories sociio-professionnelles qui beneficient du systeme, et HK, autrefois place financiere regionale, n’est plus que le marche « offshore » de la Chine continentale.
    Et l’internationalisation progressive du RMB rend a terme le futur du lien avec le US $ problematique.
    Le succes economique de la Chine, s’il est confirme, sera sans doute la cause majeure du declin progressif de HK.A condition que liberalisme economique et dictature du parti unique continuent a cohabiter.
    Un detail mais non sans importance, le niveau de l’anglais parle a HK, qui n’avait jamais ete tres haut, est en declin sensible depuis le depart des britanniques en 1997, et la connaissance du mandarin n’a pas beaucoup progresse alors que je suis toujours frappe par le niveau actuel de l’anglais parle a Shanghai ou je serai a nouveau la semaine prochaine.
    En terme de rapprochement avec la France, nous sommes semble-t-il le pays d’Europe occidentale le moins performant par notre aisance en anglais..
    La pratique des langues etrangeres est un facteur important d’ouverture economique et donc de croissance.

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    • Franck

      13 novembre 2013

      Je confirme,

      En 1995, quand je disais Big Mac, dans un Mac Donald, n’importe ou a HK, tous les serveurs comprenais (a l’époque mon anglais était limite).

      Aujourd’hui a Mongkok (quartier touristique), j’ai encore vu, quand je dis « number 7 big mac meal » les mecs comprennent rien, ils savent même pas compter jusqu’à 10 en anglais.

    • Sirius

      13 novembre 2013

      Cher JCG,
      je confirme, le niveau d’anglais du middle management à Shanghai est vraiment bon (ceci explique en partie que mon niveau de chinois soit… si mauvais).
      btw, welcome to Shanghai !!

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